Textes
Logement : Occupation de locaux vacants par des résidents temporaires : modification des modalités d’agrément et de renouvellement des organismes agréés
Pour donner suite à la pérennisation de l’expérimentation sur l’occupation de logements vacants par des résidents temporaires, la procédure d’agrément des organismes et associations responsables de cette mission a été ajustée. Cette adaptation vise à clarifier les conditions d’agrément et à faciliter la transition vers ce nouveau statut permanent.
Initialement, les agréments étaient délivrés pour la durée de l’expérimentation, prévue pour se terminer le 31 décembre 2023. Toutefois, avec la pérennisation de cette initiative en juillet 2023, il était nécessaire d’ajuster la procédure d’octroi et de renouvellement des agréments afin de garantir une transition en douceur vers ce statut définitif.
Concrètement, les exigences fondamentales demeurent inchangées. Les organismes et associations sollicitant un agrément doivent toujours fournir des preuves de leur capacité à gérer l’aménagement des logements et à superviser l’occupation temporaire par des résidents, ainsi qu’un engagement quantifié concernant l’occupation par des personnes en difficulté. De plus, ils doivent fournir des documents et des engagements relatifs à l’orientation appropriée des personnes sans abri en détresse médicale, psychique ou sociale, le cas échéant.
La procédure de renouvellement d’agrément reste également similaire, avec comme nouvelle exigence la communication de rapports annuels sur les opérations menées, dont le contenu sera précisé ultérieurement par arrêté.
Les organismes et associations déjà agréés pendant la période d’expérimentation peuvent bénéficier d’un agrément provisoire jusqu’au 31 décembre 2024, leur permettant ainsi de poursuivre leurs activités en attendant de soumettre une demande de renouvellement conforme aux nouvelles dispositions.
Il convient de noter que désormais, les agréments délivrés auront une validité de trois ans. Conformément à l’article 29 de la loi du 23 novembre 2018, cette expérimentation permet aux organismes agréés de favoriser l’occupation temporaire des logements vacants par des résidents temporaires, sous réserve de leur engagement envers les personnes en difficulté, conformément à l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles.
Le décret du 22 mars ajuste les modalités d’agrément et de renouvellement des organismes et associations, tout en offrant une période transitoire pour ceux déjà agréés pendant l’expérimentation.
Environnement : Classement d’une nouvelle commune en zones défavorisées (montagne)
(A. n°AGR-T2406572A du 20 mars 2024)
Les territoires de la commune d’Espeyroux tels qu’ils figurent à l’annexe du présent arrêté, sont classés en zone de montagne au titre de l’article D. 113-14 du code rural et de la pêche maritime.
Fiscalité : Les dispositifs d’élimination de la double imposition des bénéfices sont complétés (D. n°2024-274 du 27 mars 2024)
L’harmonisation fiscale et la prévention de la double imposition sont des enjeux majeurs dans le contexte économique mondial. Pour répondre à ces impératifs, le gouvernement a récemment complété les dispositifs visant à éliminer la double imposition des bénéfices, notamment pour les filiales établies dans des pays à fiscalité privilégiée ou dans des États et territoires non coopératifs (ETNC). Cette mesure, inscrite dans le décret numéro 2024-274 du 27 mars 2024, vient renforcer le cadre juridique existant en matière de fiscalité internationale.
Le décret en question vient enrichir les dispositifs déjà prévus pour éliminer la double imposition des bénéfices résultant de l’application de l’article 209 B du Code Général des Impôts (CGI), tel que spécifié dans les articles 102 W à 102 Y de l’annexe II au même code. Cette démarche vise à assurer une meilleure protection des intérêts fiscaux des entreprises opérant à l’échelle internationale, tout en garantissant une juste répartition de la charge fiscale.
Plus précisément, l’article 102 Y de l’annexe II au CGI offre aux personnes morales établies en France la possibilité de déduire de leur bénéfice net total les dividendes et produits de participation perçus des entités juridiques établies ou constituées à l’étranger. Ces revenus, déjà taxés dans le pays d’origine en tant que revenus réputés distribués en vertu de l’article 209 B du CGI, peuvent ainsi être exclus du calcul de l’impôt sur les sociétés en France. Cette disposition vise à éviter une double taxation des bénéfices générés à l’étranger, contribuant ainsi à encourager les investissements transfrontaliers et à renforcer la compétitivité des entreprises françaises sur la scène internationale.
Le décret récemment publié au Journal Officiel complète les dispositifs visant à éliminer la double imposition des bénéfices, notamment pour les filiales établies dans des juridictions fiscales privilégiées ou des ETNC. Cette mesure s’inscrit dans une démarche plus large visant à moderniser le cadre fiscal français et à favoriser un environnement propice aux échanges commerciaux internationaux.
Usure : Les seuils de l’usure au 1er avril 2024 sont publiés
Minefi, avis n° ECOT2408913V, 27 mars 2024 : JO 28 mars 2024
La mensualisation de la révision du taux d’usure initialement prévue jusqu’au 1er juillet a été prolongée jusqu’à fin2023.
Au 1er avril 2024, de nouveaux seuils de l’usure entrent en vigueur, publiés récemment par le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance. Cette mise à jour, rendue publique à travers l’avis n° ECOT2408913V en date du 27 mars 2024, a été inscrite au Journal Officiel le 28 mars 2024.
Jurisprudence
Successions et libéralités : Opérations de partage : la Cour de cassation admet désormais que le juge peut renvoyer les parties devant le notaire
Cass. 1re civ., 27 mars 2024, n° 22-13.041
La procédure de partage judiciaire, réglementée par les articles 1364 à 1376 du code de procédure civile, comprend plusieurs étapes, notamment la désignation d’un notaire par le tribunal pour superviser le partage entre les parties sous la surveillance d’un juge. Ce notaire convoque les parties et leur demande de fournir tous les documents nécessaires pour établir les comptes et liquider leurs droits, avant de proposer un projet d’état liquidatif. En cas de désaccord sur ce projet, le notaire en réfère au juge commis, et c’est au tribunal de trancher les points de désaccord subsistants.
Dans cette affaire, suite à un jugement de divorce, des difficultés sont survenues lors du partage des intérêts patrimoniaux. Un notaire a été désigné pour superviser ces opérations, et un jugement a déjà statué sur certaines contestations. Toutefois, une partie (M. D) conteste certains points, arguant que le juge ne peut déléguer ses pouvoirs au notaire et que cela constitue une violation de l’article 4 du code civil.
La Cour de cassation a historiquement jugé que le juge ne peut se dessaisir de ses pouvoirs au profit du notaire liquidateur. Cependant, cette jurisprudence ne tient pas compte des spécificités de la procédure de partage judiciaire complexe. En effet, cette procédure prévoit une phase notariée initiale où le notaire instruit les désaccords entre les parties, favorisant ainsi un règlement amiable. De plus, l’intervention précoce du juge peut présenter des inconvénients, notamment en l’absence de fixation de la date de jouissance divise.
Dans le cas présent, la cour d’appel a estimé que renvoyer les parties devant le notaire pour permettre l’instruction était conforme à l’intérêt du bon déroulement des opérations de partage. Elle a également décidé que Mme Y devait justifier le paiement des taxes foncières pour prétendre à une créance, faute de quoi aucune créance ne serait fixée à son bénéfice. La Cour de cassation rejette donc le pourvoi de M. D, considérant que la décision de la cour d’appel était justifiée et conforme à la loi.
La Cour de cassation a donc établi que, dans le cadre de la procédure de partage judiciaire complexe, renvoyer les parties devant le notaire pour instruction ne constitue pas une délégation abusive des pouvoirs du juge, et que la cour d’appel a agi correctement en exigeant la justification des paiements pour établir les créances.
Droits de mutation par décès : Paiement différé des droits de mutation par décès : avec ou sans intérêts, un choix irrévocable
Cass. com., 13 mars 2024, n° 22-16.190
L’option accordée au contribuable entre le paiement différé des droits de succession basé sur la valeur imposable de la nue-propriété des biens, avec paiement d’intérêts annuels, et le paiement différé des droits basé sur la valeur imposable de la propriété entière de ces biens, sans paiement d’intérêts, n’est pas un avantage fiscal mais une option pour le paiement de l’impôt. Ce choix est irrévocable pour le contribuable.
Dans cette affaire, à la suite du décès de M. K, ses enfants, MM. D et Z, ont reçu la nue-propriété des biens de la succession. Ils ont demandé à bénéficier d’une dispense du paiement des intérêts ayant couru sur les droits de succession, en contrepartie d’un calcul de leur montant sur la valeur imposable, à la date du décès, de la propriété entière des biens recueillis et non de la seule nue-propriété, en application de l’article 404 B, alinéa 3, de cette annexe. Cette demande a été acceptée par l’administration fiscale.
Cependant, MM. D et Z ont plus tard demandé de modifier leur option pour payer les droits de succession basés sur la valeur de la nue-propriété des biens, avec paiement d’intérêts. L’administration fiscale a refusé, arguant que cette option était irrévocable.
Les enfants ont alors poursuivi l’administration fiscale pour annuler cette décision de rejet. Ils soutiennent que l’option ne devrait pas être irrévocable, invoquant notamment le fait que cette option n’était pas expressément prévue comme irrévocable par la loi.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, confirmant ainsi que l’option choisie par les contribuables est définitive et irrévocable. En effet, l’option entre les deux modes de paiement des droits de succession constitue un choix unique et permanent pour le contribuable.
La Cour de cassation a confirmé que l’option pour le paiement différé des droits de succession est irrévocable, et que les contribuables doivent respecter leur choix initial.
Taxes foncière sur propriétés bâties : On ne taxe pas foncièrement le service public et l’utilité publique !
Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) conteste en cassation un jugement du tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande de décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les années 2019 et 2020. Le CEREMA se fonde sur l’article 1382 du code général des impôts, qui exonère les immeubles affectés à un service public ou d’utilité générale, ainsi que sur l’article 9 de la loi du 13 juillet 1983, qui concerne l’action sociale en faveur des agents publics.
Le CEREMA est un établissement public administratif chargé de soutenir les politiques publiques en matière d’aménagement et de développement durable. Il met gracieusement à disposition de l’association ASCE 76 CEREMA un local d’habitation pour des activités sportives, culturelles et d’entraide.
Le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande d’exonération de la taxe foncière, arguant que le local n’était pas affecté à l’exécution du service public du CEREMA. Cependant, le CEREMA soutient que les activités de l’association relèvent de l’action sociale prévue par la loi du 13 juillet 1983, bénéficiant principalement aux agents de l’établissement.
La Cour de cassation annule le jugement du tribunal administratif, estimant que celui-ci a commis une erreur de droit en excluant l’exonération de la taxe foncière, alors que les activités de l’association ASCE 76 CEREMA sont bien liées à l’action sociale et bénéficient principalement aux agents du CEREMA.
Notaire : Exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit : la responsabilité du notaire
CA Limoges, ch. civ., 7 mars 2024, n° 22/00888
Les époux [T] [K], actionnaires majoritaires de la Société CONSERVERIES DES TUILIERES, ont réalisé une succession d’actes notariés dans le but de transmettre des actions à leurs fils tout en bénéficiant d’une exonération fiscale partielle prévue par l’article 787 B du Code Général des Impôts. Cependant, l’Administration Fiscale a contesté cette exonération, notamment en raison du non-respect des conditions relatives à la limitation des droits de vote de l’usufruitier dans les statuts de la société.
Dans ce contexte, les époux [K] ont intenté une action en responsabilité contre le notaire, Maître [X] [C], et la SCP notariale, alléguant des manquements professionnels dans la rédaction des actes notariés. Le Tribunal Judiciaire de LIMOGES a statué en faveur des époux [K], reconnaissant la responsabilité du notaire et de la SCP, et les condamnant à indemniser les époux [K].
Les appelants ont interjeté appel de ce jugement, contestant la responsabilité qui leur a été attribuée. Ils ont notamment soutenu que les époux [K] auraient de toute façon été soumis à un redressement fiscal en raison de la nature de l’activité de la société. Cependant, la Cour a considéré que les manquements du notaire étaient indépendants de ces considérations fiscales et que les époux [K] avaient subi un préjudice directement lié à ces manquements.
En conséquence, la Cour a confirmé la responsabilité du notaire et de la SCP notariale et les a condamnés à indemniser les époux [K] pour le préjudice financier subi.
Acte sous signature privée : L’effet de l’acte sous seing privé entre les parties : une preuve de la date par tout moyen
Cass. com., 20 mars 2024, n° 23-11.844,
Selon l’article 1328 du code civil, avant sa modification par l’ordonnance du 10 février 2016, un acte sous seing privé n’a de date contre les tiers que lors de son enregistrement, du décès de l’un des signataires, ou lorsque sa substance est constatée dans un acte notarié. Cependant, entre les parties, la preuve de la date d’un acte non daté peut être établie par tout moyen.
Dans cette affaire, les associés de la société Gold conseil, anciennement Neuf dentaire, ont conclu un pacte d’associés stipulant une clause de non-concurrence par un acte non daté. L’un des signataires, M. J, a perdu son statut d’associé ultérieurement.
La société Gold conseil a intenté une action en responsabilité contre M. J, alléguant une violation de la clause de non-concurrence. Cependant, la cour d’appel de Colmar a rejeté les demandes de la société, estimant que l’acte non daté ne pouvait pas être opposé à M. J car il manquait de substance, étant donné qu’un acte sous seing privé non daté ne produit pas d’effets juridiques sauf s’il est enregistré.
La Cour de cassation a cassé et annulé cette décision, rappelant que selon l’article 1328 du code civil, la preuve de la date d’un acte non daté peut être établie entre les parties par tout moyen. Ainsi, le pacte d’associés, bien que non daté, aurait pu être opposé à M. J si sa date avait été prouvée autrement. La cour d’appel aurait donc commis une erreur en rejetant les demandes de la société Gold conseil sur cette base.
C’est pourquoi, la Cour de cassation a annulé la décision de la cour d’appel de Colmar, soulignant que la preuve de la date de l’acte non daté aurait pu être établie par tout moyen, ce qui aurait permis à la société Gold conseil de se prévaloir de la clause de non-concurrence contre M. J.
Expropriation : Absence d’irrégularité de l’ordonnance d’expropriation en cas de non-respect d’un délai laissé au préfet pour compléter le dossier
Cass. 3e civ., 21 mars 2024, n° 23-11.813,
Lorsqu’un préfet sollicite une ordonnance d’expropriation et que le délai d’un mois, établi par l’article R. 221-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, pour compléter le dossier sur demande du juge de l’expropriation, n’est pas respecté, cela n’invalidé pas l’ordonnance d’expropriation. Dans cette affaire, le préfet de l’Ardèche a transmis un dossier d’expropriation au greffe le 5 juillet 2022, pour le bénéfice de la commune d'[Localité 2], concernant les parcelles de M. S. Le juge de l’expropriation a demandé au préfet de compléter le dossier le 11 juillet, puis a sollicité le procès-verbal manquant le 9 août.
Après les réponses du préfet dans le délai imparti, le juge a prononcé l’ordonnance d’expropriation le 28 octobre 2022. M. S. conteste cette ordonnance, arguant que le non-respect du délai d’un mois constitue une irrégularité, violant ainsi le droit d’accès à la justice dans un délai raisonnable.
La Cour rejette le pourvoi, indiquant que le non-respect de ce délai n’entache pas d’irrégularité l’ordonnance d’expropriation. Elle précise que l’absence de sanction de ce délai n’enfreint pas le droit d’accès au juge dans un délai raisonnable, car la procédure judiciaire de transfert de propriété se déroule hors la présence des parties et précède la procédure judiciaire contradictoire de fixation des indemnités d’expropriation.
C’est dans ce contexte que la Cour rejette le pourvoi de M. S., confirmant ainsi la validité de l’ordonnance d’expropriation, malgré le non-respect du délai d’un mois pour compléter le dossier.
Construction : Les désordres résultant d’éléments d’équipement ajoutés aux ouvrages existants soumis à la responsabilité contractuelle
Cass. 3e civ., arrêt, 21 mars 2024, n° 22-18.694,
L’arrêt attaqué, émis par la cour d’appel de Montpellier le 20 avril 2022, stipule que les éléments d’équipements installés en remplacement ou en adjonction sur un ouvrage existant ne sont pas considérés comme des ouvrages en eux-mêmes. Par conséquent, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, mais plutôt de la responsabilité contractuelle de droit commun. Cette responsabilité n’est pas assujettie à l’assurance obligatoire des constructeurs.
Dans cette affaire, M. et Mme O. ont confié à la société L’Univers de la cheminée, assurée par Axa France IARD, l’installation d’un insert dans la cheminée de leur maison en 2012. Suite à un incendie en 2013, détruisant la maison et son contenu, ils ont assigné les sociétés L’Univers de la cheminée et Axa pour indemnisation.
La cour d’appel a condamné, conjointement avec L’Univers de la cheminée, la société Axa à payer des sommes importantes à M. et Mme O. pour compenser les dommages. Cependant, la société Axa conteste cette décision, affirmant que les travaux d’installation de l’insert dans la cheminée ne relèvent pas de la garantie décennale, comme cela est affirmé par la cour.
La Cour de cassation rappelle les dispositions du code civil concernant la responsabilité des constructeurs, qui prévoient que les dommages compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination relèvent de la responsabilité décennale, mais seulement lorsque ces dommages affectent les éléments d’équipement indissociables de l’ouvrage. Elle note également un revirement de jurisprudence depuis 2017, élargissant la responsabilité décennale aux désordres affectant des éléments d’équipement, même s’ils ne sont pas indissociables de l’ouvrage, pour autant qu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.
Cependant, la Cour estime que cette jurisprudence a généré des complexités et n’a pas abouti à une meilleure protection des maîtres de l’ouvrage. Elle conclut donc que les éléments d’équipement installés en remplacement ou en adjonction sur un ouvrage existant ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, mais plutôt de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Urbanisme : L’annulation d’un refus de délivrance d’une autorisation : des mots pour le dire
La société AC Promotions a entamé une procédure devant le tribunal administratif de Bastia pour contester le refus du maire de Cuttoli Corticchiato de lui délivrer un permis de construire pour trois immeubles comprenant dix-huit logements, ainsi que la décision de classer une parcelle en zone naturelle. Le tribunal administratif de Bastia a partiellement accédé à sa demande en annulant les refus de permis, mais cette décision a été renversée par la cour administrative d’appel de Marseille, qui a rejeté la demande de la société.
La société a alors saisi le Conseil d’État, affirmant que la cour administrative d’appel avait omis de considérer tous les motifs de refus du permis comme illégaux. Le Conseil d’État a annulé la décision de la cour administrative d’appel, statuant en faveur de la société AC Promotions et laissant entendre que la demande de permis de construire devait être réexaminée par le maire dans un délai de trois mois.
L’affaire a également porté sur d’autres points, tels que la légalité des motifs de refus du permis de construire, notamment en ce qui concerne les dispositions du plan local d’urbanisme et les exigences en matière d’assainissement. Le tribunal administratif a jugé que ces motifs étaient illégaux, ce qui a été confirmé par le Conseil d’État.
La société AC Promotions a obtenu gain de cause dans cette affaire, avec la décision du Conseil d’État annulant l’arrêt de la cour administrative d’appel et ordonnant le réexamen de sa demande de permis de construire.
Procédures collectives : Déclaration de créances en procédure collective : présomption de représentation du créancier et possibilité de relevé de forclusion
Cass. com., 27 mars 2024, n° 22-21.016,
Selon les dispositions du code de commerce, lorsque le débiteur informe le mandataire judiciaire d’une créance, il est présumé agir pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas déclaré sa créance dans le délai imparti. Si un créancier ne déclare pas sa créance dans le délai de deux mois suivant la publication du jugement d’ouverture, sa créance n’est pas prise en compte dans les répartitions et dividendes, sauf s’il peut prouver que sa défaillance n’est pas due à sa propre négligence ou à une omission du débiteur lors de l’établissement de la liste des créances. Ainsi, si le débiteur omet de mentionner une créance sur la liste initiale mais la porte à la connaissance du mandataire judiciaire ultérieurement dans le délai de déclaration de créance, il est présumé agir pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas fait sa déclaration.
Dans cette situation, le créancier peut demander à être relevé de la forclusion pour déclarer le montant supplémentaire de sa créance, à condition de prouver que sa défaillance n’est pas due à sa propre négligence. Dans un cas précis, la société But international avait omis d’être mentionnée sur la liste initiale transmise aux organes de la procédure, mais elle figurait sur une liste complémentaire transmise ultérieurement. La cour d’appel a considéré que cette omission entraînait automatiquement un relevé de forclusion pour le créancier. Cependant, la Cour de cassation a jugé que cette décision était erronée, car le délai de déclaration de créance n’était pas encore expiré lorsque la seconde liste a été transmise. Par conséquent, la Cour de cassation a annulé la décision de la cour d’appel.
En résumé, la Cour de cassation rappelle que la présomption d’agir pour le compte du créancier persiste tant que le délai de déclaration de créance n’est pas écoulé. Dans ce cas, le créancier peut demander à être relevé de la forclusion pour déclarer le montant supplémentaire de sa créance, à condition de prouver que sa défaillance n’est pas due à sa propre négligence. La décision de la cour d’appel, qui avait accordé un relevé automatique de forclusion sans considérer tous les éléments, a été annulée.
Marché financier : Conseil en investissement financier : démarchage, transmission d’ordres et prestation de conseil au client
Cass. com., 27 mars 2024, n° 22-16.136,
Les dispositions du code monétaire et financier, ainsi que du code civil, établissent que les conseillers en investissement financier peuvent fournir des services de réception et de transmission d’ordres à leurs clients, notamment par démarchage, impliquant une obligation d’information et de conseil.
Dans cette affaire, la société Chatel patrimoine a présenté à M. [L] et sa sœur un projet d’acquisition d’une chaîne de restaurants par le biais d’un emprunt obligataire émis par la société Vova. Après souscription à cet emprunt, seul le premier intérêt a été payé et Vova a été liquidée en 2017. M. [L] et les ayants droit de sa sœur décédée ont poursuivi Chatel patrimoine pour la perte de leur investissement.
La Cour d’appel de Paris a rejeté leur demande, arguant que Chatel patrimoine n’avait pas la responsabilité du contenu de la plaquette présentant l’opération ni de sa conception, et n’avait pas été rémunérée pour cela. Elle a donc estimé que la société n’avait pas agi en tant que conseiller en investissement financier dans cette opération, n’avait pas devoir de conseil sur le contenu de la plaquette, ni d’obligation de vérifier sa précision ni de remettre un rapport écrit sur les risques.
La Cour de cassation a cassé cette décision, relevant que la société avait bien transmis les ordres de ses clients pour souscrire à l’emprunt obligataire, agissant ainsi en tant que conseiller en investissement financier. Par conséquent, elle aurait dû exercer son devoir de conseil et de vérification, ce qu’elle n’a pas fait. Ainsi, la Cour d’appel n’a pas correctement interprété les textes de loi et a violé ces derniers.
Abus de confiance : L’abus de confiance peut porter sur un bien immobilier
Cass. crim., 13 mars 2024, n° 22-83.689,
Les moyens soulevés par les parties visent à contester la condamnation pour abus de confiance ainsi que pour complicité d’abus de confiance, en soutenant principalement que cette infraction ne peut porter sur un bien immobilier et qu’il n’y a pas eu de détournement ni de préjudice causé.
La Cour de cassation rejette ces arguments en affirmant que l’abus de confiance peut effectivement concerner tout bien, y compris un immeuble, ce qui découle de l’interprétation de la notion de « bien quelconque » dans le cadre de l’article 314-1 du code pénal. Cette interprétation est confirmée par une évolution jurisprudentielle et par les travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption du code pénal.
Elle souligne également que l’acte de détournement peut résulter d’une utilisation du bien contraire aux accords convenus, démontrant ainsi la volonté de se comporter comme propriétaire, même momentanément. De plus, la présence d’un préjudice, même éventuel, est inhérente à la caractérisation du détournement.
Ainsi, dans le cas présent, les agissements des prévenus, consistant à exploiter de manière abusive un site en dehors des termes du marché liant la société concernée aux collectivités, ont entrainé une diminution irrémédiable de l’utilité de l’immeuble, constituant ainsi un détournement au sens de l’article 314-1 du code pénal.
La Cour de cassation confirme la condamnation pour abus de confiance et complicité d’abus de confiance, considérant que les actes des prévenus ont bien constitué un détournement portant préjudice, même éventuel, à autrui.
Doctrine administrative
Construction : Fin de parcours parlementaire pour le projet de loi sur la rénovation accélérée de l’habitat dégradé
Sénat, actualités, 27 mars 2024 (Habitation). – Min. Cohésion des territoires, 27 mars 2024
La commission mixte paritaire, composée de députés et de sénateurs, a abouti à un accord le 14 mars 2024 sur les dispositions restantes du projet de loi sur la rénovation de l’habitat dégradé et les grandes opérations d’aménagement. Le Sénat a ensuite définitivement adopté ce projet de loi le 27 mars 2024 en séance publique.
Ce texte vise à répondre à divers problèmes rencontrés dans les copropriétés et les quartiers dégradés, résultant notamment du vieillissement des bâtiments, de la précarité des propriétaires, ou encore de la présence de marchands de sommeil. Les procédures actuelles sont longues et complexes, ce qui rend nécessaire une simplification et une accélération des actions.
Les mesures proposées visent à intervenir plus tôt dans le processus de dégradation, à accélérer les procédures de rénovation, et à mieux lutter contre les marchands de sommeil. Parmi les principales dispositions, on trouve la possibilité pour les copropriétés de souscrire un prêt collectif, la création d’une procédure d’expropriation préventive, et des mesures pour sécuriser les copropriétés et lutter contre les marchands de sommeil.
Le Sénat a apporté des ajustements au texte, notamment pour faciliter le travail des maires et renforcer les mesures de lutte contre les marchands de sommeil. Ces ajustements incluent notamment des conseils aux collectivités territoriales, la possibilité d’exiger des diagnostics structurels, ou encore des mesures pour mieux lutter contre les congés abusifs donnés aux locataires.
Ce projet de loi vise à accélérer et simplifier les procédures de rénovation de l’habitat dégradé, à mieux protéger les occupants, et à lutter plus efficacement contre les marchands de sommeil.
Vente immobilière : Cartographies nationales de l’infection par les termites et mérules sur le territoire français
Cerema, actualités, 21 mars 2024
Le Cerema diffuse les cartes nationales actualisées des zones infectées par les termites et les mérules en France. Lorsque des foyers de termites ou de mérules sont détectés dans une commune ou plusieurs, les propriétaires doivent en informer la mairie, entraînant la prise d’un arrêté préfectoral sur proposition ou consultation des conseils municipaux concernés.
Le Cerema est chargé de répertorier ces arrêtés et a été mandaté par le ministère de l’environnement pour mettre à jour et partager ces cartes. La consultation des conseils municipaux permet d’intégrer les données issues des déclarations d’infestation communiquées en mairie.
Les arrêtés sont affichés pendant trois mois dans les mairies des zones touchées et peuvent être consultés dans les mairies concernées ainsi qu’à la préfecture. Ils imposent des obligations de vérification et de traitement des bâtiments lors de leur vente ou cession.
La cartographie de ces agents biologiques du bois permet de déterminer si une commune ou un département est soumis à un arrêté préfectoral.
Logement : Crise du logement : l’exécutif propose de reclasser plus de 800 communes en zone tendue
Minefi, communiqué n° 1673, 22 mars 2024 (Zonage)
Lors d’un déplacement au Pays basque, une zone fortement tendue, Bruno LE MAIRE et Guillaume KASBARIAN ont proposé une révision du zonage administratif pour près de 800 communes. Cette évolution permettrait à 3,5 millions de Français vivant dans ces communes de bénéficier de nouveaux dispositifs d’accès au logement ou d’améliorations des dispositifs existants.
Deux dispositifs sont principalement concernés : le prêt à taux zéro dans le neuf, désormais réservé aux territoires tendus, et le logement locatif intermédiaire, subventionné pour proposer des loyers inférieurs au marché et limité aux zones tendues. Avec cette proposition de reclassement, plus de 600 communes pourraient intégrer la zone tendue, offrant ainsi à 1,8 million de Français l’accès au prêt à taux zéro ou à des logements locatifs intermédiaires. Dans 200 autres communes, la tension serait renforcée, améliorant ainsi la viabilité financière des projets.
Les préfets de région et de département consulteront les élus locaux d’ici la fin du mois de mai pour ajuster la liste des communes reclassées, afin de refléter au mieux la réalité des territoires. La liste finale sera publiée en juin.
Cette initiative s’inscrit dans la politique gouvernementale visant à augmenter l’offre de logements, en collaboration avec les élus locaux, et en complément des autres mesures telles que la désignation des territoires engagés pour le logement, le pacte pour le logement locatif intermédiaire et la relance du crédit bancaire pour l’accession à la propriété et l’investissement locatif.
Loi Malraux : Réduction d’impôt Malraux : précisions administratives sur la prorogation du dispositif
BOI-IR-RICI-200-10, 7 mars 2024, § 10 et 95. – BOI-IR-RICI-200-30, 7 mars 2024, § 135
Le 07/03/2024, une prolongation jusqu’au 31 décembre 2024 est accordée à la réduction d’impôt « Malraux » pour les quartiers anciens dégradés et ceux avec une forte concentration d’habitat ancien dégradé, conformément à l’article 199 tervicies du Code Général des Impôts (CGI), tel que prévu par l’article 14 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 relative aux finances pour 2024. Cette mesure s’applique aux dépenses engagées pour la restauration complète, déclarée d’utilité publique, d’un bâtiment situé :
Soit dans un quartier ancien dégradé désigné en vertu de l’article 25 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 sur la mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
Soit dans un quartier présentant une forte concentration d’habitat ancien dégradé, soumis à une convention pluriannuelle conformément à l’article 10-3 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 sur l’orientation et la programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
Fiscalité : Actualisation pour 2024 de la franchise des impôts commerciaux au titre des activités lucratives accessoires des organismes sans but lucratif
BOI-IS-CHAMP-10-50-10-10, 20 mars 2024, § 140 et 170. – BOI-IS-CHAMP-10-50-20-20, 20 mars 2024
Le 21 mars 2024, l’administration fiscale a inclus dans le Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts (BOFiP-Impôts) la mise à jour du montant de la franchise d’impôt sur les sociétés et de TVA dont bénéficient les organismes sans but lucratif pour leurs recettes d’exploitation provenant de leurs activités lucratives accessoires. Il convient de rappeler que le seuil de cette franchise d’impôt sur les sociétés (IS) et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est révisé chaque année en fonction de la prévision de l’indice des prix à la consommation, hors tabac, prévue dans le projet de loi de finances de l’année (CGI, art. 206, 1 bis ; CGI, art. 261, 7-1o-b, al. 2).
Ce dispositif s’applique également à la contribution économique territoriale (CET ; CGI, art. 1447, II).
Le seuil est désormais porté de 76 679 € à 78 596 € :
pour les exercices clos à partir du 31 décembre 2023 en ce qui concerne l’IS ;
pour l’année 2024 en ce qui concerne la CET ;
pour les recettes encaissées à partir du 1er janvier 2024 concernant la TVA. Cependant, le bénéfice de la franchise de TVA pour l’année 2024 sera obtenu à condition que le seuil de chiffre d’affaires réalisé en 2023 ne dépasse pas 78 596 €.
L’Administration précise que les conditions d’application de la franchise demeurent inchangées.
Mécénat : Mise à disposition d’un guide pour sécuriser les opérations de parrainage et de mécénat des entreprises
AFA, actualités, 26 mars 2024 (Parrainage)
Ces dernières années ont vu une expansion significative des opérations de parrainage et de mécénat. Elles offrent aux entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, la possibilité de soutenir diverses causes telles que l’éducation, la science, le social, l’humanitaire, le sport ou la culture. De plus, elles servent de levier de communication, permettant aux entreprises de valoriser leur image et de renforcer leur réputation. Pour les bénéficiaires, le mécénat et le parrainage sont souvent essentiels, élargissant leurs sources de financement et enrichissant leur bassin de compétences.
Bien que ces opérations soient soumises à des règles juridiques et fiscales strictes, elles peuvent, dans certaines circonstances, présenter des risques de corruption ou de trafic d’influence.
Dans le but de sécuriser pleinement ces opérations et de favoriser le développement du mécénat et du parrainage au profit de la société civile et des entreprises, ce guide vise à décrire les situations et les facteurs de risque de corruption auxquels les entreprises peuvent être confrontées. Il propose également des mesures de prévention et de détection que les entreprises peuvent mettre en œuvre. Illustré par des schémas de situations à risque, des exemples concrets et des bonnes pratiques, ce document a été élaboré en collaboration avec le ministère de la Culture, le ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques, le ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse, l’Association pour le Développement du Mécénat Industriel et Commercial (Admical), le Centre Français des Fonds et Fondations (CFF) et France Générosités.
Il a bénéficié des contributions recueillies lors d’une consultation publique menée en juillet et août 2023 auprès de fédérations, d’associations professionnelles, d’entreprises, de cabinets d’avocats et de conseils, que l’Agence remercie pour leur participation.
Banque : Révision du règlement de l’AMF : la tranche « retail » pourrait devenir facultative lors des introductions en bourse
AAI. – AMF, communiqué, 19 mars 2024 (Retail)
Le 19 mars 2024, le Collège de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a décidé de rendre optionnelle la tranche « retail » dans les introductions en bourse, en supprimant une obligation imposée aux sociétés souhaitant inscrire leurs actions aux négociations sur le marché réglementé d’Euronext Paris.
Cette obligation, énoncée à l’article 315-6 du règlement général de l’AMF, exigeait que les sociétés offrant leurs actions en bourse prévoient une part destinée aux investisseurs particuliers, représentant au moins 10 % de l’offre mise sur le marché.
Cette contrainte a été critiquée par plusieurs émetteurs souhaitant être cotés sur Euronext Paris, car elle obligeait à réaliser une offre au public sur une durée minimale de six jours ouvrables, compliquant ainsi l’organisation de l’opération.
La décision de l’AMF vise à permettre aux émetteurs de choisir librement s’ils veulent inclure une tranche « retail » lors de leurs introductions en bourse à Paris. De plus, si un émetteur opte pour un placement privé sans tranche « retail », les investisseurs particuliers pourront tout de même acquérir des actions sur le marché secondaire, une fois le prix fixé et le cours stabilisé, en se basant sur les informations fournies dans le prospectus d’admission.
Cette évolution s’inscrit dans une démarche visant à renforcer l’attractivité de la Place financière de Paris, en ligne avec d’autres initiatives telles que la proposition de loi déposée par M. Alexandre Holroyd pour accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France. Toutefois, l’AMF maintient une disposition visant à éviter un déséquilibre manifeste entre les investisseurs particuliers et institutionnels dans le cadre des introductions en bourse.
En outre, une évaluation des effets de ces mesures sur la participation et le traitement des investisseurs particuliers lors des introductions en bourse sur Euronext Paris devra être réalisée dans les trois prochaines années.
La décision de l’AMF doit être homologuée par le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.