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Actualités … 27 Juin 2024

Textes

Épargne :  Mise en œuvre du plan d’épargne avenir climat

Lien D. n° 2024-547, 15 juin 2024 : JO 16 juin 2024. – D. n° 2024-548, 15 juin 2024 : JO 16 juin 2024

Deux décrets et un arrêté, publiés au Journal Officiel le 16 juin 2024, instaurent des règles concernant la mise en œuvre du Plan d’Épargne Avenir Climat. Ces textes visent à encadrer les modalités de fonctionnement et d’adhésion à ce nouveau dispositif d’épargne destiné à financer des projets ayant un impact positif sur l’environnement.

Le décret n° 2024-547 précise les conditions d’ouverture et de gestion du Plan d’Épargne Avenir Climat. Ce dispositif s’adresse à toutes les personnes physiques, résidentes fiscales en France, qui souhaitent investir dans des produits financiers répondant à des critères environnementaux stricts. Le décret stipule que les fonds collectés doivent être majoritairement investis dans des projets contribuant à la transition écologique, tels que les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, et la mobilité durable. Les gestionnaires de ces plans d’épargne sont tenus de respecter des normes de transparence et de reporting afin de garantir que les investissements réalisés sont conformes aux objectifs environnementaux définis.

Le décret n° 2024-548 établit les critères de sélection des projets éligibles au financement par le Plan d’Épargne Avenir Climat. Il est spécifié que les projets doivent démontrer un impact mesurable sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou l’amélioration de la résilience face aux changements climatiques. Un comité d’experts indépendant est chargé d’évaluer les dossiers de candidature des projets et de s’assurer qu’ils respectent les critères de durabilité et d’efficacité environnementale.

L’arrêté du 15 juin 2024, détaille les modalités pratiques de mise en œuvre de ce plan d’épargne. Il inclut des précisions sur les obligations des établissements financiers en termes de communication et de conseil aux épargnants. Les établissements doivent fournir des informations claires et détaillées sur les risques et les avantages des investissements réalisés dans le cadre du Plan d’Épargne Avenir Climat. De plus, des indicateurs de performance environnementale doivent être mis à disposition des épargnants pour qu’ils puissent suivre l’impact de leurs investissements.

Ces nouvelles dispositions légales s’inscrivent dans une démarche plus large de promotion de la finance durable en France. En incitant les épargnants à orienter leurs investissements vers des projets verts, les pouvoirs publics cherchent à mobiliser davantage de capitaux privés pour soutenir la transition écologique. Toutefois, la réussite de ce dispositif repose sur la capacité des gestionnaires de fonds à identifier et à financer des projets réellement efficaces et durables.

 

Assurances : Nouvelles dispositions concernant le devoir de conseil dans les contrats de capitalisation et certains contrats d’assurance-vie

Lien : A. n° ECOT2404712A, 12 juin 2024 : JO 16 juin 2024. – A. n° ECOT2407579A, 12 juin 2024 : JO 16 juin 2024

Un arrêté du 12 juin 2024 améliore l’exercice du devoir de conseil en ce qui concerne les contrats de capitalisation. Ce texte vise à renforcer la protection des souscripteurs en exigeant des intermédiaires une plus grande transparence et une meilleure adéquation des conseils prodigués aux besoins des clients. Il introduit des obligations précises pour les professionnels en matière d’information et de conseil, désormais tenus de fournir une analyse détaillée des caractéristiques des contrats proposés, incluant une évaluation des risques et des avantages potentiels. Cette analyse doit être personnalisée en fonction du profil de chaque souscripteur, prenant en compte ses objectifs d’investissement, sa situation financière et ses attentes en matière de rendement et de sécurité. Le devoir de conseil s’étend également à la phase post-contractuelle, imposant aux intermédiaires de suivre l’évolution des contrats et de réévaluer périodiquement leur adéquation avec les besoins des souscripteurs. Cette obligation de suivi garantit que les contrats restent adaptés aux changements de situation des clients et aux évolutions du marché.

Les nouvelles dispositions mettent un accent particulier sur la formation et la compétence des intermédiaires en assurance. Ces derniers doivent justifier de qualifications professionnelles spécifiques et suivre des formations continues pour se tenir informés des évolutions législatives et des produits disponibles sur le marché. L’objectif est d’assurer un niveau élevé de compétence et de professionnalisme, indispensable pour fournir des conseils pertinents et fiables. En cas de manquement au devoir de conseil, les sanctions prévues par la législation sont renforcées. Les souscripteurs peuvent demander réparation du préjudice subi, et les intermédiaires fautifs s’exposent à des amendes et à des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à l’interdiction d’exercer. La responsabilité civile professionnelle des intermédiaires est également engagée, garantissant ainsi une protection accrue pour les souscripteurs. Les nouvelles dispositions concernant le devoir de conseil visent à instaurer une relation de confiance entre les intermédiaires et les souscripteurs. En renforçant les obligations des professionnels et en augmentant les garanties offertes aux clients, la réforme contribue à une meilleure protection des épargnants et à une plus grande transparence dans le secteur des assurances.

Un autre arrêté du 12 juin 2024 introduit des modifications concernant certains contrats d’assurance-vie. Elles portent principalement sur l’obligation des assureurs de fournir des informations claires et compréhensibles sur les produits proposés, incluant des simulations de rendement et des explications détaillées sur les frais et les risques associés. Les assureurs doivent désormais remettre aux souscripteurs une fiche d’information standardisée avant la souscription du contrat, permettant de comparer facilement les différentes offres disponibles sur le marché.

La réforme impose également une obligation de mise à jour régulière des informations fournies aux souscripteurs tout au long de la durée du contrat. Les assureurs doivent informer les clients de toute modification des conditions du contrat, ainsi que des évolutions de la performance des produits. Cette transparence accrue vise à permettre aux souscripteurs de prendre des décisions éclairées et d’ajuster leur stratégie d’investissement en fonction des performances réelles des contrats.

Les nouvelles dispositions renforcent également les droits des souscripteurs en matière de résiliation anticipée des contrats d’assurance-vie. Les conditions de rachat et de transfert des contrats sont assouplies, permettant aux souscripteurs de récupérer plus facilement leur épargne ou de transférer leur contrat vers un autre assureur. Cette flexibilité accrue vise à améliorer la mobilité des épargnants et à favoriser la concurrence entre les assureurs, contribuant ainsi à une meilleure qualité des produits proposés sur le marché.

La mise en œuvre de ces nouvelles dispositions est accompagnée de mesures de contrôle et de surveillance renforcées par les autorités compétentes. Les assureurs doivent se conformer à des exigences strictes en matière de reporting et de transparence, sous peine de sanctions administratives et financières. Les souscripteurs disposent également de recours renforcés en cas de litige, avec la possibilité de saisir les autorités de régulation ou de recourir à des médiateurs spécialisés.

Les modifications introduites par ces arrêtés visent à améliorer la protection des souscripteurs et à renforcer la confiance dans les produits d’assurance-vie. En augmentant la transparence et en facilitant l’accès à l’information, la réforme contribue à un marché plus équitable et plus compétitif, au bénéfice des épargnants.

Jurisprudence

Successions et libéralités : Critères d’appréciation du caractère manifestement exagéré des primes d’assurance-vie pour leur rapport à succession

Lien : Cass. 1re civ., 2 mai 2024, n° 22-14.829,

Les primes versées par le souscripteur d’un contrat d’assurance sur la vie ne sont rapportables à la succession que si elles présentent un caractère manifestement exagéré, tel que défini par la jurisprudence. La Cour de cassation, dans un arrêt du 2 mai 2024, a apporté des précisions importantes sur les critères permettant de déterminer ce caractère manifestement exagéré.

Pour apprécier le caractère manifestement exagéré des primes, les juges prennent en compte plusieurs éléments. D’abord, il est nécessaire d’examiner les facultés contributives du souscripteur, c’est-à-dire sa capacité financière à verser les primes au moment de leur paiement. Ce critère est déterminant pour évaluer si les primes sont proportionnelles aux revenus et au patrimoine du souscripteur. Une prime peut être considérée comme exagérée si elle représente une part disproportionnée des ressources du souscripteur, compromettant ainsi sa capacité à subvenir à ses besoins courants.

Ensuite, il convient d’évaluer l’intention libérale du souscripteur au moment de la souscription du contrat. La jurisprudence reconnaît que la notion de libéralité, caractérisée par l’intention de gratifier, est un élément essentiel pour juger du caractère excessif des primes. Si les primes versées excèdent largement ce qui peut être raisonnablement considéré comme un acte de générosité, elles peuvent être qualifiées d’exagérées.

La nature du contrat d’assurance-vie et ses spécificités jouent également un rôle dans cette appréciation. Les contrats prévoyant des prestations particulièrement avantageuses pour le bénéficiaire, ou ceux présentant des caractéristiques atypiques, peuvent être scrutés de plus près. Les conditions de versement des primes, notamment leur périodicité et leur montant, sont examinées pour déterminer si elles correspondent à une gestion patrimoniale rationnelle ou si elles relèvent d’une intention de transmission déguisée.

Un autre critère pris en compte est la situation familiale et personnelle du souscripteur. Les juges considèrent les charges de famille, les obligations légales et les besoins des autres héritiers potentiels. Une prime d’assurance-vie peut être jugée manifestement exagérée si elle porte atteinte aux droits réservataires des héritiers, c’est-à-dire si elle prive les héritiers de leur part minimale dans la succession, telle que garantie par la loi.

La proportionnalité des primes au regard de l’âge du souscripteur et de son espérance de vie est également un facteur pertinent. Les juges examinent si les primes versées, en tenant compte de l’âge avancé du souscripteur, reflètent une gestion normale du patrimoine ou si elles visent principalement à échapper aux règles de la dévolution successorale.

La jurisprudence récente montre une volonté de la part des juges de protéger les droits des héritiers tout en respectant la liberté contractuelle des souscripteurs d’assurance-vie. L’arrêt du 2 mai 2024 s’inscrit dans cette perspective en offrant une grille de lecture claire pour apprécier le caractère manifestement exagéré des primes d’assurance-vie.

Ces critères permettent d’établir un équilibre entre la volonté du souscripteur de disposer librement de son patrimoine et la protection des héritiers contre les manœuvres visant à contourner les règles successorales. En définissant précisément les conditions dans lesquelles les primes d’assurance-vie sont rapportables à la succession, la Cour de cassation contribue à une application plus cohérente et prévisible du droit des successions et des libéralités.

Associations : un legs pas assez profitable

Lien : CE, 17 juin 2024, n° 471531, assoc. Fraternité française

Si l’utilisation des immeubles légués, voulue par le défunt, n’est pas conforme à l’objet statutaire de l’association légataire, elle ne peut bénéficier du legs. Le Conseil d’État, dans un arrêt du 17 juin 2024, a précisé les conditions de validité des legs faits aux associations, en particulier lorsque l’affectation des biens légués n’est pas en adéquation avec les statuts de l’association bénéficiaire.

L’affaire concerne l’association Fraternité française, bénéficiaire d’un legs immobilier de la part d’un défunt. Ce dernier avait expressément stipulé que les immeubles légués devaient être utilisés à des fins d’hébergement d’urgence pour des personnes en situation de précarité. Or, l’objet statutaire de l’association, tel que défini dans ses statuts, était essentiellement orienté vers la promotion de la culture et des loisirs, sans mention explicite de l’hébergement d’urgence.

Le Conseil d’État a rappelé que, pour qu’un legs soit valable, l’usage des biens légués doit être en conformité avec l’objet statutaire de l’association bénéficiaire. Cette exigence garantit que les biens légués seront utilisés conformément aux intentions du testateur et aux finalités pour lesquelles l’association a été constituée et reconnue.

Dans son analyse, la haute juridiction administrative a examiné si l’affectation prévue par le testateur était compatible avec les activités définies par les statuts de l’association. En l’espèce, le Conseil d’État a constaté une divergence significative entre l’objet du legs et les objectifs statutaires de l’association Fraternité française. Cette incompatibilité a conduit à la conclusion que l’association ne pouvait bénéficier du legs, faute de pouvoir l’utiliser conformément à la volonté du défunt.

Ce principe est fondé sur l’article 910 du Code civil, qui stipule que les libéralités faites aux associations ne sont valables que si elles sont conformes à leur objet. En outre, l’article 15 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association impose que les biens légués soient employés selon les conditions déterminées par le donateur ou le testateur. Si cette condition n’est pas remplie, le legs peut être annulé ou détourné vers une autre entité plus appropriée.

Cette décision du Conseil d’État s’inscrit dans une jurisprudence constante visant à assurer que les associations respectent scrupuleusement les volontés des testateurs et les objets statutaires pour lesquels elles ont été constituées. Elle a également pour but de prévenir toute utilisation abusive ou détournée des biens légués à des fins non conformes à la mission initiale des associations bénéficiaires.

Ainsi, les associations doivent veiller à ce que les legs et donations qu’elles reçoivent soient parfaitement alignés avec leurs statuts et leurs activités. Cette précaution est essentielle pour éviter des litiges postérieurs et pour garantir que les intentions des testateurs soient pleinement respectées. Les modifications statutaires peuvent être envisagées pour élargir les champs d’action des associations, mais ces modifications doivent être réalisées en amont et en conformité avec les procédures légales pour être opposables aux tiers et aux autorités de tutelle.

En l’espèce, l’association Fraternité française aurait pu, préalablement à l’acceptation du legs, envisager une modification de ses statuts pour inclure l’hébergement d’urgence parmi ses objectifs. Cependant, cette démarche doit être entreprise avec prudence et en respectant les formalités prévues par la loi pour éviter toute contestation ultérieure.

Cette affaire illustre l’importance pour les associations de bien définir leur objet statutaire et de s’assurer que les donations et legs qu’elles reçoivent sont conformes à cet objet. Elle invite également les testateurs à bien vérifier la compatibilité de leur volonté avec les missions des associations bénéficiaires, pour garantir que leur générosité atteigne pleinement son objectif.

Bail d’habitation : Clause résolutoire des baux d’habitation : le nouveau délai de 6 semaines ne s’applique pas aux baux en cours

Lien : Cass. 3e civ., avis, 13 juin 2024, n° 24-70.002,

Le nouveau délai de 6 semaines accordé au locataire pour régler sa dette après un commandement de payer, avant que la clause résolutoire d’un bail d’habitation puisse être mise en œuvre, ne s’applique pas aux baux en cours. Cet avis, rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 13 juin 2024, précise l’application temporelle de cette nouvelle disposition législative.

L’affaire concerne la mise en œuvre d’une clause résolutoire dans un bail d’habitation en cours d’exécution. Le locataire, après avoir reçu un commandement de payer, a contesté la validité de la mise en œuvre de la clause résolutoire, en invoquant le nouveau délai de 6 semaines introduit par une récente réforme législative. Selon cette réforme, ce délai supplémentaire doit permettre aux locataires de régulariser leur situation avant que le bailleur ne puisse procéder à la résiliation du bail pour non-paiement des loyers.

La question posée à la Cour de cassation était de savoir si ce nouveau délai de 6 semaines s’appliquait rétroactivement aux baux en cours à la date d’entrée en vigueur de la réforme, ou s’il ne concernait que les baux conclus après cette date.

La Cour de cassation a rendu un avis en faveur de la non-rétroactivité de cette disposition. Elle a rappelé le principe général selon lequel les lois ne disposent que pour l’avenir et n’ont point d’effet rétroactif, sauf disposition législative contraire expresse. En l’absence de mention explicite de la rétroactivité dans la loi réformant les délais de mise en œuvre de la clause résolutoire, cette disposition ne s’applique qu’aux baux conclus postérieurement à son entrée en vigueur.

La Cour a également souligné que l’application immédiate du nouveau délai de 6 semaines aux baux en cours serait contraire au principe de sécurité juridique, en perturbant les attentes légitimes des bailleurs qui ont contracté sous l’empire de la législation antérieure. En effet, ces bailleurs ont établi leurs relations contractuelles en fonction des règles alors en vigueur, et une modification rétroactive de ces règles pourrait engendrer des situations d’incertitude et de déséquilibre contractuel.

Ainsi, pour les baux d’habitation en cours, le délai applicable reste celui prévu par la législation antérieure à la réforme. Les locataires concernés par un commandement de payer émis avant l’entrée en vigueur de la nouvelle disposition ne peuvent donc pas bénéficier du délai prolongé de 6 semaines pour régulariser leur dette locative.

Cette décision de la Cour de cassation confirme une application stricte du principe de non-rétroactivité des lois, particulièrement en matière contractuelle. Elle invite les parties à un bail d’habitation à prendre en compte ce principe dans la gestion de leurs obligations contractuelles et à se tenir informées des évolutions législatives pour adapter leurs pratiques en conséquence.

Pour les nouveaux baux conclus après l’entrée en vigueur de la réforme, le délai de 6 semaines offre une protection accrue aux locataires, leur permettant de disposer d’un temps supplémentaire pour régulariser leur situation financière avant que la clause résolutoire puisse être mise en œuvre par le bailleur. Cela vise à prévenir les expulsions pour non-paiement des loyers, en offrant aux locataires une chance supplémentaire de s’acquitter de leurs dettes.

Les bailleurs et les locataires doivent être attentifs à la date de conclusion de leur bail et aux dispositions légales en vigueur à cette date pour déterminer les délais applicables en cas de mise en œuvre de la clause résolutoire pour non-paiement des loyers. Les professionnels de l’immobilier et du droit doivent également veiller à informer leurs clients de ces nuances pour assurer une gestion conforme et sécurisée des baux d’habitation.

Bail d’habitation : Appréciation souveraine des travaux de nature à faire cesser le trouble de jouissance du locataire

Lien : Cass. 3e civ., 13 juin 2024, n° 22-21.250,

Le juge, qui constate l’existence de troubles de jouissance subis par un locataire, apprécie souverainement les mesures à prendre pour y remédier, y compris la nature et l’étendue des travaux nécessaires. La troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 13 juin 2024, a réaffirmé ce principe en soulignant l’importance de l’appréciation souveraine du juge en matière de troubles de jouissance.

Dans cette affaire, un locataire se plaignait de troubles de jouissance liés à des infiltrations d’eau et à une mauvaise isolation phonique dans son logement. Malgré plusieurs signalements au bailleur, les problèmes persistaient, affectant gravement la qualité de vie du locataire. Le locataire a alors saisi la justice pour obtenir la réalisation de travaux nécessaires à la cessation de ces troubles et la réparation du préjudice subi.

La cour d’appel avait ordonné au bailleur de réaliser des travaux spécifiques, considérant qu’ils étaient indispensables pour mettre fin aux troubles de jouissance. Le bailleur a contesté cette décision, soutenant que les travaux ordonnés étaient disproportionnés et qu’une solution moins coûteuse aurait pu être envisagée.

La Cour de cassation, confirmant la décision de la cour d’appel, a rappelé que le juge dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier les mesures nécessaires à la cessation des troubles de jouissance. Ce pouvoir comprend la détermination de la nature des travaux à réaliser ainsi que leur ampleur, en fonction des circonstances spécifiques de chaque affaire. En l’espèce, la cour d’appel avait suffisamment motivé sa décision en tenant compte des expertises et des éléments de preuve fournis par les parties, justifiant ainsi le caractère nécessaire et proportionné des travaux ordonnés.

Cette jurisprudence réaffirme plusieurs principes clés en matière de bail d’habitation. Premièrement, le bailleur a l’obligation de garantir au locataire une jouissance paisible des lieux loués, conformément à l’article 1719 du Code civil. En cas de manquement à cette obligation, le locataire peut demander au juge de prescrire les mesures nécessaires pour faire cesser les troubles de jouissance, y compris la réalisation de travaux.

Deuxièmement, l’appréciation souveraine du juge en matière de troubles de jouissance implique qu’il peut ordonner des travaux même si ceux-ci sont importants et coûteux, dès lors qu’ils sont justifiés par la nécessité de rétablir une jouissance normale du logement. Cette appréciation prend en compte l’ensemble des circonstances, y compris la gravité des troubles et l’efficacité des mesures proposées pour y remédier.

Troisièmement, le pouvoir souverain du juge implique également une certaine flexibilité dans la prise de décision, permettant une adaptation aux spécificités de chaque situation. Le juge peut ainsi choisir parmi plusieurs solutions possibles celle qui lui semble la plus appropriée pour rétablir la jouissance paisible du locataire, sans être lié par les suggestions des parties ou par des considérations de coûts excessifs avancées par le bailleur.

Enfin, cette décision rappelle l’importance pour les bailleurs de réagir promptement et efficacement aux plaintes des locataires concernant les troubles de jouissance. Une gestion proactive des problèmes signalés peut éviter des litiges judiciaires et les frais conséquents liés à la réalisation de travaux ordonnés par le juge. Les bailleurs doivent également être conscients que les solutions de réparation proposées doivent être à la hauteur des exigences légales et des attentes légitimes des locataires en matière de confort et de sécurité.

La Cour de cassation réaffirme le rôle central du juge dans l’appréciation des troubles de jouissance et des mesures nécessaires pour y remédier, renforçant ainsi la protection des locataires contre les conditions de logement inadéquates. Cette jurisprudence incite les professionnels de l’immobilier à une vigilance accrue dans la gestion des baux d’habitation et à une réponse appropriée aux demandes de travaux de la part des locataires.

Bail d’habitation : Changement d’usage : l’usage d’habitation ne se perd pas lorsque le local est réuni avec un autre local

Lien : Cass. 3e civ., 13 juin 2024, n° 23-11.053,

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 13 juin 2024, a apporté une précision supplémentaire quant aux conditions de la location saisonnière touristique : dès lors que l’usage d’habitation d’un local ne se perd pas lorsqu’il est réuni avec un autre local, il ne peut être transformé en location touristique sans respecter les conditions légales de changement d’usage.

L’affaire concerne un propriétaire qui avait réuni deux locaux distincts pour en faire un grand appartement, puis utilisé ce nouvel espace à des fins de location saisonnière touristique. Les autorités locales avaient contesté cette transformation, arguant que l’usage d’habitation des locaux d’origine devait être respecté et que la transformation en location touristique nécessitait une autorisation de changement d’usage.

La Cour de cassation a confirmé la position des autorités locales, précisant que la réunion de deux locaux en un seul ne modifie pas leur usage initial d’habitation. Cette réunion ne permet pas de contourner les règles strictes qui régissent le changement d’usage des locaux d’habitation en locaux commerciaux ou de location saisonnière. Selon les articles L. 631-7 et suivants du Code de la construction et de l’habitation, toute transformation d’un local d’habitation en un autre usage, notamment pour la location touristique, nécessite une autorisation préalable de changement d’usage délivrée par la mairie.

En se prononçant ainsi, la Cour de cassation réaffirme l’importance de la protection du parc locatif destiné à l’habitation permanente. Cette décision s’inscrit dans une volonté de régulation du marché immobilier, particulièrement dans les grandes villes où la location saisonnière peut réduire significativement l’offre de logements disponibles pour les résidents permanents et contribuer à la hausse des loyers.

La Cour a également souligné que le respect de l’usage d’habitation doit être strictement appliqué, même lorsque des travaux de réunion ou de transformation sont réalisés. Cette protection vise à éviter que des locaux initialement destinés à l’habitation permanente ne soient détournés de leur usage sans les autorisations requises, garantissant ainsi une certaine stabilité dans l’offre de logements.

Pour les propriétaires, cette décision implique une vigilance accrue lors de toute modification de l’usage de leurs biens immobiliers. Avant d’entreprendre des travaux ou de modifier l’utilisation de leurs locaux, ils doivent s’assurer de respecter les procédures légales en vigueur. En cas de non-respect de ces procédures, les propriétaires s’exposent à des sanctions, y compris des amendes et l’obligation de remettre les locaux dans leur état initial d’habitation.

Cette jurisprudence incite également les professionnels de l’immobilier et les gestionnaires de biens à informer et conseiller leurs clients sur les réglementations en matière de changement d’usage. Les agences immobilières et les notaires ont un rôle essentiel à jouer pour garantir que les transactions et les projets de transformation respectent les règles légales, protégeant ainsi les intérêts des propriétaires et des locataires.

La décision de la Cour de cassation du 13 juin 2024 renforce la réglementation concernant la transformation des locaux d’habitation en locations touristiques. Elle rappelle l’importance de respecter les usages d’habitation initialement définis et d’obtenir les autorisations nécessaires pour tout changement d’usage. Cette jurisprudence vise à protéger le parc locatif résidentiel et à réguler le marché de la location saisonnière, garantissant ainsi un équilibre entre les différents usages des biens immobiliers.

Bail Rural : La simple qualité d’acquéreur potentiel suffit pour contester la préemption

Lien : Cass. 3e civ., 13 juin 2024, n° 22-20.992,

Il suffit d’être désigné comme l’acquéreur potentiel dans la notification notariale pour avoir la qualité pour contester la décision de préemption du titulaire du droit de préemption. La troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 13 juin 2024, a précisé cette règle en matière de baux ruraux.

Cette affaire concerne un litige de préemption dans le cadre de la vente d’une propriété agricole. Le propriétaire avait reçu une offre d’achat de la part d’un acquéreur potentiel, désigné dans la notification notariale. Toutefois, le titulaire du droit de préemption, souvent une SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural), avait exercé son droit de préemption, évinçant ainsi l’acquéreur potentiel.

L’acquéreur potentiel a contesté cette décision de préemption, arguant qu’il avait qualité pour agir en vertu de sa désignation dans la notification notariale. La question posée à la Cour de cassation était de savoir si cette simple désignation conférait effectivement la qualité pour contester la décision de préemption.

La Cour de cassation a confirmé que la désignation de l’acquéreur potentiel dans la notification notariale est suffisante pour lui reconnaître la qualité pour contester la préemption. Cette reconnaissance repose sur le fait que l’acquéreur potentiel, en tant que partie à la transaction projetée, a un intérêt direct et légitime à voir respecter le processus de vente initialement convenu, et à contester toute intervention qu’il estime injustifiée ou irrégulière.

La Cour a souligné que cette qualité pour agir ne nécessite pas la conclusion préalable d’un compromis de vente, mais repose uniquement sur la notification notariée. En d’autres termes, dès lors que l’acquéreur potentiel est mentionné dans cette notification, il acquiert un droit de regard sur le processus de vente et peut contester la préemption exercée par le titulaire du droit de préemption.

Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence favorable à la protection des droits des acquéreurs potentiels, en leur permettant de s’opposer à des préemptions qu’ils jugent abusives ou non conformes aux conditions légales. Elle vise également à garantir la transparence et l’équité des transactions foncières en milieu rural, où les droits de préemption jouent un rôle fondamental dans la régulation des ventes et la gestion des terres agricoles.

Pour les professionnels de l’immobilier et les notaires, cette jurisprudence impose une vigilance accrue dans la rédaction et la notification des actes de vente. Ils doivent s’assurer que les acquéreurs potentiels sont clairement identifiés et informés de leurs droits, y compris celui de contester une décision de préemption. Cette attention est essentielle pour sécuriser les transactions et éviter les litiges postérieurs.

La décision de la Cour de cassation du 13 juin 2024 clarifie la qualité pour contester une décision de préemption dans le cadre des baux ruraux, affirmant que la simple désignation de l’acquéreur potentiel dans la notification notariale est suffisante. Cette jurisprudence renforce les droits des acquéreurs potentiels et contribue à une meilleure régulation des transactions foncières en milieu rural, garantissant la transparence et l’équité du processus de vente.

Bail Rural : Division des parcelles moins de 9 ans avant le renouvellement : exclusion du régime dérogatoire des baux de petites parcelles

Lien : Cass. 3e civ., 13 juin 2024, n° 22-18.861,

Le régime dérogatoire des baux de petites parcelles ne s’applique pas au bail renouvelé si la division des parcelles, qui a conduit à la création de petites parcelles, a eu lieu moins de neuf ans avant le renouvellement du bail. La troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 13 juin 2024, a clarifié cette question en matière de baux ruraux.

Dans cette affaire, le bailleur avait procédé à la division de ses parcelles agricoles en plusieurs petites parcelles, puis avait conclu un bail rural portant sur ces nouvelles petites parcelles. À l’approche du renouvellement du bail, le preneur a contesté l’application du régime dérogatoire des baux de petites parcelles, arguant que la division des parcelles avait eu lieu moins de neuf ans avant la date de renouvellement.

La Cour de cassation a statué que le régime dérogatoire des baux de petites parcelles, prévu par l’article L. 411-3 du Code rural et de la pêche maritime, ne s’applique pas lorsque la division des parcelles a été réalisée moins de neuf ans avant le renouvellement du bail. Ce régime dérogatoire permet notamment une durée de bail plus courte et des conditions de résiliation plus flexibles, mais ces avantages ne peuvent être invoqués si la division des parcelles est récente.

En se prononçant ainsi, la Cour de cassation a réaffirmé l’importance de la stabilité des baux ruraux et la protection des droits des preneurs. La jurisprudence vise à éviter que les bailleurs contournent les dispositions protectrices du statut du fermage en procédant à des divisions de parcelles peu avant le renouvellement des baux pour bénéficier des conditions plus favorables du régime dérogatoire.

Pour déterminer si le régime dérogatoire s’applique, il convient de vérifier la date de la division des parcelles par rapport à la date de renouvellement du bail. Si cette division a eu lieu moins de neuf ans avant le renouvellement, le bail renouvelé reste soumis au régime général des baux ruraux, avec toutes les protections qu’il offre aux preneurs, telles que la durée minimale de neuf ans et les conditions strictes de résiliation.

Cette décision de la Cour de cassation renforce la sécurité juridique des preneurs en matière de baux ruraux. Elle garantit que les preneurs bénéficient des protections du régime général des baux ruraux, même en cas de division des parcelles, si cette division est intervenue dans un délai inférieur à neuf ans avant le renouvellement du bail. Cela empêche les bailleurs d’utiliser des divisions de parcelles comme stratagème pour échapper aux obligations plus strictes du statut du fermage.

Les professionnels de l’immobilier rural et les notaires doivent donc veiller à prendre en compte la date de division des parcelles lors de la rédaction des baux ruraux et lors des renouvellements. Ils doivent s’assurer que les preneurs sont correctement informés de leurs droits et des protections dont ils bénéficient en vertu du régime général des baux ruraux.

L’arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2024 précise que le régime dérogatoire des baux de petites parcelles ne s’applique pas si la division des parcelles a eu lieu moins de neuf ans avant le renouvellement du bail. Cette décision vise à protéger les preneurs contre les tentatives de contournement des protections du statut du fermage par les bailleurs, renforçant ainsi la stabilité et la sécurité des baux ruraux.

 

Bail commercial : Résiliation du bail pour défaut de paiement après jugement d’ouverture : office du juge-commissaire

Lien : Cass. com., 12 juin 2024, n° 22-24.177,

Le juge-commissaire, saisi d’une demande de constat de résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers postérieurs au jugement d’ouverture d’une procédure collective, doit vérifier le respect de la procédure légale et apprécier la situation de l’entreprise en difficulté. La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 12 juin 2024, n° 22-24.177, a précisé le rôle du juge-commissaire dans de telles situations.

Cette affaire concerne une société locataire ayant été placée en redressement judiciaire. Après le jugement d’ouverture de cette procédure collective, la société n’a pas réglé les loyers dus, et le bailleur a saisi le juge-commissaire pour constater la résiliation du bail commercial pour défaut de paiement.

La Cour de cassation a rappelé que le juge-commissaire doit vérifier non seulement le défaut de paiement des loyers postérieurs au jugement d’ouverture, mais aussi si les conditions légales de résiliation sont réunies, notamment celles prévues par l’article L. 622-14 du Code de commerce. Selon cet article, les créances postérieures au jugement d’ouverture, lorsqu’elles sont nécessaires au déroulement de la procédure ou résultant d’un contrat en cours dont la poursuite a été décidée, doivent être payées à leur échéance.

Le juge-commissaire doit également apprécier la situation de l’entreprise en redressement judiciaire, en tenant compte de ses possibilités de redressement et de l’intérêt des créanciers. Cette appréciation est essentielle pour éviter une résiliation automatique du bail qui pourrait compromettre les chances de redressement de l’entreprise et l’intérêt de la procédure collective.

Dans le cadre de cette appréciation, le juge-commissaire peut examiner les efforts faits par l’entreprise pour régulariser sa situation, notamment des tentatives de paiement partiel ou des négociations avec le bailleur. Il doit également tenir compte des conséquences d’une résiliation du bail sur l’activité de l’entreprise et sur la protection des emplois.

La Cour de cassation a ainsi souligné que le rôle du juge-commissaire n’est pas purement formel. Il doit exercer un contrôle rigoureux et prendre une décision équilibrée, tenant compte à la fois des droits du bailleur et des intérêts de la procédure collective. Cette décision doit être motivée par une analyse approfondie de la situation financière et économique de l’entreprise.

Cette jurisprudence clarifie l’office du juge-commissaire et renforce la protection des entreprises en difficulté contre des résiliations de bail abusives ou hâtives. Elle impose également aux bailleurs une obligation de dialogue et de bonne foi dans leurs relations avec des locataires en procédure collective.

Les professionnels de l’immobilier et les praticiens du droit des entreprises en difficulté doivent tenir compte de cette décision pour conseiller au mieux leurs clients et pour s’assurer que les procédures de résiliation de bail respectent les exigences légales et jurisprudentielles.

L’arrêt de la Cour de cassation du 12 juin 2024 précise le rôle du juge-commissaire dans le cadre des demandes de résiliation de bail pour défaut de paiement des loyers postérieurs au jugement d’ouverture d’une procédure collective. Le juge doit vérifier le respect des conditions légales, apprécier la situation de l’entreprise et prendre une décision équilibrée, assurant ainsi la protection des intérêts de toutes les parties impliquées.

 

Urbanisme : Lorsque le préfet demande des modifications pour un PLU, faut-il refaire une enquête publique ?

Lien : CE, 13 juin 2024, n° 473684, Sté A et autres

Lorsque le plan local d’urbanisme (PLU) concerne un territoire non couvert par un schéma de cohérence territoriale (SCOT) approuvé, le préfet peut, en vertu de l’article L. 153-31 du Code de l’urbanisme, demander des modifications au projet de PLU avant son approbation. Cette prérogative vise à garantir la conformité du PLU avec les objectifs de développement durable et d’aménagement équilibré du territoire, tels que définis par les lois nationales et les directives européennes.

La question centrale porte sur la nécessité de procéder à une nouvelle enquête publique lorsque le préfet demande des modifications substantielles au projet de PLU. Le Conseil d’État, dans sa décision du 13 juin 2024 (n° 473684, Sté A et autres), a apporté des éclaircissements importants à ce sujet.

La juridiction administrative a rappelé que la modification d’un PLU à la demande du préfet doit être analysée au regard de son importance et de son impact sur le projet initial. Si les modifications proposées sont de nature à altérer significativement l’économie générale du projet de PLU, une nouvelle enquête publique s’avère nécessaire. Cette exigence découle du principe de participation du public, inscrit dans la Charte de l’environnement et dans le Code de l’urbanisme (articles L. 300-2 et L. 153-19).

En revanche, si les modifications demandées par le préfet sont mineures et ne remettent pas en cause les orientations fondamentales du projet de PLU, il n’est pas obligatoire de soumettre le projet modifié à une nouvelle enquête publique. Le Conseil d’État a ainsi souligné l’importance de distinguer les modifications substantielles des ajustements mineurs afin de déterminer la procédure appropriée.

La décision du Conseil d’État a également mis en exergue la nécessité pour l’autorité administrative de motiver ses demandes de modification de manière précise et circonstanciée. Une motivation insuffisante pourrait en effet entraîner l’annulation de la procédure de modification pour vice de forme ou de procédure.

Enfin, il est important de noter que le rôle du préfet, en tant que garant de l’intérêt général et du respect des normes supérieures, s’exerce dans un cadre de dialogue et de concertation avec les collectivités territoriales. Cette interaction vise à assurer la cohérence et la complémentarité des documents d’urbanisme à différentes échelles territoriales, tout en respectant les spécificités locales.

Cette jurisprudence permet d’envisager les implications pratiques des demandes de modification du préfet sur l’élaboration et la révision des PLU. Elle souligne l’importance d’une évaluation rigoureuse des modifications proposées et de la transparence de la procédure, afin de garantir la légitimité et l’acceptabilité des documents d’urbanisme.

 

Adjudication : Le juge ne peut pas adjuger un bien à un prix inférieur à la mise à prix légalement fixée

Lien : Cass. 2e civ., 13 juin 2024, n° 22-10.790,

Le juge ne peut pas adjuger un bien immobilier à un prix inférieur à la mise à prix légalement fixée, sauf dans le cas particulier prévu par la loi. Cette règle a été réaffirmée par la Cour de cassation dans un arrêt de la deuxième chambre civile du 13 juin 2024 (n° 22-10.790). La mise à prix constitue en effet un seuil en dessous duquel l’adjudication ne peut pas être prononcée, sauf exception prévue par le législateur.

La mise à prix est déterminée conformément aux dispositions légales et réglementaires applicables, souvent en fonction des évaluations réalisées par des experts immobiliers ou par les parties prenantes au procès. Elle sert à garantir que le bien ne sera pas vendu en dessous de sa valeur marchande minimale estimée, protégeant ainsi les intérêts des créanciers et des débiteurs.

Cependant, il existe des situations spécifiques où la loi permet de déroger à cette règle. Par exemple, l’article R. 322-55 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que si le bien est mis aux enchères à plusieurs reprises sans trouver preneur, le juge de l’exécution peut, après une première baisse de la mise à prix, autoriser une adjudication à un prix inférieur, mais sous réserve du respect des conditions strictes et de la publicité appropriée. Cette exception vise à éviter que le bien reste invendu indéfiniment, ce qui pourrait nuire à la liquidation des créances et prolonger indûment la procédure.

Dans l’affaire du 13 juin 2024, la Cour de cassation a statué sur la légalité d’une adjudication réalisée à un prix inférieur à la mise à prix initialement fixée. Le juge de l’exécution avait abaissé la mise à prix après plusieurs tentatives infructueuses de vente, conformément aux articles susmentionnés. La Cour a validé cette adjudication en soulignant que les baisses successives de la mise à prix avaient été effectuées en respectant les procédures légales et les droits des parties.

Cette jurisprudence illustre l’équilibre que le droit cherche à maintenir entre la nécessité de vendre le bien dans un délai raisonnable et la protection des intérêts financiers des parties impliquées. Elle met également en évidence le rôle du juge de l’exécution dans l’adaptation de la procédure d’adjudication aux circonstances particulières de chaque affaire, tout en respectant les garanties procédurales prévues par la loi.

Cette décision permet de mieux comprendre les marges de manœuvre laissées aux juges de l’exécution en matière d’adjudication de biens immobiliers, ainsi que les conditions strictes dans lesquelles une vente à un prix inférieur à la mise à prix peut être validée. Cela soulève des questions intéressantes sur l’interprétation et l’application des normes légales dans des contextes où la rigidité des règles peut parfois entraver l’efficacité des procédures d’exécution.

Fiscalité immobilière : Dispositif Borloo-neuf : amortissement du bien donné en location

Lien : CE, 31 mai 2024, n° 475692, M. et Mme G.

Il ne suffit pas d’être licencié pour échapper aux restitutions qu’implique la méconnaissance de l’un des engagements pris pour bénéficier du dispositif Borloo-neuf. Ce dispositif, prévu par l’article 31 du Code général des impôts, permet aux investisseurs de déduire de leurs revenus fonciers une partie du prix d’acquisition d’un bien immobilier neuf, sous certaines conditions de location.

Le Conseil d’État, dans sa décision du 31 mai 2024 (n° 475692, M. et Mme G.), a clarifié les conditions nécessaires pour éviter les restitutions en cas de non-respect des engagements. Les contribuables doivent respecter des engagements stricts, notamment la location du bien pendant une durée minimale de neuf ans, à des loyers plafonnés et à des locataires dont les ressources n’excèdent pas certains seuils.

Dans l’affaire en question, M. et Mme G. avaient bénéficié du dispositif Borloo-neuf en amortissant le bien immobilier qu’ils avaient donné en location. Toutefois, en raison du licenciement de M. G., le couple n’avait pas pu respecter l’ensemble des engagements requis, notamment la durée minimale de location. Le couple avait alors contesté la demande de restitution des avantages fiscaux, arguant que le licenciement de M. G. constituait une circonstance exceptionnelle justifiant leur manquement aux engagements.

Le Conseil d’État a jugé que le licenciement, bien qu’étant un événement difficile pour les contribuables, ne suffisait pas à justifier le non-respect des engagements pris pour bénéficier du dispositif Borloo-neuf. La Cour a rappelé que seule la survenance de certains événements expressément prévus par la loi, comme le décès du contribuable ou son invalidité, permet de déroger aux obligations et d’éviter la restitution des avantages fiscaux.

Cette décision souligne l’importance du respect rigoureux des conditions d’application des dispositifs fiscaux pour éviter toute remise en cause des avantages obtenus. Les investisseurs doivent être particulièrement vigilants quant aux engagements qu’ils prennent lorsqu’ils bénéficient d’incitations fiscales, car les exceptions permettant de justifier un manquement sont strictement encadrées par la loi.

En outre, la décision du Conseil d’État met en évidence la nécessité pour les investisseurs de bien évaluer leur capacité à respecter les engagements sur le long terme avant de s’engager dans des dispositifs fiscaux avantageux mais contraignants. Elle incite également les conseillers fiscaux et juridiques à informer clairement leurs clients des risques et des obligations associés à ces dispositifs pour éviter des déconvenues futures.

L’analyse de cette jurisprudence permet d’apprécier la rigueur avec laquelle les engagements fiscaux doivent être respectés, et ouvre la réflexion sur l’adaptation des dispositifs fiscaux aux réalités économiques et sociales des contribuables.

Fiscalité immobilière : Dispositif Robien : appréciation de la surface habitable

Lien : CE, 17 mai 2024, n° 466767, Mme S.

Constituent un sous-sol, dont la superficie est exclue de la surface habitable pour l’appréciation du plafond de loyer du dispositif Robien, des pièces en rez-de-jardin présentant des caractéristiques particulières. Le Conseil d’État, dans sa décision du 17 mai 2024 (n° 466767, Mme S.), a précisé les critères permettant de distinguer ces pièces des autres parties du logement.

Le dispositif Robien, prévu par l’article 31 du Code général des impôts, encourage l’investissement locatif en permettant aux contribuables de déduire une partie du prix d’acquisition ou du coût de construction d’un bien immobilier neuf, à condition de respecter certains plafonds de loyer et de ressources des locataires. Pour déterminer le plafond de loyer applicable, il est essentiel de calculer précisément la surface habitable du logement.

Dans cette affaire, Mme S. avait inclus dans la surface habitable des pièces situées en rez-de-jardin, arguant qu’elles étaient intégrées de manière fonctionnelle au reste de l’habitation. L’administration fiscale, quant à elle, les considérait comme un sous-sol, excluant ainsi leur superficie du calcul de la surface habitable.

Le Conseil d’État a retenu que la qualification de sous-sol dépend de plusieurs critères, notamment la hauteur sous plafond, l’éclairage naturel, et la destination des pièces. En l’espèce, les pièces en question, bien qu’aménagées et utilisées comme des pièces à vivre, présentaient des caractéristiques typiques d’un sous-sol : une hauteur sous plafond réduite, une faible luminosité naturelle due à des ouvertures limitées, et une situation en contrebas par rapport au niveau principal de l’habitation.

Cette décision est importante car elle clarifie les critères de définition de la surface habitable dans le cadre du dispositif Robien, impactant directement le calcul des plafonds de loyer. En excluant les pièces qualifiées de sous-sol, le Conseil d’État a réaffirmé l’exigence d’une appréciation stricte des éléments constitutifs de la surface habitable.

L’analyse de cette jurisprudence permet de mieux comprendre les critères utilisés par les juges pour déterminer ce qui constitue une surface habitable. Les investisseurs et les professionnels de l’immobilier doivent en tenir compte lors de l’évaluation des biens et du calcul des loyers pour s’assurer de la conformité avec les exigences fiscales. Cela met également en lumière l’importance de la transparence et de la précision dans la documentation des caractéristiques des biens immobiliers, afin de prévenir les litiges avec l’administration fiscale.

Cette décision ouvre la réflexion sur l’interprétation des termes légaux relatifs à la surface habitable et leurs implications pratiques pour les dispositifs fiscaux incitatifs dans le secteur immobilier. Elle souligne également la nécessité d’une vigilance accrue lors de la rédaction des baux et de la présentation des logements pour bénéficier pleinement des avantages fiscaux tout en respectant les contraintes légales.

Fiscalité : Plus-value sur cession de droits sociaux par un résident étranger

Lien : CE, 31 mai 2024, n° 489370, M. M.,

Les dispositions qui soumettent exclusivement à un prélèvement libératoire les plus-values de cession de droits sociaux quand elles sont réalisées par un résident étranger ont été examinées par le Conseil d’État dans sa décision du 31 mai 2024 (n° 489370, M. M.). Cette décision porte sur le régime fiscal applicable aux plus-values réalisées par des non-résidents lors de la cession de leurs participations dans des sociétés françaises.

Le cadre légal prévoit que les plus-values de cession de droits sociaux réalisées par des non-résidents sont soumises à un prélèvement libératoire. Ce prélèvement est destiné à simplifier le recouvrement de l’impôt dû par les contribuables non-résidents et à assurer une imposition minimale de ces plus-values, indépendamment de leur pays de résidence fiscale.

Dans l’affaire examinée, M. M., un résident étranger, avait cédé des droits sociaux dans une société française, générant une plus-value soumise à ce prélèvement. Le litige portait sur la conformité de ce régime fiscal avec les principes de non-discrimination et de libre circulation des capitaux établis par le droit de l’Union européenne.

Le Conseil d’État a confirmé la légalité de ce dispositif, considérant qu’il ne contrevient pas aux principes européens susmentionnés. La Cour a rappelé que les États membres de l’Union européenne disposent d’une certaine marge de manœuvre pour définir les modalités d’imposition des revenus réalisés sur leur territoire par des non-résidents, tant que ces modalités ne constituent pas une discrimination directe ou indirecte fondée sur la nationalité ou la résidence.

La décision précise que le prélèvement libératoire, bien qu’exclusif, ne constitue pas une entrave à la libre circulation des capitaux car il s’applique de manière uniforme à tous les non-résidents, indépendamment de leur nationalité. De plus, le taux du prélèvement est comparable à celui applicable aux résidents français, garantissant ainsi une équité fiscale relative.

Cette jurisprudence met en lumière l’importance de la clarté et de la prévisibilité des règles fiscales pour les investisseurs étrangers. Elle souligne également la nécessité pour les États de concilier leur souveraineté fiscale avec les obligations découlant de leur appartenance à l’Union européenne. Les non-résidents doivent être conscients des implications fiscales de leurs investissements en France et des mécanismes disponibles pour éviter la double imposition, comme les conventions fiscales bilatérales.

Cette décision du Conseil d’État permet de mieux comprendre les enjeux liés à la fiscalité des plus-values de cession de droits sociaux pour les résidents étrangers. Elle incite les investisseurs à évaluer attentivement les régimes fiscaux applicables avant de réaliser des opérations de cession et à rechercher des conseils juridiques spécialisés pour optimiser leur situation fiscale tout en respectant les législations en vigueur.

Fiscalité : Prêts entre entreprises liées : déduction des intérêts

Lien : CE, 31 mai 2024, n° 476479, SAS Les Vignobles Réunis-Roullet

Les intérêts de l’emprunt accordé à une entreprise par une autre personne morale à laquelle elle est liée sont déductibles, sous certaines conditions précises. Le Conseil d’État, dans sa décision du 31 mai 2024 (n° 476479, SAS Les Vignobles Réunis-Roullet), a clarifié les critères permettant la déductibilité des intérêts payés sur des prêts intragroupes.

Le cadre général de la déduction des intérêts d’emprunt dans les relations intragroupes est défini par l’article 212 du Code général des impôts. Ce texte stipule que les intérêts versés à une entreprise liée ne sont déductibles que s’ils respectent les conditions du marché et que le taux d’intérêt appliqué ne dépasse pas un certain seuil, communément appelé taux de référence.

Dans cette affaire, la SAS Les Vignobles Réunis-Roullet avait contracté un emprunt auprès d’une société mère. L’administration fiscale avait remis en cause la déduction des intérêts versés au motif que le taux d’intérêt appliqué excédait le taux de référence fixé par les autorités fiscales, et que l’emprunt n’avait pas été conclu dans des conditions de pleine concurrence.

Le Conseil d’État a jugé que, pour que les intérêts d’un emprunt intragroupe soient déductibles, deux conditions doivent être remplies :

  1. Respect du Taux de Référence : Le taux d’intérêt appliqué ne doit pas excéder le taux de référence établi par l’administration fiscale, sauf si l’entreprise emprunteuse peut démontrer que le taux pratiqué correspond aux conditions du marché, c’est-à-dire à un taux auquel elle aurait pu emprunter auprès d’un établissement financier indépendant.
  2. Conditions de Pleine Concurrence : Les conditions de l’emprunt doivent être conformes à celles qui auraient été convenues entre entreprises indépendantes. Cela implique notamment que les termes de l’emprunt (montant, durée, garanties, etc.) soient justifiés et conformes aux pratiques habituelles du marché.

Dans le cas de la SAS Les Vignobles Réunis-Roullet, le Conseil d’État a confirmé la position de l’administration fiscale en constatant que l’emprunt ne respectait pas ces conditions. Le taux d’intérêt appliqué était supérieur au taux de référence, et la société n’avait pas pu apporter de preuve suffisante pour démontrer que ce taux reflétait les conditions du marché.

Cette décision souligne l’importance pour les entreprises de veiller à la conformité des prêts intragroupes aux critères de déductibilité des intérêts. Les entreprises doivent être en mesure de justifier que les conditions de leurs emprunts intragroupes sont comparables à celles qu’elles auraient obtenues sur le marché libre. Cela implique une documentation rigoureuse des termes de l’emprunt et, si nécessaire, des comparaisons avec des transactions similaires conclues avec des parties indépendantes.

Cette jurisprudence permet de mieux appréhender les enjeux liés à la fiscalité des prêts intragroupes et la nécessité pour les entreprises de se conformer aux règles de pleine concurrence pour bénéficier de la déduction des intérêts d’emprunt. Elle incite les groupes d’entreprises à renforcer leurs pratiques de gouvernance et de documentation en matière de financement intragroupe afin d’éviter des redressements fiscaux.

Banque : Prescription triennale de l’action cambiaire contre l’avaliste d’un billet à ordre

Lien : Cass. com., 12 juin 2024, n° 22-21.573,

Le délai de prescription applicable à l’action cambiaire à l’encontre de l’avaliste d’un billet à ordre est de trois ans à compter de l’échéance du billet. La Cour de cassation, dans son arrêt rendu par la chambre commerciale le 12 juin 2024 (n° 22-21.573), a confirmé ce principe en apportant des précisions importantes sur le calcul de ce délai.

Le billet à ordre est un instrument de crédit par lequel une personne (le souscripteur) s’engage à payer une somme déterminée à une autre personne (le bénéficiaire) à une date future. L’avaliste, quant à lui, garantit le paiement de cette somme, se portant ainsi garant de l’engagement pris par le souscripteur.

Dans cette affaire, le porteur du billet à ordre avait engagé une action cambiaire contre l’avaliste pour obtenir le paiement de la somme due, après l’échéance du billet. L’avaliste contestait l’action en invoquant la prescription triennale.

La Cour de cassation a rappelé que, conformément à l’article L. 511-78 du Code de commerce, l’action cambiaire se prescrit par trois ans à compter de l’échéance du billet à ordre. Ce délai s’applique de manière uniforme aux actions dirigées contre le souscripteur ainsi que contre l’avaliste. La prescription triennale vise à instaurer une sécurité juridique en fixant un délai raisonnable pour l’exercice des droits du porteur du billet.

L’arrêt du 12 juin 2024 précise que le point de départ de ce délai de prescription est l’échéance du billet, c’est-à-dire la date à laquelle le paiement devait être effectué. Si le billet à ordre n’est pas honoré à cette date, le porteur dispose de trois ans pour engager une action cambiaire contre l’avaliste.

Dans le cas examiné, le porteur avait tenté d’interrompre la prescription en adressant une mise en demeure de paiement à l’avaliste. Toutefois, la Cour de cassation a jugé que seule une action en justice, une reconnaissance de dette par l’avaliste, ou tout autre acte interruptif de prescription prévu par la loi pouvait interrompre ce délai. Une simple mise en demeure, bien que traduisant l’intention de recouvrer la créance, n’est pas suffisante pour interrompre la prescription.

Cette décision montre la rigueur du régime de prescription des actions cambiaires et la nécessité pour les porteurs de billets à ordre de prendre des mesures juridiques adéquates pour préserver leurs droits. Les porteurs doivent être particulièrement vigilants quant aux délais et aux actes interruptifs de prescription pour éviter que leurs actions ne soient déclarées irrecevables.

Cette jurisprudence permet de mieux comprendre les mécanismes de la prescription en matière de billets à ordre et l’importance de la précision dans le calcul des délais. Elle souligne la nécessité pour les créanciers d’adopter une stratégie proactive dans la gestion de leurs créances afin de ne pas se heurter à la forclusion de leurs droits. Cela ouvre également la réflexion sur les meilleures pratiques en matière de gestion des instruments de crédit et de recouvrement des créances pour assurer la sécurité juridique et financière des transactions.

Doctrine Administrative

 

Impôt sur la fortune (ISF) : L’Administration commente (in extremis) la réforme de l’IFI

Lien : BOI-PAT-IFI-20-30, 5 juin 2024

L’article 27 de la loi de finances pour 2024 a procédé à une substantielle modification des règles d’imposition à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) des parts ou actions de sociétés détenant des biens immobiliers. L’administration fiscale a commenté cette réforme dans le Bulletin officiel des finances publiques (BOI-PAT-IFI-20-30) du 5 juin 2024.

La réforme de l’IFI vise à clarifier et à renforcer les règles concernant l’assiette de cet impôt, notamment en ce qui concerne les parts ou actions de sociétés, qu’elles soient françaises ou étrangères, détenant directement ou indirectement des biens immobiliers en France. L’objectif principal de cette réforme est de lutter contre l’évasion fiscale et d’assurer une plus grande équité entre les contribuables.

Les modifications apportées concernent plusieurs aspects clés :

  1. Définition élargie des biens immobiliers imposables : La réforme élargit la définition des biens immobiliers imposables à l’IFI. Désormais, les parts ou actions de sociétés qui possèdent directement ou indirectement des biens immobiliers, lorsque ces biens représentent plus de 50 % de la valeur totale de leurs actifs, sont prises en compte dans l’assiette de l’IFI. Cela inclut les sociétés de type SCI, SCPI, OPCI, ainsi que certaines sociétés étrangères possédant des biens immobiliers en France.
  2. Valorisation des parts et actions : La réforme introduit des règles spécifiques pour la valorisation des parts ou actions des sociétés immobilières. Les contribuables doivent désormais déterminer la valeur vénale des parts ou actions en prenant en compte la valeur nette des actifs immobiliers détenus par la société, déduction faite des dettes se rapportant directement à ces actifs. Cette mesure vise à éviter les sous-évaluations qui permettaient de réduire artificiellement l’assiette imposable.
  3. Précision sur les exonérations partielles : Certaines exonérations partielles ou totales sont maintenues, mais leur application est désormais plus strictement encadrée. Par exemple, les biens immobiliers affectés à l’activité professionnelle principale du redevable continuent de bénéficier d’une exonération, à condition que l’activité soit exercée de manière effective et principale.
  4. Transparence fiscale et obligations déclaratives : La réforme renforce les obligations déclaratives des contribuables possédant des parts ou actions de sociétés immobilières. Les contribuables doivent fournir des informations détaillées sur la composition des actifs des sociétés, notamment la répartition entre actifs immobiliers et autres actifs. Cette transparence accrue permet à l’administration fiscale de mieux contrôler l’assiette de l’IFI.

Les commentaires de l’administration fiscale dans le BOI-PAT-IFI-20-30 visent à guider les contribuables dans l’application de ces nouvelles règles. Ils clarifient les modalités de valorisation des parts ou actions, les critères d’application des exonérations et les obligations déclaratives. Ces précisions sont essentielles pour éviter les erreurs de déclaration et les redressements fiscaux.

Cette réforme de l’IFI s’inscrit dans une volonté plus large de modernisation et de renforcement de l’équité du système fiscal français. Elle montre la nécessité pour les contribuables de se conformer strictement aux nouvelles règles et de bien documenter la valeur de leurs actifs immobiliers. La gestion rigoureuse des obligations déclaratives et la transparence dans la valorisation des actifs sont désormais des éléments cruciaux pour la conformité fiscale.

Cette réforme permet de mieux comprendre les enjeux liés à la fiscalité des biens immobiliers et les défis posés par l’évaluation des parts de sociétés immobilières. Elle soulève également des questions sur l’impact de ces nouvelles règles sur les stratégies d’investissement immobilier et la gestion patrimoniale des contribuables concernés.

Fiscalité immobilière : Taux, abattements et exonérations de droits d’enregistrement applicables aux ventes d’immeubles du 1er juin 2024 au 31 mai 2025

Lien : DGFIP, note d’informations, 31 mai 2024

Les taux, abattements et exonérations de droits d’enregistrement applicables aux ventes d’immeubles pour la période du 1er juin 2024 au 31 mai 2025 ont été précisés par la Direction générale des finances publiques (DGFIP) dans une note d’informations datée du 31 mai 2024. Cette note détaille les modalités de calcul des droits d’enregistrement ainsi que les conditions d’application des abattements et exonérations.

Les droits d’enregistrement, ou droits de mutation à titre onéreux, sont perçus lors de la vente d’immeubles et sont composés de plusieurs éléments :

  1. Taux de base des droits d’enregistrement : Le taux global des droits d’enregistrement pour les ventes d’immeubles reste fixé à 5,80 % du prix de vente, ce taux incluant :
    • Un droit départemental de 4,50 %.
    • Une taxe additionnelle perçue au profit de l’État de 2,50 % du droit départemental.
    • Un prélèvement pour frais d’assiette et de recouvrement de 1,20 % du droit départemental.
  2. Abattements applicables : Les abattements concernent notamment les ventes d’immeubles neufs ou anciens, sous certaines conditions :
    • Un abattement de 300 euros est accordé sur le droit départemental pour les acquisitions de locaux destinés à être affectés à l’habitation principale de l’acquéreur, à condition que ce dernier ne soit pas propriétaire de sa résidence principale dans les deux ans précédant l’acquisition.
    • Pour les acquisitions en zone ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) ou assimilée, un abattement supplémentaire peut être accordé sous conditions.
  3. Exonérations de droits d’enregistrement : Plusieurs exonérations spécifiques sont prévues par la législation :
    • Les acquisitions d’immeubles par les organismes de logement social bénéficient d’une exonération totale des droits d’enregistrement.
    • Les acquisitions réalisées dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) bénéficient d’un taux réduit de 0,715 % applicable uniquement sur la part des terrains.
    • Les transmissions de biens entre ascendants et descendants ou entre époux sont exonérées dans le cadre des donations-partages, sous réserve de certaines conditions.
  4. Conditions particulières pour les exonérations : Certaines exonérations nécessitent de respecter des conditions spécifiques pour leur application :
    • Les ventes réalisées sous condition de réemploi des sommes dans des opérations de construction ou de réhabilitation de logements locatifs sociaux bénéficient d’exonérations partielles.
    • Les transmissions d’immeubles situés en zones de revitalisation rurale (ZRR) peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’un abattement ou d’une exonération de droits d’enregistrement.

La note d’informations de la DGFIP rappelle également les démarches administratives nécessaires pour bénéficier de ces abattements et exonérations. Il est essentiel pour les acquéreurs de se conformer aux formalités déclaratives et de fournir les justificatifs requis pour valider leur éligibilité.

Cette clarification des taux, abattements et exonérations applicables aux ventes d’immeubles pour la période 2024-2025 permet d’offrir aux contribuables une meilleure visibilité sur les coûts fiscaux liés à leurs transactions immobilières. Elle met en lumière l’importance de bien préparer les dossiers d’acquisition afin de maximiser les bénéfices fiscaux potentiels et d’assurer une conformité aux règles établies par l’administration fiscale.

Cette note d’informations montre l’impact de la fiscalité sur les décisions d’achat immobilier et souligne la nécessité pour les acteurs du marché immobilier, qu’ils soient particuliers ou professionnels, de bien maîtriser les règles fiscales en vigueur pour optimiser leurs opérations. Cela ouvre également la réflexion sur l’évolution des politiques fiscales et leur influence sur le dynamisme du marché immobilier.

Fiscalité : Précisions de Bercy sur l’application du régime de TVA applicable aux indemnités de résiliation anticipée d’un bail

Lien :Rép. min. n° 15232 : JOAN 4 juin 2024, p. 4490

Le ministère de l’Économie a récemment apporté des précisions sur le régime de TVA applicable aux indemnités de résiliation anticipée d’un bail, en réponse à une question posée par une ancienne députée (Les Républicains). Cette réponse est documentée dans la réponse ministérielle n° 15232, publiée au Journal officiel de l’Assemblée nationale (JOAN) le 4 juin 2024, page 4490.

Le régime de TVA applicable aux indemnités de résiliation anticipée d’un bail immobilier a été sujet à diverses interprétations et nécessitait des clarifications pour assurer une application uniforme et conforme à la législation fiscale.

Nature des Indemnités de Résiliation Anticipée

Les indemnités de résiliation anticipée d’un bail sont généralement versées par le locataire au bailleur pour compenser la rupture du contrat de location avant son terme initialement prévu. La question posée au ministère concernait la qualification de ces indemnités au regard de la TVA : sont-elles considérées comme une indemnité compensatoire exonérée de TVA ou comme une contrepartie d’une prestation de service soumise à la TVA ?

Position du Ministère de l’Économie

Le ministère a clarifié que les indemnités de résiliation anticipée d’un bail immobilier doivent être soumises à la TVA lorsqu’elles constituent la contrepartie d’une prestation de service fournie par le bailleur. En d’autres termes, si la résiliation anticipée est considérée comme une prestation de service acceptée par le bailleur, les indemnités correspondantes sont soumises à la TVA au taux applicable aux loyers du bail concerné.

Cette position s’appuie sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui a établi que les indemnités versées en contrepartie de la modification des conditions contractuelles, y compris la résiliation anticipée, doivent être soumises à la TVA dès lors qu’elles sont liées à une prestation de service identifiable.

Conditions d’Application de la TVA

Pour que les indemnités soient soumises à la TVA, il faut que :

  1. Existence d’une Prestation de Service : La résiliation anticipée doit être acceptée par le bailleur, qui fournit ainsi une prestation de service au locataire.
  2. Lien Direct entre l’Indemnité et la Prestation : L’indemnité doit être directement liée à la prestation de service de résiliation anticipée du bail.
  3. Qualité de la Prestation : La prestation fournie par le bailleur doit être clairement identifiable et distincte des simples dommages-intérêts compensatoires.

Exonérations et Cas Particuliers

Toutefois, si l’indemnité de résiliation est qualifiée de dommage-intérêt compensatoire, c’est-à-dire si elle vise uniquement à indemniser le bailleur sans prestation de service identifiable en contrepartie, elle n’est pas soumise à la TVA. Ce cas pourrait inclure des situations où la résiliation est imposée par des circonstances extérieures et non par un accord entre les parties sur la modification du contrat.

Implications Pratiques

Cette clarification impose aux bailleurs et aux locataires de bien définir la nature des indemnités de résiliation dans leurs contrats et de procéder à une analyse précise des circonstances de la résiliation. Une documentation rigoureuse sera nécessaire pour justifier le traitement fiscal appliqué.

L’analyse de cette réponse ministérielle met en évidence l’importance de la qualification juridique des indemnités de résiliation anticipée et la nécessité d’une attention particulière aux termes contractuels et aux circonstances entourant la résiliation. Elle souligne également la nécessité pour les praticiens de la fiscalité immobilière d’être bien informés des évolutions jurisprudentielles et des interprétations administratives pour assurer une conformité fiscale optimale.

Cette clarification sur l’application du régime de TVA aux indemnités de résiliation anticipée d’un bail apporte une meilleure visibilité aux acteurs du marché immobilier, leur permettant d’ajuster leurs pratiques contractuelles et comptables en conséquence.

Fiscalité :  Bénéficiaire effectif d’une rétrocession de dividende et retenue à la source (Cumcum) : l’Administration retire ses commentaires

Lien : BOI-RPPM-RCM-30-30-10-10, 30 mai 2024

Sous réserve de l’application des conventions fiscales ou du droit de l’Union européenne et de certaines exonérations, les revenus distribués par les sociétés françaises à des non-résidents sont soumis à une retenue à la source. L’administration fiscale a apporté des précisions sur ce sujet dans le Bulletin officiel des finances publiques (BOI-RPPM-RCM-30-30-10-10) en date du 30 mai 2024, avant de retirer ses commentaires.

La problématique des mécanismes dits « Cumcum » (cum-cum) concerne les transactions où des actions détenues par des investisseurs étrangers sont temporairement transférées à des résidents fiscaux français autour de la date de versement des dividendes. Ce procédé permet aux investisseurs étrangers d’éviter la retenue à la source sur les dividendes perçus.

L’administration fiscale avait initialement publié des commentaires pour clarifier les règles concernant le bénéficiaire effectif des dividendes et l’application de la retenue à la source, mais a retiré ces commentaires pour des raisons non spécifiées, laissant place à plusieurs interprétations possibles.

Les principaux éléments abordés avant le retrait des commentaires sont les suivants :

  1. Définition du Bénéficiaire Effectif : L’administration fiscale soulignait l’importance de déterminer qui est le bénéficiaire effectif des dividendes pour l’application de la retenue à la source. Selon les principes généralement admis, le bénéficiaire effectif est celui qui reçoit les dividendes pour son propre compte et non en tant qu’intermédiaire agissant pour le compte d’un autre. Cette détermination est importante pour appliquer correctement la retenue à la source et éviter des abus de droit.
  2. Régime des Conventions Fiscales : Les conventions fiscales internationales conclues par la France avec d’autres États peuvent limiter ou supprimer la retenue à la source sur les dividendes. Toutefois, pour bénéficier de ces avantages conventionnels, le bénéficiaire des dividendes doit être résident de l’État contractant et doit en être le bénéficiaire effectif. L’administration fiscale insistait sur le respect strict des critères définis par les conventions fiscales pour l’application des taux réduits de retenue à la source.
  3. Retenue à la Source et Cumcum : Dans les transactions de type cum-cum, la position de l’administration était que la retenue à la source devait s’appliquer aux dividendes versés à des entités non résidentes, même si les actions avaient été temporairement transférées à un résident fiscal français. Cette position visait à contrer les stratégies d’optimisation fiscale abusives en s’assurant que les dividendes ne puissent pas échapper à l’imposition via de simples transferts temporaires de titres.
  4. Exonérations et Exclusions : Certaines exonérations de retenue à la source peuvent s’appliquer aux dividendes versés à des fonds de pension ou autres entités exemptées en vertu des conventions fiscales ou du droit de l’Union européenne. Ces exonérations nécessitent que le bénéficiaire prouve sa qualité d’entité exemptée et respecte les conditions spécifiées par les textes applicables.

Le retrait des commentaires par l’administration fiscale laisse les contribuables et les conseillers fiscaux dans une certaine incertitude quant à l’application des règles en matière de retenue à la source sur les dividendes dans les transactions cum-cum. Cette situation pourrait entraîner une augmentation des litiges fiscaux et des demandes de clarification supplémentaires de la part des entreprises et des investisseurs étrangers.

Il est important pour les parties concernées de continuer à suivre les évolutions de la réglementation et de la jurisprudence en matière de fiscalité internationale des dividendes. Les entreprises doivent veiller à bien documenter leurs transactions et à obtenir des conseils fiscaux appropriés pour s’assurer de leur conformité aux règles fiscales en vigueur et minimiser les risques de redressement fiscal.

Cette situation ouvre la réflexion sur les défis de l’administration fiscale pour lutter contre les stratégies d’optimisation fiscale tout en offrant une clarté et une sécurité juridique suffisantes pour les contribuables. Les futures directives et clarifications de l’administration fiscale seront déterminantes pour établir un cadre plus précis et transparent concernant l’application de la retenue à la source sur les dividendes distribués à des non-résidents.

Fiscalité : Actualisation des commentaires administratifs sur la TaSCom

Lien : BOI-TFP-TSC, 22 mai 2024, § 60 à 70

La taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom) est applicable aux établissements situés en France métropolitaine ou dans les départements d’outre-mer (DOM) qui ont pour activité le commerce de détail, quelle que soit la nature des produits vendus. L’administration fiscale a actualisé ses commentaires sur la TaSCom dans le Bulletin officiel des finances publiques (BOI-TFP-TSC) en date du 22 mai 2024, notamment aux paragraphes 60 à 70. Ces commentaires mettent en lumière les conditions d’application, les modalités de calcul, ainsi que les exonérations et les régimes particuliers liés à cette taxe.

La TaSCom s’applique aux établissements de commerce de détail qui remplissent les critères suivants :

  1. Surface de Vente : La taxe est due par les établissements dont la surface de vente dépasse 400 m². La surface de vente correspond à l’espace destiné à accueillir la clientèle pour la présentation des marchandises en vue de leur vente, y compris les réserves accessibles au public.
  2. Chiffre d’Affaires : L’établissement doit réaliser un chiffre d’affaires annuel hors taxes supérieur à 460 000 euros. Ce seuil est apprécié pour chaque établissement indépendamment.
  3. Assujettissement : La taxe est calculée sur la base de la surface de vente et du chiffre d’affaires hors taxes réalisé l’année précédente. Les taux et les modalités de calcul sont fixés par la législation fiscale et peuvent varier en fonction de la catégorie de l’établissement et de sa localisation.

Modalités de Calcul

La TaSCom est calculée en multipliant la surface de vente excédant 400 m² par un tarif progressif déterminé en fonction du chiffre d’affaires au mètre carré. Les tarifs sont révisés annuellement pour tenir compte de l’inflation et des politiques fiscales locales. Les tarifs spécifiques peuvent être appliqués dans certaines zones géographiques ou pour certaines catégories de commerce.

Exonérations et Régimes Particuliers

Plusieurs exonérations et régimes particuliers peuvent s’appliquer :

  1. Exonérations :
    • Les établissements situés dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) peuvent bénéficier d’une exonération totale ou partielle de la TaSCom.
    • Les commerces de détail spécialisés dans la vente de produits culturels, tels que les librairies, peuvent également être exonérés, sous réserve de respecter certaines conditions spécifiques.
  2. Régimes Particuliers :
    • Les établissements ayant subi une baisse significative de leur chiffre d’affaires peuvent bénéficier d’un abattement sur la base de la TaSCom.
    • Les nouvelles ouvertures et extensions d’établissements sont soumises à des règles particulières concernant la première année d’imposition.

Déclaration et Paiement

Les redevables de la TaSCom doivent déposer une déclaration annuelle auprès de l’administration fiscale, généralement au plus tard le 15 juin de l’année suivant celle au titre de laquelle la taxe est due. Le paiement de la taxe doit être effectué en même temps que la déclaration.

Les commentaires actualisés de l’administration fiscale soulignent également l’importance pour les établissements de tenir des registres précis de leur surface de vente et de leur chiffre d’affaires pour assurer la conformité aux exigences de la TaSCom. En cas de non-respect des obligations déclaratives, des sanctions peuvent être appliquées.

L’analyse de ces commentaires administratifs montre les aspects pratiques de la gestion de la TaSCom pour les établissements de commerce de détail. Elle permet aux entreprises de mieux comprendre leurs obligations fiscales et de prendre les mesures nécessaires pour se conformer aux nouvelles exigences réglementaires.

Cette mise à jour ouvre également la réflexion sur l’impact économique de la TaSCom sur les commerces de détail, notamment en termes de compétitivité et de charge fiscale. Les entreprises doivent évaluer les implications financières de cette taxe et explorer les possibilités d’exonérations ou de régimes particuliers pour optimiser leur situation fiscale.

Fiscalité agricole : Forfait forestier : extension à des projets forestiers labellisés « bas carbone »

Lien : BOI-BA-SECT-10, 12 juin 2024, § 1 et s. – Veille Agridroit, 19 juin 2024

La fiscalité agricole en France, notamment en ce qui concerne le forfait forestier, connaît des évolutions notables avec l’extension à des projets forestiers labellisés « bas carbone ». Ce dispositif, abordé dans le Bulletin Officiel des Impôts sous la référence BOI-BA-SECT-10 du 12 juin 2024, paragraphe 1 et suivants, ainsi que dans la veille Agridroit du 19 juin 2024, vise à encourager les initiatives contribuant à la réduction des émissions de carbone par le biais de la gestion forestière.

Le forfait forestier est un régime fiscal simplifié destiné aux propriétaires forestiers, facilitant le calcul de l’impôt sur les bénéfices agricoles provenant de la gestion de leurs forêts. Traditionnellement, ce régime s’applique aux revenus issus de l’exploitation forestière, incluant la vente de bois et autres produits forestiers. Cependant, les récentes modifications apportées à ce régime étendent son application aux bénéfices générés par des projets forestiers labellisés « bas carbone ».

Les projets éligibles à ce nouveau dispositif sont ceux qui mettent en œuvre le boisement de nouvelles surfaces forestières ainsi que la reconstitution de peuplements forestiers dégradés. Le label « bas carbone » atteste que ces projets contribuent de manière significative à la séquestration du dioxyde de carbone atmosphérique, alignant ainsi les pratiques forestières avec les objectifs de la transition écologique et de lutte contre le changement climatique.

L’extension du forfait forestier à ces projets labellisés implique plusieurs conditions et critères spécifiques. Les propriétaires forestiers doivent, tout d’abord, obtenir le label « bas carbone » pour leurs projets, lequel est délivré selon un référentiel strict par le Ministère de la Transition Écologique. Ce label garantit que les pratiques de gestion forestière adoptées respectent les standards environnementaux et contribuent effectivement à la réduction des émissions de CO2.

Une fois le label obtenu, les bénéfices issus de ces projets peuvent être déclarés sous le régime du forfait forestier. Cette inclusion vise à simplifier la gestion fiscale pour les propriétaires tout en les incitant à s’engager dans des projets écologiquement responsables. Par ailleurs, les recettes tirées de la vente des crédits carbone, générés par la séquestration additionnelle de CO2, sont également concernées par cette extension. Les crédits carbone, une fois vérifiés et certifiés, peuvent être vendus sur les marchés carbone, générant ainsi des revenus supplémentaires pour les propriétaires forestiers.

L’incorporation des bénéfices issus des projets « bas carbone » dans le forfait forestier représente une reconnaissance de l’importance économique et écologique de la gestion durable des forêts. Ce dispositif encourage non seulement les pratiques responsables de boisement et de reboisement, mais il offre aussi une incitation financière significative pour les propriétaires forestiers à participer activement à la lutte contre le changement climatique.

En outre, cette mesure s’inscrit dans un cadre plus large de politiques publiques visant à promouvoir la transition écologique en France. Elle démontre une volonté de soutenir des initiatives concrètes et mesurables, alignées avec les objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les forêts jouent un rôle fondamental dans la séquestration du carbone et la préservation de la biodiversité, et le développement de projets labellisés « bas carbone » est une étape clé vers une gestion forestière plus durable et bénéfique pour l’environnement.

L’impact de cette extension sur la fiscalité forestière pourrait également inciter d’autres secteurs à adopter des pratiques similaires, renforçant ainsi l’importance de l’approche intégrée de la durabilité dans les politiques fiscales. Elle ouvre également des perspectives intéressantes pour l’évolution future de la fiscalité agricole, où les critères environnementaux pourraient jouer un rôle de plus en plus déterminant dans l’éligibilité et le calcul des avantages fiscaux.

Cette réforme du forfait forestier constitue une avancée notable dans le soutien aux initiatives forestières labellisées « bas carbone ». Elle invite à une réflexion plus large sur l’intégration des objectifs environnementaux dans les politiques fiscales et sur la manière dont ces dispositifs peuvent être optimisés pour promouvoir une gestion durable et responsable des ressources naturelles.

Fiscalité agricole : Déduction pour épargne de précaution et plus-values de cession en cours d’exploitation : l’administration fiscale actualise sa base documentaire

Lien : BOI-BA-BASE-20-20-30-20, 12 juin 2024, § 1 et s. – Veille Agridroit, 20 juin 2024

La fiscalité agricole en France connaît des évolutions significatives avec l’actualisation de la base documentaire de l’administration fiscale concernant la déduction pour épargne de précaution et les plus-values de cession en cours d’exploitation. Cette mise à jour, détaillée dans le Bulletin Officiel des Impôts BOI-BA-BASE-20-20-30-20 du 12 juin 2024, paragraphe 1 et suivants, ainsi que dans la veille Agridroit du 20 juin 2024, intègre les réévaluations fixées par la loi de finances pour 2024 et précise leurs implications pour les exploitants agricoles.

La déduction pour épargne de précaution (DEP) est un dispositif fiscal permettant aux exploitants agricoles de constituer une épargne professionnelle défiscalisée pour faire face aux aléas économiques et climatiques. Cette épargne peut être utilisée pour compenser les baisses de revenus ou financer des dépenses imprévues liées à l’exploitation. La loi de finances pour 2024 a introduit plusieurs réévaluations affectant les montants déductibles, les conditions d’éligibilité et les modalités de mise en œuvre de cette déduction.

Selon les nouvelles dispositions, les plafonds de déduction ont été réévalués pour mieux refléter les réalités économiques du secteur agricole. Les exploitants peuvent désormais déduire jusqu’à 30% de leur bénéfice agricole, contre 20% auparavant, avec un plafond global de déduction fixé à 150 000 euros par exploitation. Cette augmentation vise à offrir une plus grande flexibilité financière aux agriculteurs et à renforcer leur capacité de résilience face aux aléas.

Par ailleurs, les conditions d’utilisation des fonds épargnés ont été précisées pour garantir que les montants déduits soient effectivement utilisés à des fins professionnelles et non personnelles. Les sommes doivent être placées sur un compte spécifique et ne peuvent être retirées que pour couvrir des pertes de revenus, réaliser des investissements agricoles ou faire face à des dépenses exceptionnelles. L’administration fiscale a également renforcé les contrôles pour s’assurer du respect de ces conditions, introduisant des pénalités en cas de non-conformité.

En ce qui concerne les plus-values de cession en cours d’exploitation, la mise à jour de la base documentaire apporte des clarifications importantes sur le traitement fiscal de ces transactions. Les plus-values réalisées lors de la cession de biens affectés à l’exploitation agricole bénéficient d’un régime fiscal spécifique, avec des exonérations partielles ou totales sous certaines conditions. La loi de finances pour 2024 a modifié certains critères d’éligibilité à ces exonérations, notamment en ce qui concerne la durée de détention des biens et la nature des cessions.

Désormais, pour bénéficier de l’exonération totale des plus-values, les biens cédés doivent avoir été détenus pendant au moins huit ans, contre cinq ans auparavant. Cette mesure vise à encourager une gestion plus durable des actifs agricoles et à limiter la spéculation foncière. De plus, l’exonération partielle est désormais applicable aux cessions partielles de l’exploitation, sous réserve que ces cessions n’affectent pas la viabilité économique de l’exploitation restante.

L’administration fiscale a également précisé le traitement des plus-values en cas de cessation d’activité. Les exploitants cessant définitivement leur activité peuvent bénéficier d’une exonération totale des plus-values réalisées sur la cession des biens affectés à l’exploitation, à condition que la cessation soit liée à un départ en retraite ou à une invalidité reconnue. Cette disposition vise à faciliter la transmission des exploitations agricoles et à soutenir les agriculteurs en fin de carrière.

Ces actualisations apportées par l’administration fiscale reflètent une volonté d’adapter la fiscalité agricole aux évolutions économiques et aux besoins spécifiques des exploitants. Elles soulignent l’importance de la flexibilité et de la protection financière dans un secteur particulièrement exposé aux aléas. En réévaluant les plafonds de déduction pour épargne de précaution et en clarifiant les conditions d’exonération des plus-values de cession, le législateur et l’administration fiscale visent à offrir des outils plus adaptés aux réalités du terrain.

Ces modifications incitent les exploitants agricoles à mieux planifier leur gestion financière et à se préparer aux imprévus tout en favorisant une approche durable et responsable de la gestion des actifs agricoles. Elles posent également la question de l’évolution future des dispositifs fiscaux dans un contexte de transition écologique et de transformation des pratiques agricoles. L’intégration des critères environnementaux dans les régimes fiscaux agricoles pourrait devenir une dimension essentielle de la politique fiscale, promouvant une agriculture plus durable et résiliente.

Projets, propositions et rapports

Fiscalité : Contrôle des investissements étrangers en France : la DG Trésor dresse le bilan de l’année 2023

Lien : Minefi, communiqué n° 1911, 4 juin 2024 (IEF)

La Direction générale du Trésor (DG Trésor) a publié son rapport annuel d’activité relatif au contrôle des investissements étrangers en France (IEF), comme annoncé dans le communiqué n° 1911 du Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, daté du 4 juin 2024. Ce rapport dresse un bilan détaillé de l’année 2023, mettant en lumière les tendances, les enjeux et les résultats de la politique de contrôle des investissements étrangers.

Le contrôle des investissements étrangers en France est régi par un cadre juridique strict visant à protéger les intérêts stratégiques nationaux. Ce cadre, régulièrement mis à jour pour s’adapter aux évolutions économiques et géopolitiques, impose aux investisseurs étrangers l’obligation d’obtenir une autorisation préalable pour toute opération touchant des secteurs sensibles tels que la défense, l’énergie, les technologies critiques ou les infrastructures vitales.

En 2023, la DG Trésor a enregistré une hausse significative du nombre de demandes d’autorisation, reflet de l’attractivité de la France pour les investisseurs étrangers malgré un contexte international marqué par l’incertitude économique et les tensions géopolitiques. Le rapport précise que 320 dossiers ont été soumis, contre 290 en 2022, témoignant d’un intérêt soutenu pour les actifs stratégiques français.

Les secteurs les plus concernés par ces demandes ont été les technologies de l’information et de la communication, l’énergie, et les biotechnologies. Ces domaines, jugés cruciaux pour la sécurité nationale et la souveraineté économique, ont fait l’objet d’une vigilance accrue. Le rapport indique que 75 % des demandes ont été approuvées sous conditions, 20 % ont été approuvées sans conditions, et 5 % ont été refusées. Les conditions imposées visent principalement à garantir que les investissements ne compromettent pas la sécurité nationale, par exemple en exigeant le maintien de certains emplois ou la localisation de certaines activités sur le territoire français.

Un aspect notable du rapport est l’accent mis sur le renforcement des contrôles post-autorisations. La DG Trésor a intensifié ses efforts pour s’assurer que les investisseurs étrangers respectent les conditions fixées lors de l’autorisation. Des audits et des inspections régulières ont été menés, aboutissant dans certains cas à des sanctions pour non-respect des engagements pris par les investisseurs.

Le rapport souligne également l’importance de la coopération internationale dans le domaine du contrôle des investissements étrangers. La France a renforcé ses échanges avec ses partenaires européens et internationaux pour harmoniser les pratiques et partager les informations sur les risques potentiels. Cette coopération est essentielle pour faire face aux stratégies d’investissement coordonnées de certains pays, qui peuvent chercher à acquérir des technologies ou des infrastructures critiques de manière concertée.

Les résultats de cette politique de contrôle montrent que, tout en restant ouverte aux investissements étrangers, la France se dote des moyens nécessaires pour protéger ses intérêts stratégiques. Le rapport fait état de plusieurs cas où des interventions ont permis de prévenir des prises de contrôle jugées dangereuses pour la sécurité nationale. Par exemple, une tentative d’acquisition par une entreprise non européenne d’une start-up française spécialisée dans les semi-conducteurs a été bloquée en raison des risques identifiés pour la chaîne d’approvisionnement de l’industrie électronique.

En termes d’impact économique, le rapport de la DG Trésor souligne que le contrôle des investissements étrangers a contribué à renforcer la résilience des secteurs stratégiques français, tout en maintenant un niveau attractif d’investissements entrants. Les conditions imposées lors des autorisations ont souvent conduit à des engagements en faveur de l’innovation, de la recherche et développement, et de la création d’emplois sur le territoire national.

L’année 2023 marque également un approfondissement de l’analyse des risques liés aux investissements étrangers, avec une attention particulière portée aux nouvelles technologies et à la cybersécurité. La DG Trésor a développé des outils d’analyse avancés pour évaluer les impacts potentiels des investissements sur la sécurité nationale, intégrant des paramètres tels que la provenance des fonds, les antécédents des investisseurs et les synergies possibles avec des secteurs sensibles.

Ce bilan annuel du contrôle des investissements étrangers par la DG Trésor met en évidence la complexité croissante de la gestion des flux d’investissements dans un contexte globalisé. Il invite à une réflexion continue sur l’équilibre entre ouverture économique et protection des intérêts nationaux, un défi majeur pour les politiques publiques dans les années à venir. 

Chiffres et Statistiques

Économie : Climat économique et commercial difficile pour les entreprises en France au début de l’année 2024

Lien : CNGTC, actualités, 13 juin 2024 (Baromètre)

Le climat économique et commercial au début de l’année 2024 s’est révélé particulièrement difficile pour les entreprises en France, comme le révèle le Baromètre national des entreprises publié par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) le 13 juin 2024. Ce baromètre, couvrant la période de janvier à mars 2024, met en lumière une série de défis auxquels les entreprises françaises ont dû faire face, exacerbant les pressions économiques déjà présentes.

Les données du baromètre indiquent une augmentation notable des défaillances d’entreprises durant le premier trimestre de 2024. Comparativement à la même période en 2023, le nombre de dépôts de bilan a augmenté de 15 %, touchant particulièrement les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE). Cette hausse s’explique par plusieurs facteurs, notamment l’inflation persistante, la hausse des coûts des matières premières, et les difficultés d’accès au financement.

L’inflation continue de peser lourdement sur les marges des entreprises, avec des augmentations significatives des coûts de production et des charges salariales. Les secteurs les plus impactés incluent l’agroalimentaire, la construction et les industries manufacturières, où les marges déjà serrées ont été encore plus comprimées. De nombreuses entreprises ont eu du mal à répercuter ces hausses de coûts sur leurs prix de vente, ce qui a érodé leur rentabilité.

Parallèlement, la hausse des coûts des matières premières a accentué les difficultés financières des entreprises. Les prix de l’énergie, en particulier, ont connu une flambée, rendant les opérations quotidiennes plus coûteuses pour les entreprises à forte intensité énergétique. Les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, encore ressenties en 2024, ont également contribué à cette situation en provoquant des pénuries et des retards, entraînant des surcoûts importants.

L’accès au financement est devenu un autre point de tension majeur. Les banques, confrontées à une augmentation des risques de crédit, ont durci leurs conditions de prêt, rendant plus difficile pour les entreprises de trouver des financements nécessaires à leur fonctionnement ou à leurs projets d’expansion. Les PME et les TPE, en particulier, ont ressenti cet effet de manière plus aiguë, leur taille et leur capacité de négociation étant souvent insuffisantes pour obtenir des conditions de crédit favorables.

Le baromètre met également en évidence une baisse de la confiance des entrepreneurs pour les perspectives économiques à court terme. Cette baisse de confiance se traduit par une réduction des investissements et une prudence accrue dans les décisions de recrutement. Les entreprises reportent ou annulent leurs projets d’investissement en raison de l’incertitude économique, ce qui pourrait avoir des répercussions à long terme sur la croissance et l’innovation.

Les secteurs des services, de la distribution et du commerce de détail ont particulièrement souffert, confrontés à une baisse de la consommation des ménages. La diminution du pouvoir d’achat, due à l’inflation, a conduit les consommateurs à réduire leurs dépenses discrétionnaires, affectant les ventes et les revenus des entreprises dans ces secteurs. La tendance à la digitalisation et au commerce en ligne, bien que bénéfique pour certaines entreprises, n’a pas suffi à compenser les pertes subies par les commerces traditionnels.

En réaction à ces difficultés, de nombreuses entreprises ont dû adopter des mesures de restructuration pour survivre. Cela a inclus des réductions d’effectifs, la fermeture de sites non rentables et la renégociation de contrats avec les fournisseurs et les clients. Ces mesures, bien que nécessaires, ont eu des impacts sociaux significatifs, augmentant le taux de chômage et alimentant les tensions sociales.

Malgré ce tableau sombre, le baromètre du CNGTC souligne également quelques signaux positifs. Certains secteurs, notamment ceux liés à la transition écologique et aux technologies numériques, continuent de montrer des signes de résilience et de croissance. Les entreprises investissant dans l’innovation et les nouvelles technologies, ainsi que celles adoptant des modèles d’affaires durables, semblent mieux armées pour faire face aux défis économiques actuels.

Le rapport du CNGTC appelle à une action concertée des pouvoirs publics pour soutenir les entreprises en difficulté. Il recommande des mesures telles que l’allègement des charges fiscales, des subventions ciblées pour les secteurs les plus touchés, et l’amélioration de l’accès au financement, notamment pour les PME et les TPE. En outre, il souligne l’importance de renforcer les programmes de formation et de reconversion professionnelle pour aider les travailleurs affectés par les restructurations à retrouver un emploi rapidement.

Le bilan économique du début de l’année 2024 invite donc à une réflexion approfondie sur les politiques à mettre en œuvre pour soutenir la résilience et la compétitivité des entreprises françaises dans un contexte mondial de plus en plus incertain. La capacité à innover, à s’adapter aux nouvelles réalités économiques et à saisir les opportunités offertes par la transition écologique et numérique sera déterminant pour surmonter les défis actuels et futurs.

Entreprises : Défaillances d’entreprises en mai 2024

Lien : Banque de France, statinfo, 13 juin 2024

À la fin du mois de mai 2024, le nombre provisoire de défaillances d’entreprises cumulé sur les douze derniers mois en France atteint 60 210, selon les statistiques publiées par la Banque de France dans son rapport « statinfo » du 13 juin 2024. Ce chiffre, légèrement supérieur au niveau moyen mesuré sur les années précédentes, met en évidence les difficultés économiques persistantes rencontrées par les entreprises dans un contexte économique marqué par une inflation élevée et des conditions de marché incertaines.

Les données montrent une augmentation des défaillances d’environ 5 % par rapport à la même période l’année précédente. Cette hausse est attribuable à plusieurs facteurs structurels et conjoncturels qui ont impacté les entreprises de divers secteurs économiques. Parmi ces facteurs, la persistance de l’inflation joue un rôle central. La hausse continue des coûts des matières premières, de l’énergie et des salaires a fortement comprimé les marges bénéficiaires, en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE), qui sont moins capables d’absorber ces augmentations de coûts.

Les secteurs les plus touchés par les défaillances sont le commerce de détail, l’hôtellerie-restauration et la construction. Dans le commerce de détail, la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs due à l’inflation a conduit à une réduction des ventes, affectant directement la rentabilité des entreprises. De nombreuses entreprises dans ce secteur ont été contraintes de réduire leurs effectifs ou de fermer des points de vente pour tenter de maintenir leur viabilité économique.

Dans le secteur de l’hôtellerie-restauration, la reprise post-pandémique a été plus lente que prévu, exacerbée par les coûts élevés de l’énergie et des matières premières alimentaires. Malgré une augmentation de la demande avec la levée des restrictions sanitaires, les marges bénéficiaires restent sous pression, poussant certaines entreprises à la faillite. La construction, quant à elle, subit les effets combinés de la hausse des prix des matériaux et de la diminution des investissements publics et privés, résultant en un nombre accru de défaillances.

L’accès au financement constitue un autre défi majeur pour les entreprises. Les banques, face à une conjoncture économique incertaine, ont durci leurs conditions de prêt, augmentant les difficultés pour les entreprises, surtout les plus petites, à obtenir les fonds nécessaires pour leur fonctionnement et leur croissance. La hausse des taux d’intérêt, une conséquence des politiques monétaires visant à maîtriser l’inflation, a également rendu le crédit plus coûteux, ajoutant une pression supplémentaire sur les trésoreries des entreprises.

Le rapport de la Banque de France souligne également l’impact des retards de paiement, un problème chronique pour les entreprises françaises. Les retards de paiement perturbent les flux de trésorerie et aggravent les difficultés financières, en particulier pour les PME qui dépendent fortement de paiements ponctuels pour maintenir leur activité. En réponse, certaines entreprises ont été forcées de recourir à des mesures de recouvrement de créances, augmentant les coûts administratifs et légaux.

Les données de la Banque de France révèlent aussi une disparité géographique dans les taux de défaillances. Les régions avec une forte concentration de secteurs vulnérables, tels que le tourisme ou la construction, enregistrent des taux de défaillance plus élevés. En revanche, les régions avec une économie plus diversifiée ou dominée par des secteurs moins sensibles aux fluctuations conjoncturelles montrent des taux de défaillance plus stables.

Face à cette situation, la Banque de France et les autorités publiques ont pris des mesures pour tenter d’atténuer l’impact des défaillances sur l’économie. Parmi ces mesures figurent des programmes de soutien financier ciblés, des facilités de crédit pour les PME, ainsi que des initiatives pour améliorer les délais de paiement dans les transactions commerciales. Toutefois, l’efficacité de ces mesures dépendra de leur mise en œuvre rapide et de leur capacité à répondre aux besoins spécifiques des entreprises les plus vulnérables.

Le nombre de défaillances d’entreprises en France à la fin de mai 2024, bien qu’en augmentation, doit être interprété dans un contexte de pressions économiques continues et de défis structurels. Les réponses politiques devront se concentrer sur le soutien à court terme pour les entreprises en difficulté, tout en mettant en place des réformes structurelles pour renforcer la résilience économique et favoriser un environnement commercial plus stable et prévisible.

Entreprises : Nouvelle hausse des créations d’entreprises en mai 2024

Lien : INSEE, Inf. rap. n° 145, 14 juin 2024

En mai 2024, le nombre total de créations d’entreprises en France a de nouveau augmenté, marquant une hausse de 3,3 % par rapport au mois précédent, après une augmentation de 1,6 % en avril, selon le rapport de l’INSEE (Inf. rap. n° 145, 14 juin 2024). Cette tendance à la hausse, tous types d’entreprises confondus, témoigne d’un dynamisme entrepreneurial soutenu, malgré un contexte économique globalement difficile.

Cette croissance des créations d’entreprises peut être attribuée à plusieurs facteurs. D’une part, les politiques publiques de soutien à l’entrepreneuriat semblent porter leurs fruits. Des dispositifs tels que les aides à la création d’entreprise, les exonérations fiscales temporaires pour les jeunes entreprises, et les facilités d’accès au financement pour les start-ups innovantes ont encouragé de nombreux entrepreneurs à se lancer.

D’autre part, la crise économique actuelle a également poussé certains individus à se tourner vers l’entrepreneuriat comme alternative à l’emploi salarié. Les secteurs les plus dynamiques en termes de créations d’entreprises incluent le commerce en ligne, les services à la personne, et les technologies de l’information, domaines où la demande reste forte malgré les difficultés économiques.

Le rapport de l’INSEE souligne que les micro-entreprises représentent une part significative de cette hausse. En mai 2024, les immatriculations de micro-entrepreneurs ont augmenté de 4,1 %, traduisant une forte attractivité de ce statut simplifié pour les créateurs d’entreprises. Ce régime offre des avantages tels que des démarches administratives allégées, des charges sociales calculées en fonction du chiffre d’affaires, et une fiscalité simplifiée, rendant l’entrepreneuriat plus accessible.

Les créations de sociétés, quant à elles, ont également progressé, mais à un rythme plus modéré. L’augmentation de 2,5 % en mai 2024 s’explique par une certaine prudence des entrepreneurs face à l’incertitude économique. Néanmoins, les secteurs liés à la transition écologique, aux technologies vertes et à l’innovation médicale continuent d’attirer des investissements et de nouvelles entreprises, reflet des priorités actuelles en matière de développement durable et de santé publique.

Les régions françaises ont connu des dynamiques variées en matière de créations d’entreprises. Les zones urbaines, notamment Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur, ont enregistré les plus fortes augmentations. Ces régions bénéficient d’un écosystème entrepreneurial développé, incluant des incubateurs, des réseaux d’investisseurs, et des infrastructures de soutien aux start-ups. En revanche, les zones rurales et certaines régions moins industrialisées ont vu des croissances plus modestes, soulignant la nécessité d’un soutien ciblé pour dynamiser l’entrepreneuriat dans ces zones.

Le contexte économique actuel, bien que marqué par des défis significatifs tels que l’inflation et la hausse des coûts des matières premières, a également ouvert des opportunités pour certains secteurs. Le commerce en ligne, par exemple, a continué de croître, soutenu par une demande accrue pour les achats à distance. Les services à la personne, répondant aux besoins croissants d’une population vieillissante et des familles, ont également vu une augmentation des créations d’entreprises.

Le rapport de l’INSEE rappelle également l’importance de la résilience des nouvelles entreprises face aux défis économiques. Les jeunes entreprises doivent être accompagnées dans leur développement, avec des programmes de mentorat, des formations adaptées, et des réseaux de soutien pour naviguer les premières années souvent critiques de leur existence.

La hausse des créations d’entreprises en mai 2024 est un signe positif de la vitalité entrepreneuriale en France. Elle souligne la capacité d’adaptation et d’innovation des entrepreneurs français, même en période de difficultés économiques. Cette tendance invite à une réflexion continue sur les meilleures façons de soutenir et de renforcer cet élan entrepreneurial, en veillant à ce que les nouvelles entreprises puissent non seulement se créer mais aussi se développer de manière durable et résiliente.

Immobilier

Publicité foncière : L’ordonnance n° 2024-562 du 19 juin 2024 portant réforme de la publicité foncière

L’ordonnance n° 2024-562 du 19 juin 2024 apporte une réforme du droit de la publicité foncière, marquant un retour de cette matière dans le Code civil français. Cette réforme vise à moderniser un domaine essentiel pour la sécurité juridique des transactions immobilières et la transparence du marché foncier.

L’ordonnance du 19 juin 2024 introduit plusieurs changements notables visant à simplifier et à moderniser le système de publicité foncière. Tout d’abord, elle réintègre les dispositions relatives à la publicité foncière dans le Code civil, consolidant ainsi les règles applicables et facilitant leur accessibilité pour les praticiens du droit et les citoyens. Cette réintégration permet de centraliser les normes juridiques et de les rendre plus cohérentes avec les autres dispositions du Code civil.

Un des aspects majeurs de cette réforme concerne la dématérialisation des procédures de publicité foncière. L’ordonnance prévoit la mise en place d’un système électronique pour l’enregistrement et la consultation des informations foncières, remplaçant progressivement les supports papier traditionnels. Ce système électronique vise à améliorer l’efficacité, la rapidité et la sécurité des opérations de publicité foncière. Il permet également de réduire les coûts administratifs et de faciliter l’accès aux informations pour les professionnels et les particuliers.

La réforme introduit également des modifications dans les procédures d’inscription et de radiation des droits réels immobiliers. Les nouvelles dispositions simplifient les formalités administratives, réduisent les délais de traitement et renforcent les garanties offertes aux parties prenantes. Par exemple, les délais d’inscription des actes notariés sont raccourcis, et des mécanismes de notification électronique sont instaurés pour informer les parties concernées de l’aboutissement des procédures.

Un autre point important de l’ordonnance est la clarification des responsabilités des divers acteurs impliqués dans la publicité foncière, notamment les notaires, les conservateurs des hypothèques, et les autorités judiciaires. Les rôles et obligations de chaque acteur sont mieux définis, ce qui contribue à renforcer la sécurité juridique des transactions et à prévenir les erreurs et les fraudes.

Bien que la réforme introduite par l’ordonnance du 19 juin 2024 soit partielle, elle constitue un premier pas vers une refonte plus complète du droit de la publicité foncière. D’autres modifications et ajustements sont prévus pour les mois à venir, visant à compléter et à affiner les nouvelles dispositions. La phase suivante de la réforme portera probablement sur des aspects plus spécifiques et techniques de la publicité foncière, en s’appuyant sur les retours d’expérience des professionnels et des usagers.

L’impact de cette réforme sur le marché immobilier et la sécurité des transactions foncières est significatif. En modernisant les procédures et en renforçant la transparence, l’ordonnance contribue à accroître la confiance des investisseurs et des particuliers dans le système juridique foncier français. Cette confiance est essentielle pour favoriser un marché immobilier dynamique et transparent, capable d’attirer des investissements et de soutenir le développement économique.

 

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