Le bail réel d’adaptation à l’érosion côtière, ou BRAEC pour les intimes, c’est la nouvelle star des littoraux français. Introduit par la Loi Climat et Résilience (n° 2021-1104 du 22 août 2021), il vient réconcilier un vieux mariage un peu bancal : celui entre la nécessité de vivre et d’exploiter les zones côtières et la réalité d’un littoral qui fait doucement ses valises, mètre par mètre, à cause de l’érosion.
Définition
D’abord, qu’est-ce que ce BRAEC ? Derrière son acronyme énigmatique se cache un dispositif créé par l’ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022. L’idée est simple sur le papier : permettre aux collectivités et autres acteurs publics de mettre à disposition des terrains ou des bâtiments situés dans des zones à risque, tout en anticipant leur disparition progressive.
Ce bail, prévu par l’article L321-21 du Code de l’environnement, n’est pas un bail classique où l’on s’installe sans se poser de questions. Non, ici, on parle d’un contrat bien encadré, pensé pour protéger autant que possible les côtes, tout en s’adaptant aux besoins humains et économiques des zones concernées.
Un bail « sur mesure »
Le BRAEC, c’est un bail « sur mesure », et il est taillé pour durer entre 12 et 99 ans. Mais attention, ce n’est pas un bail qui s’endort paisiblement jusqu’à son échéance : il peut être résilié bien avant si la situation le demande.
En effet, si le maire ou le préfet considère que le recul du trait de côte devient un peu trop pressant, hop, ils peuvent mettre fin au bail pour protéger la sécurité des occupants.
Pas de panique, cette résiliation n’est pas un coup de tête : elle répond à une logique de prévention et s’inscrit dans l’article L321-22 du Code de l’environnement.
Côté finances
Côté finances, le preneur doit mettre la main à la poche dès la signature du bail, avec un prix fixé en fonction des coûts d’acquisition du terrain par le bailleur et des opérations futures de renaturation prévues (toujours article L321-21). Cette dernière étape, la renaturation, c’est un peu le fil rouge du BRAEC. On anticipe dès le départ que, tôt ou tard, il faudra démolir, dépolluer et rendre le terrain à son état naturel. En somme, ce n’est pas un bail pour s’enraciner mais pour cohabiter temporairement avec la nature.
Obligations
Et que fait le preneur pendant qu’il occupe les lieux ? Eh bien, il doit se plier à plusieurs obligations. L’entretien courant du bien, par exemple, est entièrement à sa charge. Les travaux ? Autorisés, mais dans le respect des clauses prévues dans le bail. Il peut même, sous conditions, sous-louer le bien ou acquérir des servitudes (article L321-23). Mais à l’échéance ou à la résiliation anticipée, il faut partir et laisser place nette : les constructions, les installations, tout doit disparaître, comme si de rien n’était.
Un outil de planification
Le BRAEC, c’est aussi un outil de planification pour les collectivités. Grâce à l’intégration de cartes de projection dans les documents d’urbanisme, les communes identifient en amont les zones à risque. Ce zonage s’accompagne d’un droit de préemption spécifique (article L321-1), permettant à la collectivité d’acquérir les biens concernés pour mieux les gérer.
Les limites
Cependant, derrière cette belle mécanique, des questions se posent.
Comment s’assurer que les redevances soient justes ?
Que se passe-t-il si le preneur rechigne à démolir en fin de bail ?
Et, au-delà des textes, le BRAEC sera-t-il accepté par les habitants, souvent attachés à leur littoral, malgré les risques qui s’y profilent ?
Au fond, ce bail incarne une philosophie nouvelle dans la gestion des territoires côtiers : occuper temporairement, prévoir l’éphémère, et toujours garder à l’esprit que la nature, tôt ou tard, reprend ses droits.
Une manière de penser qui interpelle sur notre capacité à vivre dans un monde où tout n’est pas pérenne, mais où tout peut être anticipé.