Le potin de la semaine
Une odeur à ne pas prendre à la légère !
En échangeant cette semaine, avec une partenaire (quelqu’un de très professionnel , je recommande) , nous avons abordé un sujet des plus délicieux : la mérule. Elle m’a rapporté qu’au cours d’une visite d’un local commercial dans le cadre d’une évaluation, elle a eu le flair d’un détective : une odeur étrange dans le sous-sol commun. Et bon réflexe : elle fait demander un diagnostic Mérule.
Mais voilà, la cliente souhaite toujours acheter le bien même si le diagnostic est positif.
Alors, faut-il vraiment se lancer dans l’aventure avec ce squatteur fongique en sous-sol ? Quelles précautions prendre pour éviter que cela ne devienne un cauchemar immobilier…
Mais quand même une odeur pareille cela ne passe pas inaperçu et personne ne dit rien ? les locataires, les propriétaires, la copropriété ? surprenant non ?
Et vous, avez-vous déjà eu ce type de cas dans le cadre de vos évaluations ou transactions ? Comment réagissez-vous ?
Pour répondre à ces questions nous vous proposons deux nouveaux articles sur le sujet dans notre Blog.
Les actualités
Baux
Bail commercial – état des lieux de sortie
L’article 1630 du Code civil stipule que lorsqu’un acquéreur est évincé (c’est-à-dire qu’il perd la possession du bien en raison d’un défaut de validité de la cession), le vendeur (ou cédant dans le cadre d’un bail) est tenu de le garantir. Cette garantie inclut, entre autres, la restitution du prix, des fruits du bien et des frais, ainsi que des dommages et intérêts.
Dans cette affaire, la société TNT Serge Blanco avait cédé son droit au bail à la société O’Pit. Cependant, en raison d’une irrégularité dans la cession, le bailleur avait obtenu en justice la résiliation du bail et l’expulsion du cessionnaire. La cession étant inopposable au bailleur, le cessionnaire a été évincé.
Points principaux de la décision
- Garantie d’éviction : La Cour a jugé que la société TNT Serge Blanco, en tant que cédante, devait garantir le cessionnaire de l’éviction causée par l’irrégularité de la cession, qui n’était pas opposable au bailleur. Ainsi, la cédante est responsable des conséquences de cette éviction.
- Remboursement des loyers et indemnités d’occupation : La Cour a précisé que le cédant ne peut pas demander le remboursement des loyers et indemnités d’occupation au cessionnaire pour la période durant laquelle ce dernier a occupé les locaux sans faute. Bien que la cession soit inopposable au bailleur, le cessionnaire a occupé légitimement les lieux durant cette période, et il ne saurait donc être tenu de rembourser les sommes payées par le cédant au bailleur.
- Décision de la Cour : La Cour de cassation a rejeté la demande de remboursement formée par la société TNT Serge Blanco, confirmant ainsi que cette dernière était seule responsable de l’éviction du cessionnaire, et ne pouvait donc obtenir le remboursement des sommes qu’elle avait versées au bailleur.
La Cour de cassation a réaffirmé que, en cas d’éviction du cessionnaire du fait de l’inopposabilité d’une cession de bail, le cédant est tenu de garantir le cessionnaire. Le cédant ne peut pas réclamer le remboursement des loyers ou indemnités d’occupation tant que le cessionnaire a occupé les lieux de bonne foi et sans faute, même si la cession est juridiquement inopposable.
Bail commercial
Rapports entre le cédant et le cessionnaire
L’arrêt de la Cour de cassation du 4 juillet 2024 (troisième chambre civile) aborde la question de la garantie d’éviction dans le cadre d’une cession de bail commercial. L’affaire oppose la société TNT Serge Blanco, cédante, à la société O’Pit, cessionnaire, dans un litige concernant les effets de l’éviction sur les loyers et indemnités d’occupation.
Faits de l’affaire
La société TNT Serge Blanco avait cédé son droit au bail commercial à la société O’Pit par un acte du 30 septembre 2015. Toutefois, en 2018, la cession est contestée par le bailleur, qui obtient la résiliation judiciaire du bail aux torts de la cédante en raison de l’irrégularité de la cession. La cessionnaire a dû quitter les lieux, invoquant l’éviction et réclamant des dommages à la cédante sur la base de la garantie d’éviction prévue à l’article 1630 du Code civil.
Principes juridiques
Selon l’article 1630 du Code civil, le cédant d’un bail est tenu de garantir le cessionnaire contre toute éviction résultant d’un défaut de qualité de locataire. En conséquence, en cas d’éviction, le cessionnaire peut demander restitution du prix, des fruits et dommages-intérêts.
Décision de la Cour
La Cour de cassation rejette le pourvoi de la société TNT Serge Blanco, confirmant que celle-ci, en tant que cédante responsable de l’éviction, ne peut obtenir du cessionnaire le remboursement des loyers et indemnités d’occupation payés au bailleur pour la période où le cessionnaire a occupé les locaux sans faute. Le cessionnaire étant protégé par la garantie d’éviction, il ne peut être tenu de rembourser ces sommes, car il occupait légitimement les locaux jusqu’à la signification de l’expulsion.
La Cour de cassation a confirmé que le cédant, responsable de l’éviction en raison de l’inopposabilité de la cession, est tenu de garantir le cessionnaire. Celui-ci n’est pas redevable des loyers ou indemnités d’occupation pour la période où il occupait les lieux en toute bonne foi.
Nantissement de fonds de commerce comprenant une marque
L’arrêt de la Cour de cassation du 26 juin 2024 (pourvoi n° 23-11.020) examine la question de la sanction en cas de défaut d’inscription aux registres de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), dans le cadre de l’article L.143-17 du Code de commerce. Cet article, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance de 2021, imposait l’inscription des cessions de fonds de commerce comprenant des titres de propriété industrielle (marques, brevets, dessins, ou modèles industriels) au registre de l’INPI, sous peine de nullité à l’égard des tiers.
Interprétation antérieure : nullité
Avant la réforme, une interprétation stricte de l’article L.143-17 du Code de commerce entraînait la nullité de la cession si le titre de propriété industrielle inclus dans le fonds de commerce (comme une marque ou un brevet) n’était pas inscrit au registre de l’INPI dans les délais impartis. Cela signifiait que l’acte de cession pouvait être annulé vis-à-vis des tiers en raison de l’absence de cette inscription, rendant ainsi l’acte inopposable.
Décision de la Cour de cassation : inopposabilité
Dans cet arrêt de 2024, la Cour de cassation adopte une approche différente et juge que l’absence d’inscription d’une telle cession n’entraîne pas la nullité, mais plutôt l’inopposabilité aux tiers de la sûreté portant sur le fonds de commerce incluant une marque. Cela signifie que la cession reste valable entre les parties, mais ne peut être opposée aux créanciers ou aux tiers, qui ne peuvent donc pas être tenus de respecter l’acte de cession.
Réforme du droit des sûretés de 2021
Cette décision fait écho à la réforme de 2021 (ordonnance n° 2021-1192), qui a clarifié la sanction applicable en cas de défaut de publication : l’inopposabilité et non la nullité. Le texte précise que la non-inscription d’une cession de fonds de commerce incluant des titres de propriété industrielle ne remet pas en cause la validité de la cession entre les parties, mais limite ses effets sur les tiers non informés par l’inscription au registre de l’INPI.
La Cour de cassation réaffirme ici que l’absence d’inscription d’une cession ou d’un nantissement de fonds de commerce comprenant des titres de propriété industrielle n’entraîne plus la nullité de la cession mais son inopposabilité aux tiers. Cette jurisprudence s’aligne sur la réforme législative de 2021 qui a renforcé la sécurité juridique des transactions commerciales tout en protégeant les tiers.
Bail rural
Bail à ferme – Indemnité au preneur sortant
L’arrêt du 11 juillet 2024 (pourvoi n° 21-23.372) aborde les effets d’une cession de bail à ferme, en particulier lorsque le bailleur a délivré un congé au preneur pour atteinte de l’âge de la retraite, en application de l’article L. 411-64 du Code rural et de la pêche maritime.
Contexte juridique : Article L.411-64 du Code rural
L’article L.411-64 permet au bailleur de refuser le renouvellement du bail lorsque le preneur atteint l’âge de la retraite. Ce congé doit être délivré au moins 18 mois avant la fin de la période triennale en cours. Toutefois, le preneur peut céder son bail à un descendant ou un conjoint participant à l’exploitation, sous certaines conditions, prévues par l’article L.411-35 du même code. Si la cession est autorisée par le tribunal paritaire des baux ruraux ou acceptée par le bailleur, le bénéficiaire de la cession a droit au renouvellement du bail.
Faits de l’affaire
Dans cette affaire, M. L. [A], preneur d’un bail à ferme, a demandé l’autorisation de céder son bail à son fils. En parallèle, le bailleur, M. [R], a délivré un congé à M. [A] en raison de son âge, prenant effet au 1er octobre 2012. Après une longue procédure, la cession a finalement été autorisée par la justice en 2014, et l’acte de cession a été signé en 2016 et notifié aux héritiers du bailleur.
Décision de la Cour de cassation
La Cour a statué que la cession, une fois rendue opposable au bailleur (soit par acceptation ou notification conformément à l’article 1216 du Code civil), prive d’effet le congé délivré pour l’âge de la retraite. Ainsi, bien que le congé ait été délivré avant la cession, celle-ci, une fois finalisée et notifiée, annule l’effet du congé. Le bailleur ne peut donc plus invoquer ce congé pour mettre fin au bail ou demander l’expulsion du preneur ou de son descendant.
Cet arrêt souligne que le congé pour atteinte de l’âge du preneur est sans effet dès lors que la cession du bail, autorisée ou validée judiciairement, devient opposable au bailleur. Cela renforce les protections offertes aux preneurs agricoles dans le cadre de la transmission de leur bail à leurs descendants.
Régimes matrimoniaux
Reprise des deniers propres en régime de communauté
Dans l’arrêt du 2 mai 2024 (pourvoi n° 22-15.238), la Cour de cassation examine les conditions de la reprise de deniers propres lors de la liquidation des intérêts patrimoniaux d’époux mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, en s’appuyant sur l’article 1467 du Code civil.
Contexte juridique : Reprise des propres (article 1467 du Code civil)
L’article 1467 prévoit que lors de la dissolution de la communauté, les biens propres des époux, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas entrés en communauté, doivent être repris par leur propriétaire d’origine. Cela inclut les biens qui existent toujours en nature ou qui ont été subrogés (remplacés par d’autres biens propres).
La reprise des propres précède donc la liquidation de la communauté, car elle permet de définir la masse commune qui sera partagée entre les époux. Cette reprise ne concerne que les biens demeurés propres à l’époux concerné à la dissolution de la communauté.
Faits de l’affaire
Dans cette affaire, Mme X a réclamé la reprise de deniers propres qui lui auraient été donnés par ses parents pendant son mariage avec M. Y. La cour d’appel avait donné droit à sa demande, en se basant sur l’origine propre des fonds donnés, sans s’intéresser à ce qu’il était advenu des deniers pendant le mariage. M. Y avait contesté cette décision en arguant que la donation avait été faite aux deux époux.
Décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation a annulé l’arrêt de la cour d’appel pour défaut de base légale. Elle a rappelé qu’il ne suffit pas de prouver que les fonds étaient propres lors de leur entrée dans le patrimoine de l’époux. Il faut également démontrer que les deniers existent encore au moment de la dissolution de la communauté et qu’ils n’ont pas été mélangés avec des biens communs, conformément à l’article 1467 du Code civil. En raison de la fongibilité des sommes d’argent, il est essentiel de tracer ces fonds pour prouver qu’ils sont restés propres jusqu’à la dissolution.
Enjeux de l’arrêt
Cet arrêt met en avant l’importance de la traçabilité des fonds lors de la demande de reprise des propres. En matière d’argent, la présomption de communauté peut compliquer la démonstration de la nature propre des sommes si elles ont été déposées sur des comptes communs ou mélangées avec des fonds communs.
En résumé, la Cour de cassation précise que la reprise des deniers propres ne peut être admise qu’à la condition que ces deniers existent toujours en nature au moment de la dissolution, et que la partie qui en réclame la reprise soit en mesure de prouver leur traçabilité.
Nullité de plein droit décision de préempter ; SAFER
Dans l’arrêt rendu le 13 juin 2024 (pourvoi n° 22-20.992), la Cour de cassation traite de la question de la nullité de la déclaration de préemption exercée par la SAFER (Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural) et de la qualité pour agir en nullité de cette déclaration, en vertu de l’article L. 412-8 du Code rural et de la pêche maritime.
Contexte juridique : Droit de préemption de la SAFER
L’article L. 412-8 du Code rural et de la pêche maritime régit le droit de préemption de la SAFER. Lorsque la SAFER est informée d’un projet de vente, elle peut exercer son droit de préemption pour acquérir le bien au lieu de l’acquéreur initialement désigné. Si la SAFER décide de préempter, elle doit formaliser l’acte de vente authentique dans un délai de deux mois à compter de sa décision. Si ce délai est dépassé, la déclaration de préemption devient nulle de plein droit après une mise en demeure restée sans effet.
Faits de l’affaire
En 2016, la SAFER a préempté deux parcelles que M. et Mme [D] projetaient d’acquérir. Cependant, la SAFER n’a pas régularisé l’acte de vente dans le délai imparti. M. et Mme [D] ont alors assigné la SAFER en nullité de sa décision de préemption. La SAFER a contesté cette demande, affirmant que les époux [D] n’étaient pas des acquéreurs évincés au sens de la loi, car tous les propriétaires indivis n’avaient pas donné leur accord pour la vente des parcelles.
Décision de la Cour de cassation
Qualité pour agir des acquéreurs évincés : La Cour de cassation a rappelé que l’article L. 412-8 permet à l’acquéreur évincé par la préemption de la SAFER d’agir en nullité de la décision de préemption. Dans cette affaire, la Cour a jugé que M. et Mme [D] étaient bien des acquéreurs évincés, car ils étaient mentionnés comme acquéreurs dans la notification faite par le notaire à la SAFER, même si tous les indivisaires n’avaient pas encore donné leur accord formel. Dès lors, leur action en nullité était recevable.
Nullité de plein droit de la déclaration de préemption : La Cour a confirmé que la SAFER avait dépassée le délai de deux mois pour régulariser l’acte de vente et n’avait pas justifié que ce retard ne lui était pas imputable. Bien que la SAFER ait contacté le notaire trois jours après avoir reçu la mise en demeure, elle avait eu presque six mois pour régulariser la vente, mais n’avait pris aucune mesure concrète avant ce rappel.
La Cour de cassation a donc rejeté le pourvoi de la SAFER et confirmé la nullité de sa décision de préemption. Cet arrêt souligne l’importance pour la SAFER de respecter les délais impartis lors de l’exercice de son droit de préemption, et clarifie que la qualité d’acquéreur évincé n’est pas subordonnée à un accord ferme et définitif entre tous les propriétaires indivis.