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Les petits potins de l’immobilier -2025 Semaine 03

Le potin de la semaine

Location saisonnière : quand la saturation du marché force un retour en arrière


Il fut un temps où la transformation d’anciens locaux industriels en logements paraissait une opportunité en or. C’est précisément le pari qu’avait fait un propriétaire foncier dans les années 2000, en rachetant à bas coût d’anciennes usines de tissage dont personne ne voulait. Visionnaire, il les avait transformées en appartements et, flairant le potentiel de la location touristique, les avait rapidement mis sur le marché du meublé de tourisme via des plateformes comme Airbnb, à une époque où cette pratique était encore confidentielle.

Son succès fut rapide et florissant. Pendant plusieurs années, l’absence de concurrence et une forte demande touristique ont garanti des revenus conséquents. Mais le marché n’est jamais figé. Aujourd’hui, l’offre a explosé : de zéro, le nombre de biens similaires dans sa zone est passé à 140, rendant la location saisonnière bien moins rentable. La saturation s’est accompagnée d’une régulation plus stricte, notamment avec la loi Le Meur et les nouvelles règles applicables dès 2025.
Cette loi, publiée au Journal officiel le 20 novembre 2024, a introduit plusieurs changements majeurs. Dès 2026, tous les meublés touristiques devront être déclarés via un téléservice national, et les loueurs devront prouver qu’il s’agit de leur résidence principale pour continuer à bénéficier du régime simplifié. L’abattement fiscal est également revu à la baisse, avec un plafond de 50 % pour les meublés classés et seulement 30 % pour les meublés non classés. De plus, dans les zones tendues, un diagnostic de performance énergétique (DPE) sera désormais obligatoire, sous peine d’amendes pouvant aller jusqu’à 5 000 €.
Les maires voient aussi leurs pouvoirs s’étendre. Ils pourront désormais fixer des quotas de meublés touristiques dans leur commune, limiter leur durée de location à 90 jours par an et imposer des amendes allant jusqu’à 20 000 € en cas de non-respect des règles. Quant aux copropriétés, elles auront désormais la possibilité d’interdire plus facilement ce type de location, via un vote à la majorité des deux tiers des voix, et non plus à l’unanimité.

Face à ces contraintes, notre investisseur, autrefois pionnier, doit revoir sa stratégie. Il envisage de revenir à la location longue durée, un marché qui, paradoxalement, devient plus attractif avec la raréfaction de l’offre due à la prolifération des locations saisonnières. Ce revirement illustre parfaitement les risques d’un marché en pleine mutation et la nécessité d’anticiper les évolutions réglementaires avant de s’engager dans un modèle économique.

Indivision successorale et nue-propriété : Un droit au partage réaffirmé par la Cour de cassation

Le partage d’une succession peut être un sujet épineux, notamment lorsque le défunt laisse derrière lui un conjoint survivant usufruitier et des enfants nus-propriétaires. Peut-on forcer le partage dans ces conditions ? La Cour de cassation a récemment tranché la question dans une décision qui rappelle un principe fondamental : nul n’est tenu de rester en indivision, y compris lorsque l’indivision porte sur la nue-propriété.

Dans l’affaire en question (Cass. 1re civ., 15 janv. 2025, n° 22-24.672, ), le défunt avait opté pour un régime de communauté universelle avec clause d’attribution intégrale au conjoint survivant. Au décès de l’épouse, le mari survivant a choisi de recueillir l’usufruit de la totalité des biens propres de sa défunte épouse, tandis que leurs deux enfants en sont devenus nus-propriétaires. L’un des enfants a souhaité engager une procédure de partage, tandis que son père et sa sœur s’y opposaient, soutenant qu’il n’existait pas d’indivision permettant ce partage.

La cour d’appel avait jugé l’action en partage irrecevable, estimant que les droits du conjoint survivant usufruitier et ceux des enfants nus-propriétaires étaient de nature différente et ne constituaient pas une indivision proprement dite. La Cour de cassation a cassé cette décision en rappelant un principe clair : lorsqu’une indivision successorale porte sur la nue-propriété, chaque indivisaire, en vertu de l’article 815 du Code civil, peut demander le partage, même si l’usufruit appartient au conjoint survivant.

Ainsi, malgré la présence d’un conjoint survivant en usufruit, un héritier réservataire peut prétendre au partage des biens du défunt sur lesquels il détient une quote-part indivise. Il peut également demander le rapport des donations et la réduction des libéralités consenties par le défunt, dans la limite de la réserve héréditaire.
Cette décision confirme que la nue-propriété, même grevée d’un usufruit, n’échappe pas au principe du droit au partage. Concrètement, cela signifie qu’un enfant nu-propriétaire peut exiger la sortie de l’indivision et réclamer la liquidation de la succession, même si le conjoint survivant bénéficie d’un usufruit sur les biens concernés.

En pratique, cela pourrait contraindre le conjoint survivant usufruitier à envisager une solution amiable ou, à défaut, voir les biens vendus pour permettre le partage. Cette décision met en lumière l’importance d’une planification successorale bien pensée, notamment pour éviter des conflits entre héritiers et protéger efficacement les droits du conjoint survivant.

Face à de telles situations, il est vivement conseillé d’anticiper la transmission de son patrimoine. Plusieurs dispositifs, tels que la donation-partage ou le démembrement croisé de propriété, peuvent permettre d’assurer une transmission plus harmonieuse et de préserver les intérêts du conjoint survivant tout en respectant ceux des héritiers. Un expert immobilier peut également jouer un rôle clé dans ce processus en apportant une évaluation précise des biens, en facilitant les négociations entre les héritiers et en proposant des solutions adaptées pour un partage équitable.

La Cour de cassation rappelle que la nue-propriété ne fait pas obstacle au droit au partage. Les héritiers doivent donc être vigilants et bien conseillés afin d’éviter des conflits successoraux longs et coûteux.

La donation indirecte : une requalification possible des travaux de l’usufruitier

En droit des libéralités, la qualification d’un acte en tant que donation repose sur trois éléments fondamentaux : un appauvrissement du donateur, un enrichissement corrélatif du bénéficiaire, et une intention libérale du disposant (M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français, 2e éd. 1957, T. V, par A. Trasbot et Y. Loussouarn, § 17-2°, p. 22). Toutefois, l’élément formel peut parfois faire défaut, notamment dans le cas des donations indirectes. Celles-ci se caractérisent par un acte dont l’apparence ne permet pas de conclure immédiatement à un caractère gratuit ou onéreux (M. Grimaldi, Libéralités-Partage d’ascendant, Litec 2000, § 1324, p. 248).

Un arrêt récent de la Première Chambre civile de la Cour de cassation en date du 23 octobre 2024 illustre cette problématique. La Haute juridiction a jugé que la réalisation de travaux d’amélioration par un usufruitier sur un bien démembré peut être requalifiée en donation indirecte, si une intention libérale est démontrée.

Dans cette affaire, une mère avait consenti une donation avec réserve d’usufruit viager à l’un de ses enfants. Postérieurement, elle avait engagé des travaux d’amélioration d’un montant de 660 498 €, visant à rendre habitable un ancien logement de garde. Aucun bénéfice n’avait été retiré de ces investissements par l’usufruitière durant son droit de jouissance.

La Cour de cassation rappelle que « la réalisation par l’usufruitier de travaux d’amélioration valorisant le bien n’est pas exclusive d’un dépouillement dans une intention libérale, constitutif d’une libéralité, peu important que ceux-ci soient légalement à sa charge » (Cass. 1re civ., 23 oct. 2024, n° 22-15.897). En d’autres termes, même si certains travaux incombent à l’usufruitier en vertu des articles 605 et 606 du Code civil, leur financement sans contrepartie peut être assimilé à une donation indirecte.

Les juges du fond avaient souverainement conclu que la mère usufruitière s’était appauvrie au profit du nu-propriétaire, son enfant, justifiant ainsi un rapport à la succession selon l’article 843 du Code civil. La Première Chambre civile a validé cette analyse, confirmant que les travaux effectués sans bénéfice pour l’usufruitier devaient être rapportés lors du partage successoral.

Cet arrêt met en lumière les risques encourus par un usufruitier qui entreprend des investissements significatifs sans en tirer d’avantages directs. Il rappelle également l’importance d’une analyse rigoureuse des intentions sous-jacentes aux actes d’administration et de jouissance d’un bien démembré. En l’absence de précaution, le risque de requalification en donation indirecte et de rapport à la succession demeure bien réel.

Délai de rétractation de l’acquéreur immobilier : une précision jurisprudentielle

Le droit de rétractation est un élément important dans les transactions immobilières. Il permet à un acquéreur non professionnel de revenir sur son engagement dans un délai de dix jours après la notification de l’acte. Ce droit, consacré par l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation, doit être apprécié avec rigueur, notamment en ce qui concerne le point de départ du délai.

Un arrêt de la Cour de cassation en date du 1er décembre 2022 apporte une précision utile sur le calcul de ce délai.
Dans cette affaire, un vendeur avait confié un mandat de vente à une agence immobilière, la société Square Habitat Nord de France. Un acquéreur s’était engagé à acheter l’immeuble par acte du 28 août 2018. La promesse de vente lui avait été notifiée par lettre recommandée le 30 août 2018 et reçue le 4 septembre. L’acquéreur avait exercé son droit de rétractation par lettre recommandée expédiée le 15 septembre 2018. L’agent immobilier, estimant cette rétractation tardive, l’a assigné en réparation de son préjudice.
L’enjeu du litige portait sur le calcul du délai de rétractation.

L’acquéreur soutenait que le délai de dix jours devait commencer à courir le 5 septembre 2018 et expirer le 15 septembre 2018, date à laquelle il avait expédié sa rétractation. La cour d’appel, en revanche, avait estimé que le délai expirait le 14 septembre 2018 à minuit et que la rétractation était donc intervenue hors délai, engageant ainsi la responsabilité de l’acquéreur.
La Cour de cassation rappelle que les articles L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation et 641 du Code de procédure civile posent une règle identique : lorsque le délai est exprimé en jours, le jour du point de départ ne compte pas. En conséquence, ces articles ne peuvent se cumuler, et le délai de dix jours court du lendemain de la première présentation de la lettre notifiant l’acte. Ainsi, dans cette affaire, le délai expirait bien le 14 septembre à minuit, rendant la rétractation tardive.
Cet arrêt confirme l’importance d’un calcul précis des délais en matière de rétractation. Les professionnels de l’immobilier et les acquéreurs doivent être vigilants sur la notification de l’acte et s’assurer de respecter scrupuleusement le calendrier légal pour éviter toute contestation. Cette jurisprudence illustre une nouvelle fois la rigueur avec laquelle la Cour de cassation applique les règles de computation des délais dans les contrats immobiliers.

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