Les troubles anormaux de voisinage
L’évolution de la société a conduit à la multiplication de risques, nuisances sonores ou encore à la pollution.
La jurisprudence concernant les troubles anormaux de voisinage est propre au droit de la propriété foncière. Elle ne concerne que les rapports de voisinage et se distingue de l’abus de droit car le propriétaire ne fait pas un usage abusif de son droit, mais un usage excessif en pratiquant une activité licite et possiblement utile. Il ne commet pas nécessairement une faute et peut avoir un intérêt légitime à cette activité. Mais cette activité licite peut être gênante pour ses voisins.
Définition
Le trouble anormal de voisinage est une notion consacrée par la jurisprudence suivant laquelle « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » (Civ. 3e, 13 novembre 1986, Bull. Civ. III, n°172).
Cette théorie se fonde sur les articles 544, 1240 et 1241 du Code Civil, lesquels disposent :
Article 544 du Code Civil :
«La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements».
Article 1240 du Code Civil :
«Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un, dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer».
Article 1241 du Code Civil :
«Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence».
Les critères
Pour qu’un trouble soit considéré comme anormal, il faut remplir les deux critères suivants : d’une part un « trouble causé aux voisins » et d’autre part que ce trouble ait un caractère anormal ou excessif.
La notion de voisin est large, le trouble peut être appliqué aussi bien au voisin proche, qu’un voisin éloigné. La qualité de l’auteur est indifférente : il peut s’agir d’un propriétaire, d’un locataire , d’un copropriétaire. Il peut également s’agir de l’entrepreneur qui effectue des travaux chez le voisin, … La qualité de la victime est indifférente : elle peut aussi bien être le propriétaire, le locataire ou le simple occupant. La réparation peut être demandée par toute victime, quel que soit son titre d’occupation mais également si elle ne subit pas personnellement les nuisances. C’est le cas d’un propriétaire qui ne réside pas directement sur son bien, il est en droit de demander que les troubles anormaux provenant du voisin cessent.
Qu’est-ce qu’un trouble anormal ? Ou dit autrement où commence l’anormalité ?
Le principe est que l’appréciation du caractère anormal du trouble relève du pouvoir souverain des juges du fond.
Pour apprécier le caractère anormal, il faut cumulativement les deux critères suivants :
- Un critère de fréquence : il faut une certaine répétition : bruit, privation de l’ensoleillement, obstruction de la vue, chant d’un coq, … Il doit s’agir de troubles durables, persistants, ou se produisant à intervalles réguliers (mais pas forcément permanents).
- Un critère de gravité : le trouble doit soit provoquer une nuisance importante (dépassant la norme de tolérance habituelle) ou dans le cas de la perte d’ensoleillement entraîner une perte de valeur, ….
Quelle sanction pour le trouble anormal de voisinage ?
La réparation du dommage causé par un trouble anormal de voisinage est double :
- La réparation en nature : le juge ordonne des travaux pour réparer ou faire cesser le trouble.
- La réparation par équivalent : le juge octroie à la victime des dommages et intérêts, lorsque la réparation en nature n’est pas possible ou insuffisante.
Les limites :
La victime d’un trouble anormal de voisinage ne peut obtenir une réparation de son dommage si elle est elle-même l’auteur d’un abus de droit. Ainsi un propriétaire qui se plaint d’un défaut d’entretien d’une haie d’arbres par ses voisins mais qui leur refuse l’accès à sa propriété pour procéder à la taille de la haie ne peut invoquer un trouble anormal de voisinage.
Il existe également une cause d’exonération possible spécifique : l’occupation antérieure ou « pré-occupation ». Pour la jurisprudence, lorsque l’activité potentiellement nuisible s’exerce et se poursuit conformément aux lois et règlements et qu’elle préexiste à l’installation de la victime, elle ne constitue pas un trouble anormal de voisinage : celui qui vient s’installer sait à quoi il s’expose.
Détermination du préjudice
Une fois le trouble anormal caractérisé, il convient de déterminer une indemnité traduisant la perte de valeur vénale du bien immobilier impacté et venant réparer le préjudice subi. Dans ce cas d’espèce, la mission de l’expert immobilier est de traduire économiquement l’impact du préjudice sur la valorisation d’un bien immobilier.
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