Le potin de la semaine
Edilaix nous renouvelle sa confiance pour les RNEI 2025 à Lyon !
Nous sommes très heureuses d’annoncer qu’Edilaix nous renouvelle sa confiance cette année encore pour intervenir lors des Rencontres Nationales de l’Expertise Immobilière (RNEI) 2025, qui se tiendront à Lyon et sommes impatients de partager notre expertise avec les participants de cette édition.
Cette année ce n’est pas une mais les deux sœurs ADMA qui interviendront. Etant toutes deux expertes judiciaires et passionnées par la transmission de leur savoir, nous auront le plaisir d’animer une formation sur une thématique aussi technique qu’essentielle : « Sol + Construction ».
🎯 Objectif : Savoir dissocier l’évaluation du foncier de celle du bâti
🕒 Programme détaillé
- 14 h – 15 h 30 : Les enjeux et les écueils d’une valorisation ventilée entre le foncier et le bâti. À travers un rappel de la jurisprudence — notamment la décision majeure du Conseil d’État du 15 février 2016 — et une revue des normes applicables, cette session visera à poser les bases d’une analyse rigoureuse.
- 16 h – 17 h 30 : Étude de cas pratique. Cette deuxième partie permettra d’approfondir le choix des méthodes, leur application chiffrée, et notamment la question de l’amortissement des équipements.
Comme toujours, la pédagogie ADMA mêlera cadre juridique, approche méthodologique et exemples concrets, pour offrir une formation à la fois vivante et opérationnelle.
C’est un honneur renouvelé de faire partie des intervenants de ce rendez-vous de référence dans l’expertise immobilière, et nous remercions chaleureusement Edilaix pour sa fidélité et sa confiance.
📍Rendez-vous à Lyon pour deux journées de formation, d’échanges et de réflexions professionnelles stimulantes !
📎 Infos et inscription : 👉 Formation RNEI 2025 – Edilaix
Terres agricoles et succession : quand la vente n’est pas (toujours) une donation déguisée
Une vente à un enfant, qui plus est exploitant agricole, soulève souvent des remous au moment du règlement de la succession. C’est exactement ce qui s’est passé dans l’affaire jugée par la Cour de cassation le 6 mars 2024 (1re civ., n° 22-23.937), à propos de la vente de terres agricoles consentie par un père à son fils… preneur à bail.
Le père vend à son fils et sa belle-fille, tous deux exploitants, plusieurs parcelles agricoles en 2012. Deux ans plus tard, le décès survient. La fille du défunt soupçonne une libéralité déguisée : selon elle, le prix de vente ne correspondait pas à la valeur réelle des terres. Elle saisit alors la justice pour demander le rapport à la succession de l’écart de valeur, estimant qu’il y a eu un avantage indirect.
La cour d’appel donne raison à la sœur : elle ordonne que la valeur des terres soit déterminée comme si elles étaient libres de toute occupation, en estimant que le bail avait disparu par l’effet de la vente. Et qui dit « terres libres », dit « valeur plus élevée », et donc « avantage à rapporter » pour le frère.
Mais la Cour de cassation n’est pas de cet avis. Elle rappelle que, pour qu’il y ait libéralité, il faut un appauvrissement du défunt au moment de la vente. Et pour apprécier cet appauvrissement, il faut tenir compte de la réalité juridique du bien au jour de la vente. Or, à cette date, les terres étaient louées. Et ce, même si le bail s’est éteint après la vente par la fameuse « confusion des qualités » (le fils devenant à la fois propriétaire et ancien locataire).
Le raisonnement est limpide : on n’évalue pas un bien agricole loué comme s’il était vide, simplement parce qu’il le deviendra plus tard. L’existence du bail rural pèse objectivement sur la valeur du bien, et ce bail existait bel et bien au moment de la vente. Peu importe que l’acheteur soit héritier présomptif : à cette date, la succession n’est pas ouverte, il n’est donc pas encore héritier.
Ce faisant, la Cour de cassation s’écarte d’un courant jurisprudentiel antérieur, issu notamment de son arrêt du 21 octobre 2015 (n° 14-24.926), où elle avait admis une évaluation « terres libres » dans une situation semblable. Mais là encore, le contexte était différent : il s’agissait d’un partage. Or ici, il est question d’une vente entre vifs, sans rapport direct avec la succession à venir.
La solution est saine : elle empêche une lecture « post mortem » d’un acte de gestion parfaitement licite du vivant. Car, à bien y réfléchir, rien n’obligeait le père à vendre au prix fort, ni à prévoir un traitement égal entre ses enfants de son vivant. Il aurait même pu donner l’ensemble de son patrimoine à un inconnu, au grand désespoir de ses héritiers présomptifs.
En fixant la règle que la valeur s’apprécie au jour de la vente, bail compris, la Cour ancre le rapport des libéralités dans une logique de réalité économique et juridique. Et surtout, elle rappelle que l’intention libérale ne se déduit pas de simples conjectures successorales, mais bien d’un faisceau d’éléments à établir.
La décision s’inscrit donc dans une cohérence bienvenue avec la jurisprudence rurale (Cass. 3e civ., 9 nov. 2011, n° 10-24.687), qui impose de tenir compte du bail dans le cadre d’une préemption, même si le preneur devient ensuite propriétaire. En clair, on ne peut pas faire comme si le bail n’avait jamais existé simplement parce qu’il va s’éteindre.
En pratique, cela signifie qu’une vente à un héritier exploitant, à un prix conforme à la valeur occupée des terres, n’est pas en soi suspecte. Pour qu’il y ait libéralité rapportable, encore faut-il prouver que le prix était inférieur à cette valeur occupée et que le vendeur avait bien l’intention d’avantager son enfant.
Moralité ? Ce n’est pas parce qu’un terrain est transmis à un héritier qu’il y a nécessairement donation. Et ce n’est pas parce qu’il y a bail qu’il faut l’oublier. Encore faut-il regarder les choses en face : au moment où l’acte est signé, et non avec les lunettes du notaire quelques années plus tard.
« Clause de destination : une ligne à ne pas franchir »
L’histoire commence en 2006, quand la société Garage de Châtel signe un bail commercial de neuf ans pour exploiter une activité d’achat, vente et exposition de véhicules neufs et d’occasion. Le bail, classique, mentionne une clause de « destination des lieux » : le preneur pourra y exercer cette activité, mais toute modification, même temporaire, nécessite l’accord exprès, préalable et écrit du bailleur. Jusque-là, tout roule.
Puis, en 2017, la locataire annonce son intention d’élargir son activité à la réparation de véhicules d’occasion et à la vente de pièces détachées. Une activité qu’elle qualifie elle-même de « nouvelle ». La bailleresse, qui a changé entre-temps, refuse. Quelques mois plus tard, elle délivre deux commandements : l’un pour non-respect de la clause de destination (vous l’avez deviné, avec clause résolutoire à l’appui), l’autre pour des loyers impayés.
La locataire contre-attaque devant le tribunal. Elle soutient qu’elle n’était pas obligée d’exercer uniquement l’activité prévue, que le bail n’imposait pas d’exclusivité, et qu’au fond, le bailleur avait fermé les yeux pendant des années. Elle met même en avant une attestation du gérant de la bailleresse de l’époque, qui parlait d’autoriser l’exploitation « conformément à l’objet social » du garage. Pour elle, c’était un feu vert.
Mais la justice n’a pas vu les choses de la même manière. D’une part, les juges ont estimé que la clause de destination était restrictive : l’activité de réparation et la vente de pièces détachées, bien que liées, restaient juridiquement distinctes de l’activité de vente de véhicules. D’autre part, l’attestation produite n’était ni un avenant, ni une preuve d’accord clair et non équivoque de la bailleresse. Un simple papier unilatéral ne suffit pas à modifier un contrat signé.
Et que dire du silence du bailleur pendant plusieurs années ? Là encore, la cour rappelle que ce silence ne vaut pas renonciation à faire respecter ses droits. Il faut une volonté claire et manifeste de renoncer, ce qui n’était pas le cas ici.
La locataire a aussi plaidé la mauvaise foi : selon elle, le commandement n’était qu’un prétexte pour se débarrasser d’un locataire encombrant, après un différend sur des travaux électriques. Mais la cour a balayé cet argument. Elle a relevé que la demande de modification d’activité était explicite, qu’elle avait reçu une réponse négative dans les délais, et que l’activation de la clause résolutoire s’en suivait logiquement.
Enfin, la société Garage de Châtel contestait également le second commandement, celui fondé sur le non-paiement. Elle espérait faire tomber les pénalités de retard. Là encore, échec. La clause d’indexation était valable, les arriérés avérés, et le contrat prévoyait expressément des pénalités de 1 % par mois sans mise en demeure préalable.
Au final, la cour d’appel de Metz, suivie par la Cour de cassation (3e civ., 27 juillet 2023, n° 22-19.127), a rejeté tous les moyens du locataire. Résiliation du bail confirmée, expulsion ordonnée, et indemnités d’occupation à payer.
Morale de l’histoire : dans un bail commercial, la clause de destination n’est pas là pour faire joli. Elle a une portée contraignante. Et même si le bailleur semble tolérer une activité marginalement différente, mieux vaut formaliser tout changement noir sur blanc, avec un avenant signé des deux parties. Car au premier accrochage, c’est souvent cette fameuse clause que l’on exhume… et qui peut tout faire basculer.