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Les petits potins de l’immobilier -2025 Semaine 09

Le potin de la semaine

Édition spéciale colloque CNCEJ

Vendredi dernier, nous étions plus de 1 000 connectés pour assister au 14ᵉ colloque conjoint du CNB et du CNCEJ, sur le thème « Avocats-Experts : surmontons l’incident ». En visioconférence, pas de pauses café ni de petits fours, mais des échanges passionnants entre avocats, magistrats et experts pour décrypter les tensions possibles au cours d’une expertise et les meilleures façons de les désamorcer.

Cerise sur le gâteau, un conseil de lecture glissé lors du discours d’ouverture : Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois. Ce livre, qui analyse avec finesse les mécanismes de l’influence et de la persuasion, est un véritable manuel pour quiconque veut affiner ses compétences en communication, négociation et gestion des interactions humaines. Un atout de taille pour les experts judiciaires, souvent au cœur de débats où chaque mot compte !

Moralité ? Même derrière un écran, on peut se laisser influencer… alors autant comprendre comment et pourquoi !

Quand l’expertise rime avec veille juridique : un quotidien fait de jurisprudences et de subtilités légales

L’image populaire de l’expert oscille souvent entre celle d’un détective traquant la moindre faille et celle d’un sage dispensant son savoir avec gravité. Mais dans la réalité, au-delà du terrain et des dossiers à éplucher, le quotidien de l’expert est aussi fait de lecture. Beaucoup de lecture. De jurisprudences, d’articles de loi, d’analyses doctrinales… Autant dire que notre chevet est souvent plus occupé par le Code civil que par le dernier prix Goncourt !

À ce titre, une question nous taraude : qui, hormis quelques passionnés ou malheureux étudiants en droit, connaît l’article 860-1 du Code civil ? Pour les curieux, cet article précise que dans une succession, le rapport d’une somme d’argent se fait à hauteur de son montant. Mais si cette somme a servi à acquérir un bien, alors c’est la valeur de ce bien qui doit être rapportée à la succession, conformément à l’article 860. Autrement dit, si tonton Albert a fait un chèque de 50 000 euros à son neveu pour qu’il achète un charmant pied-à-terre, ce n’est pas cette somme qui sera prise en compte dans le calcul du partage, mais la valeur actuelle du bien.

Une subtilité qui peut faire toute la différence… et donner quelques sueurs froides à ceux qui pensaient avoir optimisé leur transmission ! Car en matière de droit des successions, comme en expertise, la logique du « je prends ce qu’on me donne sans trop poser de questions » peut vite s’avérer hasardeuse.

C’est précisément pour éviter ces chausse-trappes que l’expert se doit de rester en veille constante. Car comprendre un texte, c’est bien, mais suivre son interprétation par les tribunaux, c’est encore mieux ! Une jurisprudence nouvelle, un revirement de position, et voilà qu’un principe qu’on pensait inébranlable prend une toute autre tournure.

Alors, au-delà des missions d’évaluation et des expertises en bonne et due forme, nous passons une bonne partie de notre temps à décrypter, analyser et intégrer ces évolutions. Et soyons honnêtes : il y a un certain plaisir à découvrir que la solution qu’on pressentait se confirme dans un arrêt bien ciselé de la Cour de cassation !

Litige sur l’Expropriation et la Dépollution d’un Terrain 

Par une ordonnance rendue le 4 juillet 2019, le juge de l’expropriation de Loire-Atlantique a déclaré expropriés, pour cause d’utilité publique, au profit de la commune de [Localité 13], les immeubles, portions et droits d’immeubles ainsi que les droits réels immobiliers afférents à une parcelle située sur cette commune et cadastrée section ZN n°[Cadastre 3], appartenant à M. et Mme [Y].

Par mémoire en date du 4 mars 2020, la commune de [Localité 13] a saisi le juge de l’expropriation en vue d’une expertise visant à déterminer l’état de pollution du sous-sol et, à titre subsidiaire, pour voir fixer l’indemnité principale due aux époux [Y] à la somme de 56 296 euros et l’indemnité de remploi à 6 629 euros.

À la suite d’une visite des lieux effectuée le 22 septembre 2020, le juge de l’expropriation, par jugement rendu contradictoirement le 3 novembre 2020, a fixé l’indemnité principale due aux expropriés à 142 872,84 euros et l’indemnité de remploi à 15 287,28 euros. Il a condamné la commune de [Localité 13] à verser à M. et Mme [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Les indemnités allouées aux expropriés ont été fixées en tenant compte d’un abattement de 91 500 euros correspondant aux travaux de dépollution qui auraient dû être réalisés par la commune sur la parcelle expropriée. Se plaignant de l’absence de mise en œuvre de ces travaux, alors que l’aménagement des lots était en cours, M. et Mme [Y] ont, par acte d’huissier en date du 5 août 2022, fait assigner la commune de [Localité 13] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes en vue de la désignation d’un expert chargé de vérifier si lesdits travaux avaient bien été exécutés.

Par ordonnance du 5 janvier 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes a déclaré la demande recevable, débouté M. et Mme [Y] de leur demande d’expertise et les a condamnés à payer à la commune de [Localité 13] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
M. et Mme [Y] ont interjeté appel de cette décision le 3 février 2023. L’instruction a été clôturée le 2 mai 2023.

Dans leurs dernières conclusions en date du 17 avril 2023, M. et Mme [Y] sollicitent la confirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a déclaré leur demande recevable et son infirmation en ce qu’elle les a déboutés de leur demande d’expertise et condamnés au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Ils demandent en conséquence la désignation d’un expert avec pour mission de se rendre sur la parcelle litigieuse, d’entendre les parties et tout sachant, de recueillir tout document utile, de vérifier si les travaux de dépollution ont été réalisés et, dans l’hypothèse contraire, d’en évaluer la nature et le coût. Ils sollicitent également la condamnation de la commune de [Localité 13] aux dépens.

Dans ses conclusions du 29 mars 2023, la commune de [Localité 13] demande à la cour d’appel d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déclaré recevable la demande des époux [Y], de déclarer leur action irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 3 novembre 2020 et de leur absence d’intérêt à agir. À titre subsidiaire, elle sollicite la confirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a débouté M. et Mme [Y] de leur demande d’expertise. À titre infiniment subsidiaire, elle demande, dans l’hypothèse où une expertise serait ordonnée, que celle-ci soit étendue aux autres parcelles issues de la division de la parcelle initiale, afin de chiffrer l’ensemble des coûts de dépollution déjà supportés par la commune et d’évaluer tous les préjudices qu’elle pourrait subir.

La commune de [Localité 13] soutient que l’autorité de la chose jugée s’attache au jugement du 3 novembre 2020, devenu irrévocable, de sorte que les expropriés ne peuvent plus contester le montant de l’indemnité principale, y compris en invoquant l’absence de réalisation des travaux de dépollution. Elle estime également que M. et Mme [Y] n’ont plus d’intérêt ni qualité à agir dès lors qu’ils ont été indemnisés en tenant compte de l’abattement pour dépollution et qu’ils ne peuvent prétendre à une quelconque restitution ou réparation.

M. et Mme [Y] soutiennent que leur demande d’expertise n’a pas pour objet de remettre en cause l’évaluation de l’indemnité d’expropriation, mais uniquement de vérifier si les travaux qui justifiaient l’abattement appliqué à leur indemnisation ont bien été réalisés. Ils font valoir que la commune a bénéficié d’un enrichissement indu en n’exécutant pas les travaux en question, alors même que ceux-ci ont été pris en compte pour réduire l’indemnisation qui leur était due.

La cour d’appel a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée au motif que l’objet de la demande d’expertise était distinct de celui du contentieux de l’expropriation. Elle a néanmoins considéré que M. et Mme [Y] n’avaient pas d’intérêt à agir dès lors que l’indemnité d’expropriation a été définitivement fixée et qu’aucune obligation juridique n’imposait à la commune d’exécuter les travaux de dépollution. Elle a ainsi déclaré leur demande irrecevable et confirmé l’ordonnance en ce qu’elle les a condamnés au paiement des frais irrépétibles et des dépens.

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