Le potin de la semaine
Chez ADMA, on aime les expertises bien ficelées, les évaluations bien fondées… mais aussi aller à la rencontre d’autres professionnels (même si l’une d’entre nous affirme ne pas aimer “les gens”… ce qui, entre nous, n’est pas tout à fait vrai).
Nous sommes deux, avec des appétences différentes, alors forcément, ça multiplie les occasions de sortie : parfois en duo, parfois en solo (eh oui, ça arrive !).
De temps en temps, on sort la tête de nos rapports pour aller prendre la température du terrain — il fait chaud, on confirme.
Et dans ce monde en perpétuel mouvement qu’est l’immobilier, qu’il soit urbain, rural, forestier ou viticole, les formations, réunions et assemblées sont autant de moments précieux.
Précieux pour apprendre, s’informer… mais surtout pour rencontrer ceux qui, comme nous, ont les mains dans la terre… ou dans les baux.
Le mois de juin est riche en événements.
Après Avignon, l’AG de la CNEI et celle de la CEIF (oui, je me perds dans tous ces acronymes !), direction Paris…
Dernièrement, l’une de nous a été repérée à la commission commerce de la FNAIM. Oui, oui, nous aussi, on aime parler franchise, droit au bail ou indemnité d’éviction… avec ceux qui jonglent avec des cessions complexes, des clients pressés et des baux pas toujours très clairs. Bref, les pros de la transaction, les vrais, ceux qui ont les deux pieds sur le terrain.
Et comme on aime varier les plaisirs, une des sœurs Adma a aussi été aperçue à la commission des affaires rurales, forestières et viticoles. Autrement dit : la commission où ça parle servitudes de passage, statut du fermage, baux à clauses environnementales ou encore zones humides sous tension.
Des sujets qui sentent bon la terre battue, mais qui n’ont rien d’anecdotique.
Entre deux échanges animés sur la SAFER ou la fiscalité des terres en friche, on y croise des professionnels vigilants, engagés, et parfois un peu taquins sur la notion de “projet durable”.
Pourquoi y va-t-on ?
Parce que ces commissions, ce sont des observatoires vivants. On y capte les signaux faibles, les tendances à venir, les petites phrases qui annoncent les grandes réformes. Et surtout, on y garde un pied dans la pratique, dans la réalité du terrain, dans ce que vivent concrètement nos clients.
Non, on ne fait pas que commenter les arrêtés ou compiler la jurisprudence.
On écoute, on échange, on débat (avec ou sans café), et on revient avec de quoi affûter nos conseils et actualiser nos analyses. Un bon expert, c’est aussi un expert qui sait où les choses se jouent.
Et souvent, elles se jouent autour d’une table, entre deux commissions.
Des commissions, oui, mais aussi des moments de convivialité.
Comme cette soirée d’anniversaire professionnel très réussie à Paris — autour d’un bon verre de vin (J’ai peut-être un peu forcé sur le buffet… Mention spéciale aux crevettes, un grand merci au beau-père du mari de la nièce : c’était tout simplement excellent !)
L’occasion idéale d’échanger encore avec d’autres experts, avocats et professionnels, de manière plus légère… et de profiter pleinement de ces instants partagés. Merci !
Voilà comment, depuis plus de 30 ans, nous construisons patiemment notre réseau de sachants (qui deviennent aussi pour certains des amis) , chacun expert dans son domaine : vignes, bois, EHPAD… et chacun dans sa région…
Car chez ADMA, quand on ne peut pas tout faire ou on ne sait pas tout faire, mais on ne dit pas non au client : on lui trouve l’expert adapté (dans notre réseau de connaissance) , on lui trouve une solution.
Débroussaillement : ce que la loi vous impose, même quand c’est chez le voisin
On parle souvent de débroussaillement comme d’un conseil de bon sens, une manière de rendre un terrain un peu plus propre, un peu plus net, et d’éviter les mauvaises surprises l’été venu. Mais ce n’est pas seulement une précaution ou un geste civique : c’est une obligation légale, prévue par le Code forestier, applicable à toute une série de situations, et assortie de sanctions, y compris en matière d’assurance. En clair : si le terrain jouxte une forêt, un bois, une garrigue ou une lande, il ne suffit pas d’avoir une pelouse tondue. Il faut débroussailler, et dans les règles.
Le législateur, dans les articles L.131-10 à L.131-16 du Code forestier, a instauré une obligation formelle de débroussaillement dans les zones exposées au risque incendie. Sont concernées les communes situées dans les départements dits à “risque élevé”, listées par arrêté préfectoral. Ce sont principalement des zones du Sud de la France — PACA, Occitanie, Corse, Nouvelle-Aquitaine — mais pas uniquement : certaines franges d’Île-de-France, ou des zones boisées du Massif central, peuvent aussi être visées. C’est donc la combinaison entre la localisation de la parcelle et sa situation à proximité d’un massif forestier qui déclenche l’obligation.
L’obligation incombe au propriétaire du terrain. C’est lui — personne physique, société, indivision ou syndicat de copropriété — qui est juridiquement responsable de l’exécution du débroussaillement. Et cette obligation ne s’arrête pas aux limites de la propriété : le texte impose de débroussailler dans un périmètre de 50 mètres autour de toute construction, installation ou chantier, et sur 10 mètres de part et d’autre des voies d’accès. Dès lors que les 50 mètres dépassent l’emprise de la propriété, le propriétaire du bâti est censé faire exécuter les travaux, même si cela implique d’intervenir sur le fonds voisin. C’est là que le droit rejoint le terrain.
Prenons un cas classique : une maison implantée en limite de propriété, jouxtant un terrain boisé appartenant à un autre particulier. Si les 50 mètres de débroussaillement empiètent sur le terrain du voisin, c’est bien le propriétaire de la maison qui reste tenu d’exécuter les travaux. Il ne peut pas s’en exonérer au motif que le sol n’est pas à lui. S’il ne parvient pas à obtenir l’accord du voisin pour intervenir, il doit en informer la mairie, qui peut prendre le relais pour organiser la mise en demeure du propriétaire voisin et, en cas de refus persistant, faire procéder aux travaux d’office. Cette procédure existe, mais elle suppose du temps, des démarches administratives, et souvent, un certain acharnement. Il est donc toujours préférable, dans la mesure du possible, d’anticiper les discussions avec les voisins — à condition que ceux-ci soient identifiables et localisables, ce qui n’est pas toujours le cas sur les parcelles boisées ou en indivision.
Sur la question du coût, la règle est claire : celui qui est responsable de l’obligation assume les frais. Si vous êtes propriétaire de la maison, même si les travaux ont lieu partiellement chez le voisin, c’est à vous de financer l’opération. Cela inclut l’élagage, le broyage, la coupe et l’évacuation. Il est possible de mutualiser les frais avec le voisin, s’il est coopératif, mais ce n’est pas une obligation de sa part. En cas d’exécution d’office par la mairie, les frais peuvent être récupérés auprès du propriétaire du fonds non entretenu, mais uniquement si ce dernier est considéré comme responsable du défaut de débroussaillement (ce qui suppose que c’est lui qui avait la charge au regard du Code forestier).
Reste LA question : que se passe-t-il si un incendie survient et que le débroussaillement n’a pas été fait ? Les conséquences sont à la fois civiles, pénales et assurantielles. D’un point de vue civil, vous pouvez être tenu responsable des dommages causés à autrui si le feu se propage depuis votre terrain. Le manquement à l’obligation de débroussaillement peut être qualifié de faute, ouvrant la voie à une action en responsabilité civile sur le fondement de l’article 1240 du Code civil (anciennement 1382). D’un point de vue pénal, en cas d’incendie involontaire, le défaut d’entretien peut être interprété comme une négligence ayant contribué au sinistre, passible d’amendes, voire de peines plus lourdes si des blessures ou des décès sont constatés.
Et sur le plan des assurances ? Là encore, l’absence de débroussaillement peut coûter cher. Certaines compagnies d’assurance l’intègrent expressément dans leurs clauses d’exclusion de garantie. Cela signifie que si l’origine ou l’aggravation du sinistre est liée à un défaut d’entretien, l’indemnisation pourra être refusée, ou minorée. Il ne suffit pas d’avoir une assurance multirisque habitation pour être couvert en cas de feu de forêt : encore faut-il avoir rempli ses obligations préventives. Ce point est généralement mentionné dans les conditions générales ou dans les notices annexes, rarement lues, mais toujours opposables.
On voit donc que le débroussaillement n’est pas une corvée secondaire réservée aux maisons de campagne ou aux résidences secondaires. C’est une obligation de sécurité, avec des implications concrètes en matière de responsabilité, de voisinage, et d’indemnisation. Ne pas la respecter, c’est prendre le risque de devoir assumer seul les conséquences d’un événement dont la prévention relevait, en partie, de votre diligence. Et dans ce domaine, il vaut mieux manier le sécateur à temps que le chéquier après coup.
Depuis quelques années, le législateur a décidé de renforcer considérablement le cadre applicable aux zones exposées aux incendies. L’élément déclencheur, ce sont bien sûr les épisodes récents de feux de forêt d’une ampleur inhabituelle, parfois à quelques centaines de mètres de zones résidentielles. La loi n° 2023-580 du 10 juillet 2023 relative à la prévention et à la lutte contre l’intensification du risque incendie a marqué un tournant. Elle étend notamment la portée de l’obligation de débroussaillement au-delà du traditionnel rayon de 50 mètres. Désormais, les préfets peuvent aller jusqu’à imposer un périmètre de 100 mètres autour des constructions, et jusqu’à 20 mètres de part et d’autre des voiries, sentiers ou réseaux. Le texte introduit également une généralisation de l’OLD dans les zones situées jusqu’à 200 mètres des massifs boisés, en ciblant les zones dites “à exposition forte”, ce qui modifie concrètement le périmètre de nombreuses parcelles jusque-là non concernées.
Un décret d’application du 29 avril 2024 est venu préciser le contenu des informations que doivent comporter les états des risques et pollutions (ERP). À compter du 1er janvier 2025, toute transaction immobilière ou mise en location dans les communes classées devra mentionner explicitement la présence d’une obligation de débroussaillement, dès la première visite du bien. Il ne s’agira plus simplement d’un paragraphe noyé dans les annexes du compromis, mais d’une information visible et opposable. Cela signifie que les vendeurs et bailleurs devront être en mesure de démontrer que l’obligation a été respectée, ou tout au moins identifiée, ce qui aura un impact direct sur la responsabilité en cas de sinistre, mais aussi sur la négociation du prix ou du bail.
Dans la foulée, un arrêté interministériel du 29 mars 2024 a fixé les règles techniques minimales applicables sur l’ensemble du territoire : nature des végétaux à éliminer, densité maximale tolérée, gestion des résidus, distances minimales entre houppiers, compatibilité avec les contraintes environnementales locales (zones humides, espèces protégées, pentes fortes…). Ce cadre, jusque-là laissé à la libre interprétation des mairies ou des DDT(M), est désormais uniforme. Il permet une lecture plus claire et une application plus cohérente du droit sur le terrain, tout en laissant une marge d’adaptation aux préfets pour tenir compte des spécificités départementales.
De nombreux arrêtés préfectoraux sont d’ailleurs en cours de révision. Plusieurs départements ont lancé des consultations publiques depuis le printemps 2025, notamment dans l’Hérault, les Pyrénées-Orientales, l’Ille-et-Vilaine, les Landes ou encore le Var. Le but est d’actualiser les périmètres de massifs classés, de réévaluer les distances selon la topographie, et parfois même d’intégrer des secteurs urbanisés jusqu’alors exclus. Ces mises à jour locales devraient se poursuivre jusqu’en 2026. Pour les professionnels du foncier, cela suppose une veille active, car ces textes ont un effet direct sur les obligations de leurs clients, mais aussi sur les valeurs vénales et sur la charge d’entretien.
Dans un contexte où le changement climatique accentue la fréquence des épisodes de sécheresse et où la pression assurantielle ne cesse d’augmenter, ces évolutions législatives et réglementaires traduisent une volonté claire : rendre les obligations de prévention plus lisibles, plus anticipées, et surtout, plus opposables. Le débroussaillement n’est donc plus une question de bon voisinage ou d’esthétique paysagère. Il est devenu un critère de sécurité publique, une ligne de responsabilité civile et un élément incontournable de toute opération immobilière en zone exposée. Et désormais, les broussailles sont aussi surveillées que les fondations.
Statut du fermage : entre immobilisme juridique et réveil foncier
Le statut du fermage, on en parle souvent comme d’un socle protecteur. Mis en place par la loi du 13 avril 1946, il encadre la mise à disposition de terres agricoles entre propriétaires et preneurs. Bail de neuf ans renouvelable automatiquement, droit de préemption du preneur, encadrement strict des congés, fixation des loyers sur la base d’un indice national publié chaque année : rien n’est laissé au hasard. Ce cadre a stabilisé l’agriculture française pendant des décennies. Mais aujourd’hui, les choses changent.
La réalité foncière de 2025 n’est plus celle de l’après-guerre. Environ 60 % des exploitants agricoles approchent de l’âge de la retraite. Dix millions d’hectares vont changer de mains d’ici dix ans. La question du renouvellement des générations agricoles, de la disponibilité du foncier, de l’installation des jeunes et de la transition environnementale fait émerger un besoin : adapter le droit rural à ces mutations.
Le statut du fermage, dans sa rigidité actuelle, devient un verrou. Il bloque la reprise de terres, décourage certains projets, et entretient une forme de défiance entre bailleurs et preneurs. Les baux sont reconduits automatiquement, les loyers encadrés, les clauses environnementales mal définies, et les possibilités de reprise souvent contestées. Et dans le même temps, la fiscalité applicable au foncier agricole reste peu incitative : charges foncières élevées, taxation lourde des plus-values, fiscalité IFI parfois absurde pour des biens non bâtis.
C’est dans ce contexte qu’intervient la FNPPR – Fédération Nationale de la Propriété Privée Rurale. Syndicat professionnel indépendant, elle représente et défend les intérêts de plus de 4 millions de propriétaires agricoles et ruraux en France. Et pourtant, ces voix sont encore trop peu audibles dans les débats parlementaires, face à des syndicats d’exploitants mieux organisés.
La FNPPR ne fait pas de bruit. Elle agit. Elle suit tous les textes en préparation, notamment ceux relatifs à la réforme du statut du fermage. Elle participe aux concertations au ministère de l’Agriculture, rédige des amendements, porte des propositions claires : meilleure articulation entre baux ruraux et enjeux environnementaux, intégration sécurisée des projets agrivoltaïques, possibilité de sortie maîtrisée du bail après deux renouvellements, reconnaissance du bailleur comme acteur de la politique foncière. Elle demande aussi que le droit de reprise soit clarifié, que les délais de contestation soient raccourcis, et que le statut du bailleur soit enfin traité avec le sérieux qu’il mérite.
Sur le terrain, la FNPPR accompagne concrètement les propriétaires : modèles de baux, veille juridique, fiches pratiques, conseil en cas de litige, informations sur les décisions préfectorales ou les pratiques des SAFER. Ce n’est pas un organisme à distance. C’est un appui structuré, discret, mais redoutablement efficace.
Et surtout, la FNPPR rappelle une chose essentielle : derrière chaque bail rural, il y a un droit fondamental, celui de propriété. Un droit qui n’est pas accessoire, qui n’est pas honteux, et qui mérite d’être défendu. Dans un contexte où les usages collectifs, les impératifs écologiques ou les volontés politiques peuvent parfois venir grignoter ce droit au nom d’un intérêt supérieur, la vigilance est de mise. La FNPPR s’attache à défendre la propriété privée, non pas comme un privilège, mais comme un principe structurant de l’équilibre rural. Le jour où ce droit sera affaibli, c’est toute l’architecture du monde agricole qui vacillera.
Pendant que les réformes s’ébauchent — crédit d’impôt pour assurance impayés de fermage, révision des conditions de renouvellement, bail environnemental ou énergétique —, la FNPPR reste vigilante. Elle rappelle que les propriétaires ne sont pas des figurants. Ils sont au cœur du système agricole. Sans eux, pas de foncier disponible, pas de portage, pas de transmission. Leur implication doit être reconnue, et leurs droits protégés.
Dans ce contexte, chaque propriétaire rural — qu’il détienne quelques hectares ou une grande exploitation, qu’il soit en indivision, en SCI, ou simple héritier — devrait adhérer à la FNPPR. Ce n’est pas une adhésion de principe. C’est une action utile, concrète, structurante. Défendre ses terres, c’est aussi défendre le cadre juridique dans lequel elles évoluent. Et aujourd’hui, ce cadre est en train de bouger.
Rester seul face aux évolutions législatives, c’est subir. Se regrouper pour peser, c’est la seule réponse raisonnable.