Alors, parlons un peu de la fameuse prescription des constructions.
Imaginez : vous avez construit une maison ou une extension sans demander de permis (oups !), et voilà que dix ans se sont écoulés.
Bonne nouvelle ! D’après l’article L. 421-9 du Code de l’urbanisme, passé ce délai, l’administration ne peut plus vous embêter sur l’irrégularité de votre construction, du moins en théorie.
Mais attention, ce petit répit n’est pas sans conditions, et il y a pas mal d’exceptions à connaître.
Alors, on démystifie tout ça ensemble ?
Dès que vous avez envie de construire quelque chose en France – une maison, une extension ou même juste apporter quelques modifications – il faut passer par la case « permis de construire » ou « déclaration préalable ». C’est bien ce que stipule l’article L. 421-1 du Code de l’urbanisme.
Mais voilà, on sait que parfois on se lance sans demander l’autorisation. Et même si ce n’est pas la meilleure idée du siècle, il existe tout de même une échappatoire : la fameuse prescription décennale.
D’abord, soyons clairs. Si votre construction est en place depuis plus de dix ans et que personne n’a tapé à votre porte pour réclamer des explications, vous pourriez respirer un bon coup. L’administration ne peut plus vous refuser un permis de construire ou s’opposer à une déclaration préalable uniquement parce que la construction d’origine était un peu, disons, « hors-la-loi ».
Cette prescription, prévue par l’article L. 111-12 du Code de l’urbanisme (anciennement L.421-9), peut venir à votre secours si vous avez réussi à tenir dix ans sans que personne ne vous tape sur les doigts. En gros, si aucune plainte n’a été déposée pendant ce laps de temps, vous pouvez potentiellement échapper aux sanctions.
Attention toutefois, cette prescription ne s’applique pas dans toutes les situations, il y a des conditions à respecter.
Si votre construction respecte les règles du Plan Local d’Urbanisme (PLU), c’est-à-dire qu’elle est à la bonne distance des voisins, pas trop haute, bien placée, bref, conforme aux règles locales, alors vous pourriez dormir tranquille au bout de dix ans.
La jurisprudence confirme ce principe, notamment dans un arrêt du Conseil d’État du 3 février 2017 (n° 373898), où une construction sans permis, mais conforme au PLU, a pu être régularisée grâce à cette prescription.
En gros, après dix ans, l’irrégularité initiale passe à la trappe, et vous êtes (presque) tiré d’affaire !
Mais là, le mot-clé est « presque », parce qu’il y a des exceptions à ce petit coup de pouce juridique.
Mais attention, cette règle n’est pas un joker qui annule tous les problèmes. Si votre maison ne respecte pas les règles du PLU – trop près de votre voisin, mal positionnée, trop haute – alors l’article L.111-12 ne pourra pas vous sauver. Même après dix ans, vous pourriez être contraint de remettre votre construction en conformité ou, pire, de la démolir. Une construction non conforme au PLU reste irrégulière, prescription ou pas.
Première exception : le danger.
Si votre maison est bâtie sur un terrain où elle risque de s’effondrer ou de causer des accidents graves, oubliez la prescription !
Le législateur ne plaisante pas avec la sécurité. Si votre construction présente un risque de mort ou de blessure grave pour vous ou vos voisins, la prescription de dix ans ne pourra pas vous sauver. Par exemple, si vous avez construit trop près d’une falaise instable ou dans une zone inondable, la règle des dix ans ne fonctionne pas.
Deuxième exception : si une action en démolition est déjà engagée.
Eh oui, si quelqu’un a déjà lancé une procédure pour démolir votre petit palace parce qu’il ne respecte pas les règles d’urbanisme, là aussi, la prescription ne s’applique pas. Le juge peut toujours ordonner la démolition si l’action a été engagée dans les délais (merci l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme).
Troisième exception : les constructions dans des zones protégées.
Votre maison est située dans un parc national ou un site classé ? Malheureusement, pas de joker pour vous. Les règles sont très strictes dans ces zones (parce qu’on ne rigole pas avec l’environnement et le patrimoine), et aucune prescription ne peut vous protéger.
Quatrième exception : sur le domaine public, on ne rigole pas.
Vous avez construit sur le domaine public ? Là, c’est doublement hors-jeu. Le domaine public est intouchable. Construire sans autorisation sur ces terrains, c’est comme poser votre tente en plein milieu de la place de la Concorde : ça ne passe pas !
Cinquième exception : jamais demandé de permis du tout ?
Si vous avez carrément sauté l’étape du permis de construire là où il en fallait un, désolé, mais la prescription ne fonctionnera pas non plus. Zéro démarche administrative = zéro régularisation. Ça s’applique même après dix ans.
Sixième exception : constructions dans les zones à risque.
Si votre maison est située dans une zone à risque (inondations, tremblements de terre, et autres joyeusetés naturelles), la prescription ne s’appliquera pas non plus. Vous devrez toujours respecter les règles spécifiques à ces zones.
Septième exception : absence de consignation de la somme prescrite.
Enfin, si une somme devait être consignée lors de l’obtention de l’autorisation (une sorte de garantie financière), et que vous ne l’avez pas fait, c’est encore raté pour la prescription. Vous devrez vous aligner avant d’espérer être régularisé.
Un petit exemple tiré des tribunaux ?
Eh bien, dans un un arrêt du 19 janvier 2023 (n° 20MA03627) la Cour Administrative de Marseille, les juges ont rappelé qu’une construction sans permis là où il en fallait un ne pouvait pas bénéficier de la prescription. En revanche, si vous avez seulement oublié la déclaration préalable, là, vous pourriez bénéficier de la prescription, à condition que tout le reste soit en règle. Bref, pas de passe-droit si vous avez zappé le permis de construire.
Et côté pénal ?
Ce n’est pas tout ! Construire sans permis, c’est également une infraction pénale.
L’article L480-4 du Code de l’urbanisme punit ceux qui réalisent des travaux sans autorisation. Si personne ne vous poursuit dans les six ans suivant la réalisation des travaux, vous échappez aux sanctions pénales. Mais, et c’est là que ça se complique, même si vous avez échappé à la sanction pénale, cela ne rend pas votre construction légale aux yeux de l’administration. Donc, si vous voulez agrandir ou modifier cette maison, il faudra régulariser l’ensemble du bâtiment avant de pouvoir obtenir un nouveau permis.
Le Conseil d’État, dans un arrêt du 6 octobre 2021 (n° 442182), a précisé qu’il ne suffit pas de régulariser seulement la partie concernée par les nouveaux travaux. C’est tout le bâtiment qui doit être mis en conformité.
Vous avez ajouté une extension sans permis il y a dix ans, et maintenant vous voulez ajouter une véranda ? Vous devrez régulariser toute la construction pour espérer obtenir un nouveau permis.
Les exceptions à la prescription
Cela dit, il existe quelques aménagements prévus par l’article l’article L421-9 du Code de l’urbanisme. Passé dix ans, on ne peut plus refuser un permis de construire simplement à cause d’une irrégularité initiale. Mais attention, ce petit avantage ne s’applique pas partout !
Les constructions dans des zones protégées, celles qui présentent un danger ou celles qui ont été construites sans aucun permis là où un permis était requis, ne bénéficient pas de cette prescription.
En résumé ?
La prescription décennale est une sorte de bouée de sauvetage pour ceux qui auraient un peu oublié de demander leur permis de construire. Mais cette bouée ne fonctionne que si votre construction respecte les règles d’urbanisme, notamment celles du PLU.
Si c’est le cas, vous pouvez vous en sortir après dix ans. En revanche, si ce n’est pas le cas, la prescription ne vous sera d’aucune aide. Et ne croyez pas que la prescription pénale (six ans) résout tout, car administrativement, votre maison reste hors-la-loi.
Moralité : avant de vous lancer dans des travaux ou d’acheter une maison qui pourrait avoir quelques irrégularités, prenez le temps de vérifier la conformité avec les règles locales. Cela pourrait vous éviter bien des galères administratives et judiciaires plus tard !