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Les petits potins de l’immobilier – Semaine 34

Le potin de la semaine

Cette semaine, un événement inattendu a capté toute notre attention chez ADMA : la découverte d’un loyer pour un terrain lors d’une mission d’évaluation dans le cadre d’une cession de fonds de commerce et de murs. Ce détail, mis en lumière à la lecture du compte de résultat (et oui, on ne nous dit pas toujours tout !), semblait au départ anodin.

Pourtant, il a rapidement déclenché une série de discussions internes.

Notre premier réflexe a été de demander le bail correspondant. En réponse, nous avons reçu un avenant qui rappelait les conditions du bail d’origine. Cependant, à notre grande surprise, le bail en question s’est avéré être un bail commercial. Cette découverte soulève de nouvelles questions, surtout que, malgré nos demandes, le bail d’origine ne nous a toujours pas été fourni – il semblerait qu’il soit introuvable…

Le saviez-vous ?

Il n’existe pas de code de la copropriété en France, malgré l’importance de ce domaine du droit immobilier qui concerne des millions de Français. Le droit de la copropriété est actuellement régi principalement par la loi du 10 juillet 1965 et le décret du 17 mars 1967. Ces textes ont posé les bases du régime juridique applicable aux immeubles divisés en lots, mais au fil des années, de nombreuses modifications législatives et réglementaires ont contribué à complexifier ce cadre juridique.

L’absence d’un code spécifique pour la copropriété a conduit à une dispersion des règles entre divers textes, ce qui peut rendre l’accès au droit difficile pour les copropriétaires, les syndics, et même pour les praticiens du droit. La codification du droit de la copropriété, c’est-à-dire le regroupement de l’ensemble des dispositions légales et réglementaires dans un code unique, apparaît ainsi comme une solution prometteuse pour remédier à cette situation. Une telle codification permettrait de simplifier la structure juridique actuelle, en rendant les règles plus lisibles, cohérentes, et accessibles à tous. Eh oui aujourd’hui, en plus des textes, il faut connaître la jurisprudence (et on sait qu’elle évolue…).

Cependant, ce projet soulève également plusieurs défis. L’un des principaux obstacles réside dans la clarification nécessaire des nombreuses règles existantes. Le droit de la copropriété a fait l’objet de multiples interprétations par les tribunaux, ce qui a permis de préciser et d’affiner certaines dispositions de la loi de 1965. La codification pourrait ainsi nécessiter de choisir entre différentes interprétations jurisprudentielles, ce qui pourrait générer des controverses. De plus, il ne s’agit pas seulement de regrouper les textes existants : il serait également nécessaire de les adapter aux évolutions récentes, telles que la digitalisation des procédures, la transition énergétique des immeubles, ou les nouvelles formes de copropriété, comme les résidences services ou les copropriétés horizontales.

Un autre enjeu de la codification réside dans le maintien d’un équilibre entre la stabilité du droit et son adaptabilité. Le droit de la copropriété, en tant que droit en perpétuelle évolution, doit pouvoir répondre aux changements du marché immobilier, aux nouvelles pratiques, et aux attentes des copropriétaires. Une codification trop rigide pourrait freiner l’adaptation future du droit. Il est donc essentiel que la codification, si elle devait être mise en œuvre, reste suffisamment flexible pour permettre des évolutions rapides lorsque nécessaire.

Enfin, il convient de ne pas sous-estimer les difficultés politiques et juridiques que pose une telle entreprise. La codification du droit de la copropriété nécessiterait un engagement politique fort, ainsi qu’une collaboration étroite entre les différents acteurs concernés, notamment les législateurs, les juristes, et les professionnels du secteur immobilier. De plus, un tel projet demanderait des ressources considérables, tant en termes de temps que d’investissements humains et financiers.

Ainsi, bien que la codification du droit de la copropriété puisse sembler une réponse pertinente à la complexité actuelle du cadre juridique, elle doit être abordée avec précaution. Ce projet, bien qu’il rassemble de nombreux soutiens, reste ambitieux et nécessite une réflexion approfondie sur la manière dont il pourrait être réalisé sans compromettre la souplesse et l’adaptabilité du droit de la copropriété aux besoins futurs. Le débat reste ouvert sur cette question, laissant entrevoir diverses perspectives pour l’évolution de ce domaine du droit.

Baux

Bail (règles générales) – Preneur – Obligations – Restitution de la chose louée en fin de bail

L’analyse des articles 1147 et 1149 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, combinée avec l’article 1732 du même code et le principe de la réparation intégrale du préjudice, permet de comprendre les obligations et les conséquences juridiques qui incombent au locataire lors de la restitution des locaux. Lorsqu’un locataire restitue des locaux dans un état non conforme à ses obligations contractuelles ou légales, il engage sa responsabilité contractuelle et doit réparer le préjudice causé au bailleur, notamment en prenant en charge les coûts de remise en état des lieux.

Le préjudice subi par le bailleur peut inclure le coût nécessaire pour remettre les locaux dans leur état initial, même si les réparations ne sont pas exécutées ou si les dépenses ne sont pas effectivement engagées. Le juge, lorsqu’il est saisi d’une telle affaire, doit évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, et cette évaluation peut intégrer des circonstances survenues après la restitution des locaux, telles que la relocation, la vente ou la démolition des lieux.

Toutefois, cette jurisprudence souligne que le juge ne peut condamner un locataire à payer des dommages-intérêts équivalents au coût de la remise en état simplement en raison de l’inexécution des réparations, sans constater un préjudice effectif pour le bailleur résultant de cette inexécution. Si, par exemple, le bailleur a rapidement reloué les locaux à des conditions plus favorables sans avoir effectué les travaux de remise en état, cela pourrait indiquer qu’aucun préjudice n’a été subi, ou que le préjudice est moindre que le coût total des réparations non effectuées.

Ainsi, l’arrêt qui condamnerait un locataire à des dommages-intérêts sur la seule base de la non-exécution des réparations, sans preuve d’un préjudice réel et sans prendre en compte des faits postérieurs comme une relocation avantageuse, serait juridiquement incorrect et mériterait d’être censuré. Le juge doit nécessairement établir un lien de causalité entre la faute contractuelle du locataire et le préjudice subi par le bailleur pour justifier une condamnation à des dommages-intérêts. Cette approche souligne l’importance d’une évaluation rigoureuse et objective du préjudice, tenant compte des circonstances spécifiques à chaque situation.

Bail commercial – Sous-location

Dans le cadre des baux commerciaux, l’article L. 145-31 du Code de commerce prévoit que lorsque le loyer d’une sous-location est supérieur à celui de la location principale, le propriétaire peut demander une augmentation du loyer principal. Cette disposition a pour objectif de prévenir un enrichissement sans cause du locataire qui sous-louerait les locaux à un prix plus élevé que celui du bail principal, en permettant au bailleur de bénéficier des conditions économiques plus avantageuses de la sous-location.

Toutefois, la qualification de sous-location, et donc l’application de l’article L. 145-31, est exclue dans des situations particulières où le locataire met à disposition les locaux à des tiers dans le cadre d’une prestation globale qui inclut, de manière indissociable, tant l’usage des locaux que des services annexes. Ce cas de figure se présente lorsque le locataire propose un ensemble de services spécifiques associés à la mise à disposition des locaux, par exemple des bureaux équipés, où les clients recherchent non seulement l’accès à l’espace physique mais aussi des prestations comme l’entretien, la sécurité, l’accueil ou encore des services technologiques comme le wifi.

Dans une telle configuration, la redevance perçue par le locataire ne se limite pas à la simple mise à disposition des locaux mais inclut de manière inséparable la contrepartie de ces services. Le prix payé par les tiers ne reflète donc pas uniquement la valeur locative de l’espace mais celle de l’ensemble des prestations fournies, rendant inapplicable le mécanisme de réajustement de loyer prévu par l’article L. 145-31.

Un arrêt récent a ainsi censuré une décision de la cour d’appel qui avait accordé un réajustement de loyer au bailleur en considérant que la prestation principale fournie par le locataire était la mise à disposition de bureaux, et que les autres services (entretien, accueil, sécurité, etc.) n’étaient que secondaires. Cette décision a été cassée au motif que la cour d’appel avait omis de reconnaître que le prix fixé globalement par le locataire incluait de manière indissociable la mise à disposition des bureaux et les services spécifiques recherchés par les clients. Par conséquent, le contrat ne pouvait pas être qualifié de sous-location au sens de l’article L. 145-31, rendant ainsi inapplicable la demande d’augmentation du loyer principal.

Cet arrêt met en évidence l’importance de la nature et de la structure des contrats impliquant la mise à disposition de locaux dans le cadre de baux commerciaux. Lorsque ces contrats incluent des prestations de services indissociables de l’usage des locaux, ils échappent à la qualification de sous-location et, par conséquent, aux dispositions relatives à l’ajustement des loyers en cas de sous-location à un prix supérieur. Cette distinction souligne la nécessité pour les parties de bien définir les termes de leur contrat, en tenant compte de la nature des prestations offertes et de la structure de la contrepartie financière.

Expropriation pour cause d’utilité publique

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 juillet 2024 (pourvoi n° 23-15.027) traite des conséquences d’une expropriation pour cause d’utilité publique sur un fonds de commerce, en particulier concernant l’indemnisation du préjudice subi par l’exploitant commercial en cas d’éviction partielle.

Dans le cadre d’une procédure d’expropriation, lorsque seul une partie d’un fonds de commerce est affectée, cela peut entraîner des conséquences significatives sur l’activité commerciale qui continue dans les locaux non expropriés. La Cour de cassation a précisé que cette situation d’éviction partielle peut causer un préjudice distinct, qui doit être indemnisé séparément de l’indemnité principale et de l’indemnité de remploi.

L’indemnité principale vise généralement à compenser la perte de la valeur de la partie expropriée du fonds de commerce, tandis que l’indemnité de remploi est destinée à couvrir les frais liés à la réinstallation ou au réemploi du fonds dans un nouvel emplacement. Cependant, l’éviction partielle peut engendrer des troubles commerciaux affectant la poursuite de l’activité dans les locaux non expropriés. Par exemple, la diminution de la surface d’exploitation, la perte de visibilité ou d’accessibilité, ou encore la perturbation des opérations commerciales normales peuvent causer une baisse de chiffre d’affaires ou une diminution de la rentabilité du fonds restant.

La Cour souligne que ce préjudice lié à l’éviction partielle est distinct des autres indemnisations et que l’exploitant doit en apporter la preuve pour pouvoir prétendre à une indemnisation supplémentaire. Cette preuve doit démontrer l’impact concret de l’expropriation partielle sur l’activité commerciale et établir le lien de causalité entre cette éviction et le préjudice subi.

Cette décision renforce l’idée que l’indemnisation en matière d’expropriation doit être complète et prendre en compte l’ensemble des préjudices subis par le propriétaire du fonds de commerce, y compris ceux qui ne sont pas immédiatement apparents ou qui découlent de la continuation de l’activité dans les locaux restants. L’exploitant commercial est donc encouragé à documenter précisément les effets de l’expropriation partielle sur son activité pour obtenir une compensation juste et adéquate pour l’ensemble des dommages subis.

Bail rural

Bail à ferme – Preneur – Association d’un membre de sa famille au bail

La décision rendue par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 11 juillet 2024, sous le pourvoi n° 22-22.156, s’inscrit dans le cadre de la législation relative aux baux ruraux, et plus précisément des conditions permettant à un preneur d’associer un membre de sa famille au bail en qualité de copreneur. Cette affaire soulève plusieurs questions essentielles quant à l’application de l’article L. 411-35, alinéa 2, du code rural et de la pêche maritime, ainsi qu’à l’interprétation de la notion de « bonne foi » du preneur dans ce contexte.

Le texte de l’article L. 411-35, alinéa 2, accorde au preneur la possibilité d’associer un membre de sa famille au bail, sous réserve que celui-ci soit de « bonne foi ». Ce critère de bonne foi est déterminant, car il conditionne l’octroi de l’autorisation par le tribunal compétent. Dans la présente décision, la Cour de cassation précise que cette bonne foi doit être appréciée à la date de la demande en justice d’autorisation d’association. Il s’ensuit que le preneur doit démontrer qu’il s’est acquitté de toutes ses obligations, qu’elles soient légales ou conventionnelles, à cette date précise. Cette précision temporelle est importante car elle évite tout débat sur d’éventuelles régularisations postérieures à la demande.

En outre, la décision montre l’interdépendance entre l’article L. 411-35 et les règles relatives au contrôle des structures agricoles, régies par l’article L. 331-2 du même code. Il est ainsi exigé que la situation du preneur soit conforme aux exigences de ce contrôle pour que l’association au bail puisse être autorisée. Cette conformité nécessite, notamment, l’obtention préalable d’une autorisation d’exploiter lorsque celle-ci est requise par la législation en vigueur. Par conséquent, un preneur ne peut obtenir l’autorisation d’associer un membre de sa famille au bail sans démontrer cette conformité.

Cette jurisprudence illustre l’exigence de rigueur dans l’application des dispositions du code rural et de la pêche maritime, particulièrement en ce qui concerne les baux ruraux. La condition de bonne foi et le respect du contrôle des structures apparaissent comme des éléments indissociables et nécessaires pour protéger l’équilibre des relations contractuelles dans le domaine agricole. Cette décision rappelle également l’importance de l’autorisation d’exploiter comme un élément préalable et nécessaire à toute modification de la composition des preneurs d’un bail rural.

Statut du fermage et du métayage

La décision rendue par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 13 juin 2024, sous le pourvoi n° 22-18.861, s’intéresse à l’application du statut du fermage et du métayage, notamment en ce qui concerne le domaine d’application de ce statut en relation avec la nature et la superficie des parcelles louées. Cette affaire pose la question quant à l’interprétation de l’article L. 411-3 du code rural et de la pêche maritime, particulièrement dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010.

L’article L. 411-3 du code rural et de la pêche maritime détermine le champ d’application du statut des baux ruraux, en particulier en ce qui concerne les petites parcelles. Selon ce texte, un régime dérogatoire est prévu pour les baux portant sur de petites parcelles, permettant ainsi d’exclure ces baux de certaines contraintes applicables aux baux ruraux classiques. Cependant, cette dérogation ne s’applique pas indéfiniment, et la Cour de cassation a clarifié les conditions dans lesquelles elle peut cesser de s’appliquer.

Dans l’affaire examinée, la Cour a jugé que lorsque la division des parcelles intervenant dans le cadre d’un bail a pour conséquence la création de plusieurs bailleurs, cette situation ne peut être invoquée pour bénéficier du régime dérogatoire des petites parcelles si cette division a eu lieu moins de neuf ans avant le renouvellement du bail. Autrement dit, pour que le régime dérogatoire puisse s’appliquer à un bail renouvelé, il est nécessaire que la division des parcelles en question soit antérieure d’au moins neuf ans à ce renouvellement. Cette condition temporelle souligne l’importance de la stabilité dans la structuration des propriétés foncières lorsqu’il s’agit d’appliquer des dérogations aux règles générales des baux ruraux.

La décision rendue met ainsi en évidence une lecture stricte du texte légal, visant à prévenir toute tentative d’échapper indûment aux obligations imposées par le statut des fermages et métayages. En imposant un délai de neuf ans entre la division des parcelles et le renouvellement du bail pour que le régime dérogatoire puisse s’appliquer, la Cour de cassation assure que les bailleurs ne puissent contourner les règles de protection des preneurs par une reconfiguration récente de la propriété foncière.

Cette jurisprudence offre une sécurité juridique accrue aux preneurs en leur garantissant que les modifications apportées aux parcelles qu’ils exploitent ne pourront pas, sauf dans des circonstances très spécifiques et bien antérieures au renouvellement, les priver des protections conférées par le statut des baux ruraux. Cela incite également les bailleurs à respecter une certaine continuité dans la gestion de leur patrimoine foncier pour éviter de perdre le bénéfice des régimes dérogatoires en cas de renouvellement de bail.

Certificat de vente :

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 11 juillet 2024 (pourvoi n° 23-11.700) aborde la question relative à la notion d’acquiescement implicite en droit immobilier, notamment dans le cadre des procédures impliquant des ventes de lots en copropriété.

Selon les principes établis par la jurisprudence, l’acquiescement implicite se caractérise par une intention non équivoque de se conformer à une décision ou une demande sans qu’il soit nécessaire d’exprimer un consentement explicite. Cette notion revêt une importance particulière dans les situations où une partie, par son comportement, pourrait être considérée comme ayant accepté une situation juridique ou une décision, même en l’absence d’une déclaration formelle en ce sens.

Dans le cas examiné, la Cour de cassation s’est penchée sur la question de savoir si le paiement effectué par un notaire, en conséquence d’une opposition formée par le syndicat des copropriétaires au prix de vente d’un lot, pouvait être interprété comme un acquiescement implicite de la part du vendeur. Cette opposition avait été formée sur le fondement de l’article 20, I, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, qui permet au syndicat des copropriétaires de faire opposition au paiement du prix de vente pour garantir le paiement des charges impayées.

La Cour a jugé que ce paiement, effectué par le notaire sans qu’une contestation judiciaire ait été introduite par le vendeur, ne pouvait pas être considéré comme un acquiescement implicite. La raison en est que l’opposition formée par le syndicat des copropriétaires ne constitue ni une demande en justice ni un jugement. En d’autres termes, il s’agit d’une procédure administrative visant à garantir le règlement des dettes de copropriété, et non d’une reconnaissance par le vendeur de la validité de la créance ou de l’opposition.

Ainsi, le simple fait pour un notaire de procéder au paiement en présence d’une opposition ne démontre pas une intention claire et non équivoque du vendeur d’accepter les termes de l’opposition. Cette décision clarifie que l’acquiescement implicite doit résulter d’une volonté non équivoque de la partie concernée, ce qui n’est pas le cas ici, où le paiement est plutôt le résultat d’une obligation légale imposée au notaire.

L’arrêt de la Cour de cassation souligne donc que l’acquiescement, pour être retenu, doit être expressément démontré et ne peut être présumé simplement en raison de l’exécution d’une obligation légale ou administrative. Ce principe protège les parties contre une interprétation excessive de leurs actions, qui pourrait les lier sans qu’elles aient explicitement consenti à une telle situation.

 

Fonds travaux :

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 juillet 2024 (pourvoi n° 22-21.758) aborde la question de la répartition des charges de copropriété, en particulier celles liées à la cotisation au fonds de travaux, prévue par l’article 14-2, II, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. Cet article, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, précise les modalités de constitution de ce fonds, destiné à financer les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble.

La Cour de cassation a clarifié que la cotisation au fonds de travaux doit être appelée au même rythme que le budget prévisionnel de la copropriété, c’est-à-dire de manière régulière et en fonction des besoins identifiés dans le cadre de la gestion de la copropriété. Cependant, la répartition de cette cotisation ne se fait pas proportionnellement aux provisions du budget prévisionnel qui incombent à chaque copropriétaire, mais selon les mêmes règles que celles appliquées aux charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes.

Cela signifie que les charges pour le fonds de travaux, tout comme les autres charges afférentes aux parties communes, doivent être réparties entre les copropriétaires en fonction de leurs tantièmes de copropriété, c’est-à-dire en proportion de leur quote-part dans la propriété des parties communes de l’immeuble. Ce mode de répartition est conforme aux principes généraux régissant la gestion des parties communes dans une copropriété, où les copropriétaires contribuent aux dépenses nécessaires à la conservation et à l’entretien de l’immeuble en fonction de leurs droits dans la copropriété.

Cette décision de la Cour de cassation s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence en matière de copropriété, en réaffirmant l’importance de respecter les règles de répartition des charges telles que prévues par la loi et par le règlement de copropriété. En précisant que la cotisation au fonds de travaux doit être répartie comme les autres charges relatives aux parties communes, la Cour veille à une application cohérente et équitable des règles de copropriété, garantissant ainsi que chaque copropriétaire contribue de manière juste et proportionnée aux dépenses communes, en fonction de sa part dans la copropriété.

 

Expropriation pour cause d’utilité publique

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 23 novembre 2023 (pourvoi n° 22-20.866) aborde plusieurs aspects essentiels relatifs à l’indemnisation des constructions édifiées par un preneur sur un terrain donné à bail dans le contexte d’une expropriation pour cause d’utilité publique. Cet arrêt traite notamment de l’impact d’une clause de nivellement en fin de bail sur le droit à indemnisation du preneur évincé.

Dans le cadre d’une expropriation, un preneur peut se retrouver évincé prématurément de la propriété qu’il exploite en raison de travaux d’aménagement ou d’une préemption. Lorsque ce preneur a réalisé des constructions sur le terrain loué, une question se pose : a-t-il droit à une indemnisation pour ces constructions, et dans quelle mesure la présence d’une clause de nivellement, qui aurait exigé la remise à niveau du terrain en fin de bail, peut-elle influencer cette indemnisation ?

La Cour de cassation a jugé que le preneur, bénéficiaire des règles applicables en matière d’expropriation, a effectivement droit à l’indemnisation pour les constructions qu’il a édifiées sur le bien, même en présence d’une clause de nivellement applicable en fin de bail. La raison en est que, à la date de l’éviction anticipée et définitive du preneur, celui-ci était propriétaire des constructions. Par conséquent, la clause de nivellement, qui aurait pris effet à la fin normale du bail, n’a pas d’influence sur le droit à indemnisation du preneur pour les constructions qu’il perd du fait de l’expropriation.

En ce qui concerne l’évaluation de l’indemnité due pour la perte des constructions, la Cour a également précisé que le juge de l’expropriation a la liberté souveraine de choisir la méthode d’évaluation. Ce choix est indépendant des dispositions de l’article 555 du Code civil, qui concerne les effets de l’accession en matière de construction par un tiers sur le terrain d’autrui. Le juge n’est donc pas tenu d’appliquer cet article pour fixer le montant de l’indemnité due au preneur évincé, ce qui lui permet de déterminer la compensation de manière à refléter fidèlement le préjudice subi par le preneur.

Rétrocession :

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er mars 2023 (pourvoi n° 22-12.455) porte sur l’application du droit de priorité à l’acquisition de terrains agricoles en cas de rétrocession, dans le cadre de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Cet arrêt éclaire les conditions dans lesquelles le droit de priorité, prévu par l’article L. 424-2 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, peut être exercé.

Le droit de priorité à l’acquisition, tel que prévu par l’article L. 424-2, est destiné à protéger les anciens propriétaires expropriés en leur offrant la possibilité d’acquérir les terrains expropriés si ceux-ci ne sont finalement pas affectés au but d’intérêt général qui avait justifié la déclaration d’utilité publique (DUP). Ce droit est intrinsèquement lié au droit de rétrocession énoncé à l’article L. 421-1 du même code, qui permet aux anciens propriétaires de racheter les biens expropriés lorsque ceux-ci ne sont plus nécessaires à la réalisation de l’objet de la DUP.

Dans le cas d’espèce, la Cour de cassation a précisé que le droit de priorité ne s’applique pas automatiquement à toutes les portions de parcelles non utilisées conformément à la DUP. Lorsque l’essentiel des parcelles expropriées a été utilisé pour l’usage prévu par la DUP, seules les parcelles ou portions de parcelles non affectées à cet usage général peuvent potentiellement faire l’objet d’une rétrocession et donc du droit de priorité.

Cette décision signifie que, pour que le droit de priorité soit activé, il ne suffit pas que des portions de terrains expropriés soient laissées vacantes ou non utilisées. Il faut démontrer que ces parcelles ou portions de parcelles ne sont plus nécessaires à l’accomplissement de l’objectif d’intérêt général pour lequel l’expropriation a été réalisée. Si l’essentiel du projet a été mené à bien et que seules des parties résiduelles du terrain n’ont pas été utilisées, ces dernières ne bénéficient pas du droit de priorité pour leur rétrocession.

 

 

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