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Les petits potins de l’immobilier – Semaine 38

Le potin de la semaine

L’immobilier et ses mystères : chronique d’un appartement disparu

Parfois, l’expertise immobilière vous réserve des surprises dignes d’un roman noir, où l’on se retrouve face à ce que l’on pourrait appeler « l’appartement fantôme ». La mission semblait pourtant simple : évaluer la valeur d’un studio en rez-de-chaussée, fixer la mise à prix pour la vente, et hop, affaire classée. Mais la réalité sur le terrain se révèle souvent plus mystérieuse qu’il n’y paraît.

Armé de mon dossier, je me rends donc sur place, accompagné de deux témoins, d’un huissier, d’un serrurier et, cerise sur le gâteau, de la force publique. Nous débarquons dans une rue tranquille, en pleine journée, mais marquée par la présence d’un dealer local installé confortablement sur une chaise de bureau à l’angle de la rue. À notre arrivée, il abandonne temporairement son poste, nous gratifiant d’un regard aussi méfiant qu’agacé. Nous continuons notre mission, impassibles. Après tout, l’immobilier ne s’arrête pas pour des détails.

La façade de l’immeuble en question est relativement ordinaire, propre, sans être particulièrement luxueuse. Deux fenêtres se présentent sur rue, l’une à gauche, l’autre à droite, mais l’une d’elles est fermée par une tôle métallique. L’intérieur de l’immeuble est entretenu, voire soigné : vidéo surveillance, murs fraîchement repeints, et même une odeur de propre dans l’air. Jusque-là, rien d’anormal. C’est alors que je commence à chercher l’appartement en question, décrit avec précision dans mon ordre de mission : un studio côté nord, comprenant une chambre, une cuisine, des WC, un hall et un placard.

Premier obstacle : au rez-de-chaussée, côté nord, là où il est censé se trouver, pas la moindre porte d’appartement. Rien. À gauche, un seul appartement. À droite, un joli mur orné d’une moulure et d’un liseré soigné, mais aucune trace de porte, pas même une petite poignée cachée. Mystère complet. Il semble que notre fameux appartement soit devenu… invisible.

Un tour rapide dans les étages confirme que tout est conforme à la normalité : deux portes par palier. En me replaçant devant le mur « mouluré », je me rends compte qu’il y a effectivement un appartement à cet emplacement. De l’extérieur, les fenêtres en attestent, mais impossible d’y accéder par l’intérieur. L’explication ne tarde pas à émerger : il semblerait que l’appartement ait été tout simplement muré, et ce, depuis plusieurs années. Comme si on avait décidé d’effacer cet espace de la mémoire collective, à grand renfort de plâtre et de peinture fraîche. Pour faire bonne mesure, le syndic, dans sa volonté de rafraîchir l’immeuble, a fait rénover la cage d’escalier, scellant ainsi définitivement l’accès à ce studio oublié.

Mon expertise, hélas, ne s’arrête pas là. Il va falloir revenir, cette fois avec un maçon, pour déterrer ce trésor caché sous des couches de béton et redonner vie à cet appartement fantôme. Ensuite, une porte anti-effraction sera installée pour sécuriser l’entrée. Et peut-être qu’à ce moment-là, nous pourrons enfin procéder à l’évaluation et fixer la mise à prix. Une affaire bien plus mystérieuse que prévu, où l’immobilier et le paranormal semblent parfois se croiser.

Ainsi va la vie d’un expert immobilier, où chaque immeuble cache peut-être un fantôme derrière ses murs bien rangés et ses façades impeccables. Il ne reste plus qu’à espérer que l’appartement, une fois déterré, ne cache pas d’autres secrets encore plus surprenants…

 

Les actualités

Bail commercial

 

Commandement de payer

Le commandement de payer visant la clause résolutoire est une mécanique délicate qui, lorsqu’elle dérape, peut transformer une simple relation bailleur-locataire en véritable casse-tête judiciaire. Prenons l’exemple de l’affaire opposant la société [U] Construction et la société LMR, où des questions de représentation légale et de pouvoir de gestion sont venues semer le trouble. Cette histoire débute de façon assez classique : un bail commercial, signé en 2004 entre la société LMR (en tant que bailleur) et la société [U] Construction (en tant que preneur), portant sur un ensemble immobilier. Mais les choses se sont compliquées après plusieurs péripéties dans la direction de ces sociétés.

Le commandement de payer délivré à la société [U] Construction par la société LMR le 5 avril 2018, visant à faire jouer la clause résolutoire du bail pour non-paiement des loyers, est au cœur du litige. Selon la règle prévue à l’article L. 145-41 du code de commerce, un commandement de payer est un acte qui permet au bailleur de demander la résiliation automatique du bail si le locataire ne s’acquitte pas de ses loyers dans un délai d’un mois. Mais ici, la légitimité de ce commandement était mise en doute en raison d’un problème de pouvoir de représentation au sein de la société LMR.

Le hic ? M. [W] [I], ancien directeur général de la société [U] Construction, continuait d’agir pour la société LMR, bien que révoqué de ses fonctions en 2017. C’est lui qui a fait délivrer le fameux commandement de payer, malgré le fait qu’il n’avait plus la qualité de représentant légal. Cette situation a conduit la société [U] Construction à refuser de payer les loyers à M. [W] [I], tout en acceptant de les régler à la société LMR représentée par une personne habilitée.

Le tribunal judiciaire de Nantes a jugé, en première instance, que le commandement de payer était irrégulier, car M. [W] [I] n’avait pas le pouvoir d’agir au nom de la société LMR à la date de sa délivrance. La société [U] Construction a donc vu son action recevable et a obtenu gain de cause sur la nullité du commandement, puisqu’il manquait à M. [W] [I] le pouvoir de représenter valablement la société LMR.

Mais ce n’est pas tout ! La société [U] Construction a également invoqué la responsabilité délictuelle de M. [W] [I], arguant qu’il avait mis en péril son droit au bail par cet acte irrégulier. Le tribunal a reconnu cette faute et condamné M. [W] [I] à verser des dommages et intérêts à la société [U] Construction, en application de l’article 1240 du code civil, qui impose à celui qui cause un dommage par sa faute de le réparer.

Il en ressort une leçon importante pour tous ceux qui s’aventurent dans le dédale des clauses résolutoires et des commandements de payer : il ne suffit pas d’envoyer un commandement pour enclencher une résiliation automatique du bail. Encore faut-il que cet acte soit signé par une personne ayant les pleins pouvoirs de représentation de la société bailleur. Sinon, gare aux effets boomerang !

Dans cette affaire, la clause résolutoire n’a finalement pas pu jouer, et le commandement de payer s’est envolé, emportant avec lui les espoirs de résiliation immédiate du bail. Cette décision rappelle ainsi qu’en matière de baux commerciaux, la rigueur est de mise, tant dans la gestion des pouvoirs de représentation que dans l’application des clauses du contrat.

Bail rural

Bail rural

L’histoire commence avec une parcelle de terre et des agriculteurs un peu débrouillards. En 2002, un couple de preneurs, M. [B]et Mme [D] épouse [B], ainsi que leurs enfants, M. [B] et Mme [C] épouse [B] eux aussi (on ne s’embête pas avec les noms compliqués), se voient confier des parcelles agricoles par une généreuse usufruitière et ses héritiers. Tout roulait comme un tracteur bien huilé jusqu’à ce que ces mêmes preneurs décident de mettre les parcelles à la disposition d’une EARL (Exploitations Agricoles à Responsabilité Limitée), joliment nommée « Les Harys ». Jusque-là, rien de bien méchant. Sauf que Mme [D] (l’une des preneuses) n’était pas associée de l’EARL jusqu’à une date fatidique en 2018. Catastrophe ? Pas vraiment.

Pourtant, en 2020, la nouvelle propriétaire des parcelles, Mme [T], voit rouge et décide d’attaquer. Elle saisit le tribunal paritaire des baux ruraux en hurlant à la cession prohibée du bail. C’est vrai quoi, si Mme [D] n’était pas associée de la société, n’était-ce pas là une belle entorse aux règles du code rural ? Et donc, résiliation du bail, merci bien.

Mais le diable est dans les détails. Et le droit rural n’est pas une promenade de santé. Selon l’article L. 411-37 du code rural et de la pêche maritime, un preneur peut bien mettre ses terres à la disposition d’une société agricole, à condition de ne pas lâcher les rênes. En gros, tant qu’il continue à travailler ses terres avec ses petites mains d’agriculteur, tout va bien. Donc, même si Mme [D] n’était pas officiellement associée au départ, elle n’a jamais abandonné les lieux. Elle était là, sur ses bottes, à faire fructifier les parcelles. Résultat : pas de cession prohibée. Ouf.

Cela nous amène à une règle simple mais essentielle du droit rural : pour qu’il y ait cession de bail interdite, il faut plus qu’un simple changement administratif. Ce qui compte, c’est la réalité sur le terrain (c’est le cas de le dire). Le preneur doit continuer à s’occuper de ses parcelles de manière active et permanente. Le code rural, particulièrement à travers l’article L. 411-31, II, 3°, insiste sur ce point : si le bailleur veut résilier, il doit prouver qu’il a subi un préjudice. Ici, la propriétaire n’a pas pu prouver que l’absence temporaire d’association de Mme [D] avait causé le moindre souci à l’exploitation ou au bail.

Donc, la Cour d’appel de Douai, le sourire en coin (on imagine), a rejeté la demande de résiliation. Mme [T] a beau protester, il n’y avait aucun préjudice, et l’exploitation continuait de tourner rond. Et hop, la Cour de cassation a confirmé tout ça. En gros, un petit rappel à tous les bailleurs : on ne résilie pas un bail juste parce que ça chatouille, il faut du concret, du solide, du préjudice prouvé !

Finalement, tout ça montre bien qu’on ne peut pas juste jouer les gendarmes du bail rural en espérant dégainer une résiliation à la première occasion. Le droit rural, c’est comme une bonne récolte : ça demande du travail, de la patience, et surtout, de rester les pieds bien ancrés dans la réalité de l’exploitation.

Copropriété : répartition des charges

Ah, le règlement de copropriété ! Un document aussi indispensable que redouté, surtout quand il s’agit de la délicate question des charges à payer. La Sci La Fourche en sait quelque chose. Propriétaire de plusieurs lots dans un immeuble en copropriété, elle s’est retrouvée embarquée dans un feuilleton judiciaire digne d’une série à suspense, le tout pour des charges de copropriété contestées. Mais pas n’importe quelles charges : des frais liés à des travaux sur des toitures et terrasses que la Sci estimait ne pas devoir financer. Et pourquoi ? Parce qu’à ses yeux, ces travaux concernaient d’autres copropriétaires, pas elle.

Bien sûr, le syndicat des copropriétaires, plus intraitable qu’un huissier à l’aube, n’a pas vu les choses sous le même angle. Selon lui, tout était en règle. Les appels de charges suivaient le règlement de copropriété, les assemblées générales avaient tranché, et tout le monde devait passer à la caisse. Pourtant, quand on plonge dans les détails – et croyez-moi, il vaut mieux porter un gilet de sauvetage avant de s’aventurer dans ce genre de lecture – on se rend vite compte que tout n’est pas si clair.

La Sci La Fourche, en bonne élève (ou presque), avait bien lu son règlement. Sauf que, surprise ! Les tantièmes – ces fameuses parts de propriété qui déterminent combien chacun doit payer – n’étaient pas les mêmes selon qu’il s’agissait de la propriété du sol ou des parties communes. Une subtilité qui a fait s’emmêler les pinceaux du syndicat, qui, visiblement, avait choisi les tantièmes au pif. Et hop, une belle erreur de calcul.

Résultat : le tribunal n’a pas tardé à tirer la sonnette d’alarme. Le syndicat, dans son empressement à récupérer des fonds, avait négligé un petit détail : prouver ce qu’il réclamait. Bah oui, c’est embêtant ! Sans documents comme les procès-verbaux d’assemblées approuvant les budgets ou une explication claire sur le calcul des charges, comment valider les montants ? Impossible ! Le tribunal a donc donné raison à la Sci La Fourche et a prié le syndicat de repartir avec ses factures sous le bras.

Ce petit feuilleton montre bien à quel point la lecture d’un règlement de copropriété peut transformer une simple répartition de charges en un véritable casse-tête. Moralité : mieux vaut se plonger dans ces documents avec une bonne dose de patience et une calculette à portée de main, sinon gare aux surprises !

 

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