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Prévention des risques d’incendie : Obligations légales de débroussaillement : l’état des risques modifié à compter du 1er janvier 2025
L’état des risques prévu par l’article L. 125-5 du Code de l’environnement voit son contenu à nouveau modifié par un décret du 29 avril 2024
À partir du 1er janvier 2025, les obligations légales de débroussaillement évoluent en France avec la modification de l’état des risques prévu par l’article L. 125-5 du Code de l’environnement. Le décret du 29 avril 2024 impose l’intégration d’une fiche d’information spécifique sur les obligations de débroussaillement. Cet article examine les implications de cette nouvelle législation et les mesures que les propriétaires doivent prendre pour se conformer aux nouvelles exigences.
Contexte et objectifs de la nouvelle réglementation
La prévention des risques d’incendie est une priorité pour les autorités françaises, surtout dans les régions à forte végétation où les feux de forêt peuvent causer des dégâts considérables. Le débroussaillement est une mesure essentielle pour réduire ces risques en éliminant la végétation susceptible de propager le feu.
Le décret du 29 avril 2024, qui modifie le contenu de l’état des risques d’incendie prévu par l’article L. 125-5 du Code de l’environnement, vise à renforcer cette prévention. En intégrant une fiche d’information sur les obligations de débroussaillement, le législateur souhaite sensibiliser davantage les propriétaires fonciers et les inciter à respecter ces obligations.
Quelles sont les nouvelles obligations de débroussaillement ?
À compter du 1er janvier 2025, les propriétaires doivent intégrer dans l’état des risques une fiche détaillant les obligations de débroussaillement. Cette fiche devra contenir les informations suivantes :
Zones concernées : Une description précise des zones où le débroussaillement est obligatoire, généralement à proximité des habitations, des infrastructures et des forêts.
Travaux à réaliser : Les types de travaux de débroussaillement exigés, incluant la coupe de la végétation herbacée, des arbustes et des arbres sur une certaine distance autour des bâtiments.
Périodicité des travaux : La fréquence à laquelle ces travaux doivent être réalisés pour maintenir un niveau de sécurité optimal. Généralement, le débroussaillement doit être effectué annuellement avant la saison estivale.
Sanctions en cas de non-conformité : Les sanctions prévues pour les propriétaires qui ne respectent pas ces obligations, incluant des amendes et la possibilité pour les autorités locales de faire exécuter les travaux aux frais des contrevenants.
Importance de la conformité aux nouvelles obligations
La conformité aux nouvelles obligations de débroussaillement est nécessaire pour plusieurs raisons. En premier lieu, elle permet de réduire significativement le risque d’incendie, protégeant ainsi les vies humaines, les biens et les écosystèmes. En outre, le respect de ces obligations légales évite aux propriétaires des sanctions financières et des litiges avec les autorités locales.
Les assurances peuvent également conditionner la couverture des risques d’incendie au respect des obligations de débroussaillement. Un manquement à ces devoirs pourrait donc entraîner un refus d’indemnisation en cas de sinistre.
Conseils pratiques pour se conformer aux obligations de débroussaillement
Évaluation des risques : Les propriétaires doivent d’abord identifier les zones à risque sur leur propriété et évaluer l’ampleur des travaux nécessaires.
Planification des travaux : Il est recommandé de planifier les travaux de débroussaillement avant le début de la saison sèche. Faire appel à des professionnels peut garantir un travail conforme et sécurisé.
Maintien régulier : Le débroussaillement ne doit pas être un événement ponctuel. Un entretien régulier est nécessaire pour maintenir la zone dégagée et conforme aux exigences légales.
Consultation des autorités locales : En cas de doute, les propriétaires peuvent se tourner vers les services municipaux ou départementaux pour obtenir des conseils et des informations complémentaires.
L’intégration d’une fiche d’information sur les obligations de débroussaillement dans l’état des risques à partir du 1er janvier 2025 représente une étape importante dans la prévention des incendies en France. Les propriétaires fonciers doivent prendre ces nouvelles exigences au sérieux pour protéger leurs biens et contribuer à la sécurité collective. En se conformant à cette législation, ils jouent un rôle clé dans la réduction des risques d’incendie et la protection de l’environnement.
Textes
Energie : Chèque énergie : conditions d’éligibilité pour 2024 et acceptation du chèque par les bailleurs sociaux
D.n° 2024-411, 4 mai 2024 : JO 5 mai 2024. – A. n° ECOR2404880A, 4 mai 2024 : JO 5 mai 2024
Le chèque énergie est une aide financière destinée à aider les ménages modestes à payer leurs factures d’énergie. La récente publication du décret n° 2024-411 du 4 mai 2024 et de l’arrêté n° ECOR2404880A du même jour, publiés au Journal Officiel le 5 mai 2024, apporte des précisions sur les conditions d’éligibilité pour 2024 ainsi que sur l’acceptation du chèque énergie par les bailleurs sociaux. Cet article explore en détail ces nouvelles dispositions.
Conditions d’éligibilité pour le chèque énergie en 2024
Les conditions d’éligibilité pour le chèque énergie en 2024 sont principalement basées sur les revenus et la composition du ménage. Le décret n° 2024-411 fixe les critères suivants :
Revenu fiscal de référence (RFR) : Pour être éligible, le revenu fiscal de référence par unité de consommation (UC) du ménage ne doit pas dépasser un certain seuil. En 2024, ce seuil est fixé à 10 800 euros par UC. Une unité de consommation est définie comme suit :
La première personne du foyer compte pour 1 UC.
La deuxième personne compte pour 0,5 UC.
Chaque personne supplémentaire compte pour 0,3 UC.
Composition du ménage : La taille et la composition du ménage influencent également l’éligibilité. Les ménages nombreux ou comprenant des personnes dépendantes bénéficient d’une majoration du seuil de revenu.
Domicile principal : Le chèque énergie est destiné à couvrir les dépenses d’énergie du domicile principal du bénéficiaire. Les résidences secondaires ne sont pas éligibles.
Utilisation du chèque énergie
Le chèque énergie peut être utilisé pour plusieurs types de dépenses énergétiques :
Paiement des factures d’électricité, de gaz, de fioul, de bois, et autres sources d’énergie.
Financement de travaux de rénovation énergétique, réalisés par un professionnel certifié RGE (Reconnu Garant de l’Environnement).
Acceptation du chèque énergie par les bailleurs sociaux
Une des nouveautés apportées par le décret et l’arrêté de mai 2024 concerne l’acceptation du chèque énergie par les bailleurs sociaux. Ceux-ci ont désormais l’obligation d’accepter le chèque énergie pour le paiement des charges locatives liées à l’énergie.
Obligation légale : Les bailleurs sociaux doivent accepter le chèque énergie comme moyen de paiement des charges d’énergie des locataires. Cela inclut le chauffage collectif, l’eau chaude sanitaire, et les charges communes électriques.
Procédure d’utilisation : Les locataires doivent informer leur bailleur de l’utilisation du chèque énergie. Le bailleur applique ensuite le montant du chèque au solde des charges locatives du locataire.
Remboursement aux bailleurs : Les bailleurs sociaux reçoivent un remboursement équivalent au montant des chèques énergie qu’ils acceptent. Ce remboursement est géré par l’Agence de Services et de Paiement (ASP).
Impact de ces mesures
Les modifications apportées aux conditions d’éligibilité et à l’acceptation par les bailleurs sociaux visent à simplifier l’accès au chèque énergie et à élargir son utilisation. Voici quelques impacts attendus :
Amélioration de l’accès à l’aide : En clarifiant les conditions d’éligibilité et en imposant l’acceptation du chèque énergie par les bailleurs sociaux, le gouvernement facilite l’accès à cette aide pour les ménages modestes.
Réduction de la précarité énergétique : En permettant l’utilisation du chèque énergie pour le paiement des charges locatives liées à l’énergie, cette mesure contribue à réduire la précarité énergétique des locataires de logements sociaux.
Encouragement à la rénovation énergétique : L’utilisation du chèque énergie pour financer des travaux de rénovation énergétique incite les ménages à améliorer l’efficacité énergétique de leur logement, ce qui peut à long terme réduire leur consommation d’énergie et leurs factures.
Le chèque énergie 2024, avec ses nouvelles conditions d’éligibilité et l’obligation pour les bailleurs sociaux de l’accepter, représente une avancée importante dans la lutte contre la précarité énergétique. Les ménages modestes bénéficient ainsi d’un soutien accru pour faire face à leurs dépenses énergétiques, tandis que les bailleurs sociaux jouent un rôle clé dans l’implémentation de cette aide. Ces mesures montrent l’engagement du gouvernement à améliorer le bien-être des citoyens tout en favorisant la transition énergétique.
Jurisprudence
Société civile : SCI : autorisation de l’assemblée générale requise pour mettre un immeuble à disposition des associés si ce n’est pas prévu par les statuts
Cass. 3e civ., 2 mai 2024, n° 22-24.503,
Lorsque les statuts d’une société civile immobilière ne mentionnent pas expressément dans l’objet social la faculté de mettre un immeuble à la disposition des associés.
Le 2 mai 2024, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation a rendu une décision notable sous le numéro 22-24.503, portant sur la gestion des biens par les sociétés civiles immobilières (SCI). Cet article explore les faits de l’affaire, les arguments des parties, et les implications de la décision de la Cour, en intégrant les textes de loi utilisés.
Contexte de l’affaire
L’affaire concerne un litige entre un propriétaire immobilier, M. [I] [J], et une société civile immobilière (SCI). En 2001, la SCI a été constituée avec Mme [F] et M. [I] [J] comme associés. Le litige porte sur un prêt à usage des premier et deuxième étages d’un immeuble de la SCI consenti par M. [I] [J] à lui-même en 2013, sans autorisation des autres associés.
Arguments des parties
Arguments de M. [I] [J] :
Pouvoir du gérant : M. [I] [J] a soutenu que, en tant que gérant, il avait le pouvoir d’engager la SCI par des actes entrant dans l’objet social, conformément aux articles 1848, 1849 et 1852 du Code civil.
Utilisation des biens : Il a affirmé que le prêt à usage entrait dans l’objet social de la SCI, bien que cela ne soit pas spécifiquement mentionné dans les statuts.
Arguments de la SCI :
Absence d’autorisation : La SCI, représentée par Mme [F], a contesté la validité du prêt à usage, arguant que cette disposition devait être autorisée par l’assemblée générale des associés, selon les conditions prévues pour la modification des statuts.
Non-respect des statuts : Elle a soutenu que l’objet social ne permettait pas explicitement la mise à disposition gratuite des biens de la SCI, nécessitant ainsi une décision collective.
Décision de la Cour de Cassation
La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi de M. [I] [J], confirmant la décision de la cour d’appel. Les principaux points de la décision sont les suivants :
Validité de la clause de mise à disposition : La Cour a jugé que, selon les articles 1848, 1849 et 1852 du Code civil, la mise à disposition gratuite des biens de la SCI devait être autorisée par l’assemblée générale des associés, statuant dans les conditions prévues pour la modification des statuts.
Respect des statuts : La Cour a souligné que, sans mention explicite dans l’objet social, une telle décision ne pouvait être prise unilatéralement par le gérant. La cour d’appel a donc légitimement annulé le contrat de prêt à usage.
Équilibre contractuel : La Cour a rappelé l’importance de respecter les procédures internes à la SCI et les engagements pris par les parties, confirmant ainsi la nullité du contrat et les décisions prises par l’assemblée générale.
Implications de la décision
Cette décision a des implications importantes pour la gestion des SCI :
Renforcement des règles internes : Les gérants de SCI doivent obtenir l’autorisation de l’assemblée générale pour des actes non expressément prévus par les statuts, assurant ainsi une gestion transparente et conforme aux intérêts de tous les associés.
Prudence des gérants : Les gérants devront être prudents et veiller à respecter les statuts et les décisions collectives pour éviter des litiges similaires.
Importance des statuts : Cette décision souligne la nécessité d’avoir des statuts clairs et précis, incluant toutes les éventualités de gestion des biens de la SCI.
La décision de la Cour de Cassation du 2 mai 2024, n° 22-24.503, constitue une jurisprudence clé pour les sociétés civiles immobilières. En validant l’importance de l’autorisation collective pour la mise à disposition des biens, la Cour rappelle les règles strictes de gestion et le respect des statuts. Les gérants et associés de SCI devront tenir compte de cette décision dans leurs pratiques de gestion pour éviter des conflits juridiques.
Aide au logement : Prise en compte des revenus différés dans l’attribution des allocations de logement
La présente décision rappelle que lorsqu’un allocataire bénéficie d’une prestation sociale comme une aide au logement, il ne doit pas être le récipiendaire de revenus différés.
Le Conseil d’État a rendu une décision le 30 avril 2024, dans l’affaire n° 468 660, concernant la demande de Mme A visant à annuler une décision de la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) de la Gironde. Cette décision porte sur les critères d’appréciation des ressources pour le calcul des aides au logement et le traitement des revenus différés.
Mme A avait sollicité l’annulation de la décision du 10 mai 2021, par laquelle la directrice de la CAF de la Gironde avait refusé de lui accorder l’allocation de logement sociale (ALS) à compter du 1er janvier 2021. Cette décision s’appuyait sur le fait que les ressources de Mme A durant la période de référence excédaient le plafond prévu pour l’octroi de cette allocation. Le tribunal administratif de Bordeaux avait rejeté sa demande par un jugement du 16 mai 2022.
La décision de la directrice de la CAF reposait sur une évaluation des ressources de Mme A pour la période allant de décembre 2019 à novembre 2020. Les ressources considérées incluaient plusieurs rappels de pension de retraite dus pour les mois de février 2018 à novembre 2019. Ces rappels ont conduit à dépasser le plafond de ressources pour l’allocation de logement sociale.
Le Conseil d’État a examiné la légalité de cette décision en se fondant sur les dispositions du Code de la construction et de l’habitation et du Code général des impôts. Selon l’article L. 823-1 du Code de la construction et de l’habitation, le montant des aides personnelles au logement est calculé en fonction de la situation familiale, des ressources et de la valeur en capital du patrimoine du demandeur, ainsi que du montant du loyer payé. L’article R. 822-3 précise que les ressources et charges prises en compte pour le calcul de l’aide sont appréciées sur une période de référence, qui précède la date d’ouverture ou de réexamen du droit à l’aide.
Le Conseil d’État a également pris en compte l’article 163-0 A du Code général des impôts, qui prévoit que les revenus différés, perçus par suite de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable, sont imposés selon un calcul spécifique pour atténuer les effets de la progressivité de l’impôt. Toutefois, cette disposition n’implique pas que les revenus différés soient partiellement exclus de la base imposable.
Ainsi, le Conseil d’État a conclu que les revenus différés de Mme A, bien que perçus en 2020, devaient être entièrement pris en compte pour l’établissement de l’impôt sur le revenu pour cette période de référence. Par conséquent, ces revenus devaient également être inclus dans le calcul des ressources pour déterminer le droit à l’allocation de logement sociale.
En confirmant le jugement du tribunal administratif de Bordeaux, le Conseil d’État a jugé que les revenus différés devaient être intégralement pris en compte pour l’évaluation des ressources de Mme A, sans commettre d’erreur de droit.
En conclusion, le pourvoi de Mme A a été rejeté, ainsi que ses demandes d’indemnisation au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. Les conclusions de la directrice de la CAF de la Gironde pour le remboursement des frais de justice ont également été rejetées.
Cette décision du Conseil d’État clarifie les règles applicables aux revenus différés dans le calcul des aides au logement, affirmant que ces revenus doivent être pris en compte en totalité pour évaluer les droits des bénéficiaires.
Construction : Action en réparation des désordres : effet interruptif cantonné aux désordres dénoncés
Cass. 3e civ., 2 mai 2024, n° 22-23.004,
L’effet interruptif de prescription ou de forclusion est limité aux désordres spécifiquement mentionnés dans l’assignation.
Le 2 mai 2024, la Cour de cassation a rendu une décision importante dans le cadre du pourvoi n° 22-23.004. Cette affaire concerne la société Imefa 33 qui contestait un arrêt de la cour d’appel de Versailles en matière de construction et de désordres affectant un immeuble. Cet article explore les détails de la décision, les références juridiques pertinentes et les implications pour la jurisprudence en droit de la construction.
La société Imefa 33 avait engagé une action en justice suite à des désordres constatés dans des immeubles construits par la société Pinchinats. Les travaux avaient été réceptionnés en 1995, et divers intervenants étaient impliqués, notamment la société Eiffage et la Mutuelle des architectes français (MAF). Au cœur du litige se trouvait la question de la prescription des actions en responsabilité pour les désordres de construction.
Le point central du débat juridique portait sur l’effet interruptif de la prescription. La société Imefa 33 soutenait que l’assignation initiale interrompait la prescription pour tous les désordres, y compris ceux non expressément mentionnés dans l’assignation. Toutefois, la Cour de cassation a rejeté cet argument.
Article 2244 du Code civil (ancien texte) : Cet article prévoit que l’effet interruptif d’une assignation est limité aux désordres expressément mentionnés dans celle-ci. En d’autres termes, la prescription n’est interrompue que pour les désordres spécifiquement désignés dans l’assignation initiale.
Jurisprudence antérieure : La décision s’appuie également sur des arrêts précédents de la Cour de cassation. Par exemple, l’arrêt du 31 mai 1989 (3e Civ., pourvoi n° 87-16.389) et celui du 20 mai 1998 (3e Civ., pourvoi n° 95-20.870), qui ont tous deux établi que la prescription est interrompue uniquement pour les désordres mentionnés dans l’assignation initiale.
La Cour de cassation a donc rejeté le pourvoi de la société Imefa 33. Elle a confirmé que la demande d’extension de la mesure d’expertise à d’autres désordres ne suspend pas la prescription pour les nouveaux désordres non spécifiquement désignés dans l’assignation initiale. En conséquence, les demandes d’Imefa 33 concernant les décollements de peintures intérieures ont été jugées irrecevables pour cause de prescription.
Cette décision renforce l’importance pour les parties en litige de mentionner explicitement tous les désordres dans leur assignation initiale pour bénéficier de l’effet interruptif de prescription. Elle souligne également la rigueur avec laquelle la Cour de cassation applique les règles de prescription, garantissant ainsi la sécurité juridique.
Pour les praticiens du droit de la construction, cette décision rappelle la nécessité d’une grande précision dans la rédaction des assignations et des demandes d’expertise. En omettant de mentionner certains désordres, les parties risquent de voir leurs actions jugées irrecevables pour cause de prescription, comme ce fut le cas pour la société Imefa 33.
La décision de la Cour de cassation dans le cadre du pourvoi n° 22-23.004 illustre une application stricte des règles de prescription en matière de désordres de construction. En rejetant le pourvoi de la société Imefa 33, la Cour a réaffirmé l’importance de spécifier tous les désordres dans l’assignation initiale pour bénéficier de l’effet interruptif de prescription.
Urbanisme : Agrandissement des constructions littorales : l’état initial prévaut sur la dernière autorisation
CE, 30 avr. 2024, avis n° 490405
L’agrandissement d’une construction existante dans les communes littorales est évalué par rapport à l’état initial de la construction.
Le Conseil d’État, dans un avis rendu le 30 avril 2024 (avis n° 490405), a précisé que l’agrandissement d’une construction existante dans les communes littorales doit être évalué par rapport à l’état initial de la construction, et non en fonction de la dernière autorisation accordée. Cette décision a des implications importantes pour la gestion des extensions immobilières dans les zones côtières.
L’avis stipule que toute demande d’agrandissement sera comparée à l’état originel de la construction, tel qu’il existait avant toute modification ou extension préalable. Cette méthode d’évaluation a pour but de limiter l’impact des constructions sur les zones sensibles du littoral en empêchant une expansion progressive par le biais d’autorisations successives.
Pour les propriétaires et les promoteurs, cette interprétation signifie qu’il est nécessaire de prendre en compte l’état initial de toute construction lors de la planification d’un agrandissement. Il n’est plus possible de se baser uniquement sur les dimensions actuelles résultant d’autorisations antérieures. Cela pourrait impliquer des démarches administratives plus complexes et un besoin accru de documentation historique des propriétés.
Cette approche vise également à prévenir les abus potentiels et les contournements des réglementations en matière d’urbanisme. Les autorités locales devront s’assurer que chaque projet respecte ces nouvelles directives, renforçant ainsi le contrôle et la surveillance des développements littoraux.
L’avis du Conseil d’État du 30 avril 2024 impose un cadre plus rigide pour l’agrandissement des constructions littorales, en privilégiant l’état initial des bâtiments.
Urbanisme : Travaux en cours : une régularisation volontaire du permis de construire
L’Administration ne peut exiger du pétitionnaire, qui souhaite, en cours de construction, modifier le projet autorisé.
Le Conseil d’État a rendu une décision le 30 avril 2024, dans l’affaire n° 472746, portant sur la légalité d’une modification de permis de construire en cours de travaux. Ce litige met en évidence les conditions dans lesquelles un permis modificatif peut être délivré sans qu’il y ait une remise en cause de la conception générale du projet initial.
Le 12 septembre 2017, le maire de Dijon a délivré à M. A un permis de construire en vue de la surélévation et de l’extension d’une maison. Par un arrêté du 12 mars 2018, pris sur le fondement d’un procès-verbal ayant constaté des infractions dans l’exécution du permis, le maire a ordonné l’interruption des travaux. M. A a ensuite sollicité un permis de construire modificatif pour répondre aux infractions relevées, permis qui lui a été délivré le 27 mars 2019. MM. G et M. et Mme E ont demandé au tribunal administratif de Dijon d’annuler cet arrêté et les décisions de rejet de leurs recours gracieux respectifs. Le tribunal administratif a rejeté leurs demandes le 5 novembre 2020. Sur appel, la cour administrative d’appel de Lyon a annulé ces jugements et l’arrêté litigieux le 10 novembre 2022. M. A s’est pourvu en cassation contre cet arrêt.
Le Conseil d’État a d’abord examiné la recevabilité de l’intervention de la commune de Dijon, qui n’avait pas déposé son pourvoi dans les délais légaux. Par conséquent, son intervention a été jugée irrecevable.
En ce qui concerne la possibilité d’autoriser les modifications envisagées par un permis modificatif, le Conseil d’État a rappelé que l’autorité compétente peut délivrer un permis modificatif tant que la construction n’est pas achevée, à condition que les modifications n’apportent pas un bouleversement tel qu’il changerait la nature même du projet initial. La cour administrative d’appel de Lyon avait jugé que le dossier de demande de permis modificatif était incomplet parce qu’il ne mentionnait pas la démolition et la reconstruction des murs périphériques, ce qui empêchait le service instructeur d’apprécier l’ampleur des modifications. En fixant cette limite, la cour avait commis une erreur de droit, car un nouveau permis de construire n’est nécessaire que si les modifications changent la nature du projet.
En ce qui concerne la nécessité d’autoriser les travaux de consolidation des murs périphériques, les articles L. 461-1 et L. 461-4 du code de l’urbanisme permettent à l’autorité compétente de contrôler le respect de l’autorisation d’urbanisme en cours d’exécution. En cas d’infraction, l’autorité doit dresser un procès-verbal transmis au ministère public. Ainsi, le permis de construire modificatif n’avait pas à régulariser d’autres travaux non conformes au permis initial. Le contrôle de conformité des travaux peut être effectué après leur achèvement, avec la possibilité d’imposer une mise en conformité à ce stade.
Le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon, jugeant que cette dernière avait commis une erreur de droit en exigeant la régularisation d’autres travaux pour délivrer le permis modificatif. Le pourvoi de M. A a donc été accueilli, et il a été décidé de mettre à la charge de MM. G et de M. et Mme E le versement de 1 500 euros chacun au titre des frais de justice.
Urbanisme : Autorisation d’urbanisme : pièces manquantes de l’instruction
Une décision tacite de rejet de la demande ou une opposition tacite à déclaration naît à l’expiration du délai de trois mois suivant une demande de pièces.
Par un jugement du 28 juillet 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de M. B… visant à annuler l’arrêté du 18 mai 2018, par lequel le préfet de Corse-du-Sud a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison d’habitation à Coti-Chiavari. M. B… s’est pourvu en cassation contre l’arrêt du 27 décembre 2021 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté son appel contre ce jugement. Le Conseil d’État a rendu sa décision le 30 avril 2024 (avis n° 490405).
Aux termes de l’article L. 423-1 du code de l’urbanisme, les demandes de permis de construire doivent être présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d’État. L’article L. 424-2 du même code stipule que le permis est tacitement accordé si aucune décision n’est notifiée au demandeur à l’issue du délai d’instruction. L’article R. 423-19 précise que le délai d’instruction court à compter de la réception en mairie d’un dossier complet. L’article R. 423-22 indique que le dossier est réputé complet si l’autorité compétente n’a pas notifié au demandeur, dans le délai d’un mois à compter du dépôt, la liste des pièces manquantes.
Le dossier de M. B… a été jugé incomplet par l’administration, qui lui a demandé de fournir des pièces manquantes dans le délai légal d’un mois. Après réception de sa réponse, l’administration lui a demandé, en dehors de ce même délai, une des pièces déjà sollicitées. La cour administrative d’appel de Marseille a estimé que cette demande interrompait le délai d’instruction. Le Conseil d’État a jugé cette interprétation erronée, confirmant que seule la première demande de pièces manquantes, effectuée dans le délai d’un mois, était légale.
Le Conseil d’État a examiné la conformité du projet de M. B… aux règles spécifiques à l’aménagement et à la protection du littoral. Selon l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, l’extension de l’urbanisation dans les communes littorales doit se faire en continuité avec les agglomérations et villages existants. Le terrain de M. B… étant bordé par la mer, une vaste zone naturelle et une zone d’habitat à faible densité, le projet ne respectait pas cette exigence de continuité.
L’article L. 121-16 du code de l’urbanisme interdit les constructions sur une bande littorale de cent mètres à partir de la limite haute du rivage, en dehors des espaces urbanisés. Le Conseil d’État a confirmé que le projet de M. B… empiétait sur cette bande et que le terrain n’était pas dans un espace urbanisé, justifiant ainsi le refus du permis de construire.
Le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 27 décembre 2021, en concluant que le jugement du tribunal administratif de Bastia était correctement motivé. Le Conseil d’État a rejeté la demande de M. B… en confirmant que le refus du permis de construire était justifié par le non-respect des règles d’urbanisme spécifiques aux zones littorales et la réglementation sur la bande des cent mètres.
Urbanisme : Pas de contradiction au contradictoire lorsque le juge utilise seul le site Géoportail
Le site Internet Géoportail – bien connu notamment des amateurs de droit de l’urbanisme – a pour objet de faciliter l’accès à l’information géographique.
Le Conseil d’État a rendu une décision le 30 avril 2024, dans l’affaire n° 465124, concernant l’utilisation des données géographiques publiques disponibles sur le site Géoportail dans le cadre d’un litige d’urbanisme. Géoportail est un outil en ligne destiné à faciliter l’accès à l’information géographique, souvent utilisé par les professionnels du droit de l’urbanisme.
Dans cette affaire, le litige portait sur la classification d’une parcelle de terrain située à Saint-Hippolyte-du-Fort. Le requérant contestait la décision de la cour administrative d’appel de considérer que le terrain n’était pas situé dans une partie urbanisée de la commune et de le classer en zone naturelle et forestière. Il était soutenu que la cour avait fondé son appréciation sur des données géographiques sans les communiquer aux parties, ce qui, selon le requérant, violait le principe du caractère contradictoire de la procédure.
Le Conseil d’État a examiné les circonstances de l’affaire. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel, pour juger que le terrain en question ne pouvait être regardé comme situé dans une partie urbanisée de la commune, s’est appuyée, entre autres, sur les données publiques de référence produites par l’Institut géographique national (IGN) et librement accessibles au public sur le site Géoportail. La cour a relevé que le terrain, d’une superficie d’environ 6 200 m², se situait dans un vaste massif boisé naturel éloigné du centre du bourg, entouré de vastes terrains non bâtis, et qu’à l’exception de deux mazets, cette parcelle n’était pas bâtie.
Le Conseil d’État a jugé que la cour administrative d’appel avait le droit de se fonder sur ces données publiques sans les communiquer aux parties, car elles étaient librement accessibles au public. L’utilisation de ces données n’a pas méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure, puisque les parties pouvaient également y accéder. En outre, la cour avait considéré que le classement de cette parcelle en zone naturelle et forestière n’était pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
En statuant ainsi, le Conseil d’État a confirmé que la cour administrative d’appel n’avait pas commis d’erreur de droit ni dénaturé les faits. L’utilisation des données de Géoportail était légitime et appropriée pour appuyer son jugement sur la nature du terrain.
Cette décision du Conseil d’État illustre comment les données géographiques publiques peuvent être utilisées par les juridictions administratives pour évaluer la conformité des décisions d’urbanisme. Elle souligne également que l’accès libre et public à ces données permet leur utilisation sans violation du principe du contradictoire, dès lors que les parties ont la possibilité d’y accéder également.
Expropriation : Expropriation pour réserves foncières : degré d’aboutissement du projet
CE, 30 avr. 2024, n° 465919, Communauté d’agglo. Grand Angoulême
Si le programme d’aménagement ne peut être précisé que si la personne publique dispose de la maîtrise foncière des lieux.
Le Conseil d’État a rendu une décision le 30 avril 2024, dans l’affaire n° 465919, concernant la validité d’une déclaration d’utilité publique (DUP) lancée par la commune d’Angoulême et la communauté d’agglomération Grand Angoulême. Ce litige porte sur la justification de l’expropriation d’une friche industrielle pour un projet de renouvellement urbain.
En l’espèce, la cour administrative d’appel de Bordeaux avait jugé que la commune et la communauté d’agglomération ne justifiaient, à la date d’engagement de la procédure de DUP, d’aucun projet d’action ou d’opération d’aménagement défini, même dans ses grandes lignes. La cour avait ainsi annulé la DUP en raison de l’absence de précision sur le projet.
Cependant, le Conseil d’État a relevé que, selon les pièces du dossier, la commune et la communauté d’agglomération avaient l’intention de réserver le terrain F pour une opération de renouvellement urbain. Cette opération visait à résorber une friche industrielle à l’entrée de la ville, qui présentait un danger pour les habitants, et à développer de nouvelles zones d’activité économique ainsi qu’une offre de logements familiaux à loyer abordable. Ce projet était conforme à la vocation de la zone telle que modifiée par le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI), adopté en décembre 2019.
Bien que la consistance du projet n’ait été définie que de manière sommaire à l’époque de la DUP, il était nécessaire pour les collectivités de maîtriser le foncier afin de préciser le programme d’aménagement. Cela incluait la réalisation de diagnostics et d’actions de dépollution, rendus nécessaires par la présence historique de dépôts d’hydrocarbures sur le site. Ces missions avaient été confiées à l’établissement public foncier par une convention opérationnelle conclue le 9 mai 2017.
Le Conseil d’État a jugé que la cour administrative d’appel de Bordeaux avait inexactement qualifié les faits en estimant qu’il n’existait pas de projet d’action ou d’opération d’aménagement justifiant le recours à l’expropriation pour constituer une réserve foncière. La nécessité de disposer de la maîtrise foncière pour réaliser les diagnostics et les actions de dépollution, ainsi que pour élaborer les détails du projet de renouvellement urbain, justifiait la procédure de DUP.
En annulant la décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux, le Conseil d’État a reconnu la légitimité de la démarche entreprise par la commune et la communauté d’agglomération. Il a ainsi validé la DUP comme moyen de préparer un projet de renouvellement urbain, même si celui-ci n’était pas encore défini dans tous ses détails au moment de l’expropriation.
Saisie immobilière : Saisie pénale : l’immeuble frauduleusement donné à un tiers ne constitue pas l’objet du délit d’organisation frauduleuse d’insolvabilité
Cass. Com., 7 mai 2024, n° 23-82.628
La Cour de cassation a récemment rendu une décision importante concernant l’organisation frauduleuse d’insolvabilité, clarifiant la nature des actes constitutifs de ce délit, notamment en ce qui concerne les transferts de biens immobiliers à des tiers.
L’affaire concerne un débiteur qui avait transféré un immeuble à un tiers. Le créancier, estimant que ce transfert avait pour but d’organiser l’insolvabilité du débiteur et ainsi de le soustraire à l’exécution de sa dette, a contesté cet acte en justice. Cependant, la Cour de cassation a jugé que le simple transfert d’un immeuble à un tiers ne suffit pas à constituer une organisation frauduleuse d’insolvabilité. Pour qu’un tel délit soit retenu, il est nécessaire de prouver que l’acte a été commis dans le but explicite de soustraire des biens à l’exécution d’une dette. L’intention frauduleuse doit être clairement établie.
Un point central de cette décision est que la chambre de l’instruction aurait dû rechercher si l’immeuble était saisissable à un autre titre, notamment en tant qu’instrument de l’infraction, comme ayant permis sa commission. Cette nuance indique que même si le transfert de l’immeuble n’était pas destiné à frauder les créanciers, l’immeuble pourrait tout de même être saisi s’il a servi à commettre une infraction.
Cette décision de la Cour de cassation est significative pour la jurisprudence, car elle établit une distinction claire entre un transfert de biens innocent et une organisation frauduleuse d’insolvabilité. Elle souligne l’importance de prouver l’intention frauduleuse derrière le transfert de biens pour que le délit soit constitué. En outre, elle rappelle le devoir des juridictions de vérifier si un bien transféré peut être considéré comme saisissable pour d’autres motifs légaux, tels que son utilisation dans la commission d’une infraction.
Pour les créanciers, cette décision signifie qu’il leur faudra fournir des preuves solides de l’intention frauduleuse du débiteur lorsqu’ils contestent des transferts de biens. Pour les débiteurs, cela offre une certaine protection contre les accusations infondées d’organisation frauduleuse d’insolvabilité, tout en indiquant que les biens utilisés pour commettre une infraction restent vulnérables à la saisie.
Banque : Opération bancaire : appréciation souple du consentement du donneur d’ordre et limitation de la notion d’anomalie apparente
Cass. Com., 2 mai 2024, n° 22-21.642
Le 2 mai 2024, la Cour de cassation a rendu une décision dans le cadre du pourvoi n° 22-21.642, impliquant M. [V] et la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie. M. [V] avait souscrit 21 prêts immobiliers entre 2001 et 2008 auprès de cette banque pour financer l’acquisition et la rénovation de biens immobiliers à usage locatif, sans adhérer à l’assurance de groupe proposée. En 2010, un protocole de rééchelonnement de la totalité des prêts a été conclu entre M. [V] et la banque.
En 2012, après avoir été mis en arrêt de travail en raison d’une maladie dégénérative, M. [V] a assigné la banque en responsabilité, l’accusant de ne pas l’avoir mis en garde sur les risques encourus à ne pas souscrire une assurance décès, invalidité et incapacité totale de travail. La Cour d’appel de Caen avait rejeté sa demande en 2022, estimant que la banque avait rempli son devoir d’information.
La Cour de cassation a partiellement cassé cette décision. Selon les articles 1315 et 1147 du Code civil, le banquier qui propose un contrat d’assurance de groupe doit prouver qu’il a exécuté son devoir d’information sur l’adéquation des risques couverts à la situation personnelle de l’emprunteur. La simple remise d’une notice claire ne suffit pas. La banque doit également éclairer l’emprunteur sur les risques d’un défaut d’assurance. La Cour a estimé que la cour d’appel avait violé ces textes en jugeant que le devoir d’information du prêteur supposait l’adhésion de l’emprunteur à l’assurance de groupe.
La Cour de cassation a annulé la décision en ce qui concerne le rejet de la demande de dommages et intérêts de M. [V], tout en maintenant la condamnation de M. [V] à payer diverses sommes au titre des prêts impayés. L’affaire a été renvoyée devant la cour d’appel de Rouen pour un nouvel examen sur le manquement de la banque à son obligation d’information et de conseil quant à la souscription d’une assurance.
Banque : Délai de signalement d’une opération de paiement non autorisée et responsabilité de la banque
Cass. com., 2 mai 2024, n° 22-18.074,
La recevabilité de l’action en responsabilité à l’encontre de la banque, prestataire de service de paiement (PSP).
Le 2 mai 2024, la Cour de cassation a rendu une décision dans le cadre du pourvoi n° 22-18.074, impliquant M. [L] et la société Caisse d’épargne et de prévoyance Côte d’Azur. Le litige concernait des transactions non autorisées effectuées à l’aide d’un doublon de carte bancaire obtenu frauduleusement par une employée de la banque, Mme [X]. M. [L] avait engagé une action en justice contre la banque, invoquant la fraude commise par l’employée.
L’enjeu principal de cette affaire était la question de la forclusion, définie par l’article L. 133-24 du Code monétaire et financier. Cet article stipule qu’une opération de paiement non autorisée doit être contestée dans un délai de treize mois à compter de la date de débit du compte, sous peine de forclusion. M. [L] n’ayant pas respecté ce délai pour signaler les transactions frauduleuses, sa demande a été jugée irrecevable. La Cour a précisé que ce délai s’applique même si la fraude implique un employé de la banque.
La décision de la Cour s’appuie également sur l’article L. 133-6 du Code monétaire et financier, qui définit qu’une opération de paiement est autorisée seulement si le payeur a donné son consentement. Dans ce cas, le consentement de M. [L] n’avait pas été donné pour les transactions effectuées par Mme [X]. De plus, la Cour a cité la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, précisant que le régime de responsabilité des articles L. 133-18 à L. 133-20 du Code monétaire et financier est applicable exclusivement dans des cas similaires.
La Cour de cassation a donc rejeté le pourvoi de M. [L], confirmant que son action en responsabilité contre la banque était irrecevable pour cause de forclusion. Cette décision a également condamné M. [L] aux dépens, consolidant ainsi le cadre juridique autour des délais de contestation des opérations de paiement non autorisées.
Doctrine Administrative
Bail d’habitation : Procédure administrative d’évacuation forcée en cas de squat : publication d’une nouvelle circulaire
Circ. n° TREL2327219C, 2 mai 2024
Une circulaire mise en ligne le 16 mai expose aux préfets les conditions d’engagement et les modalités de mise en œuvre de la procédure administrative d’évacuation des squateurs.
Le 2 mai 2024, le ministère de l’Intérieur a publié la circulaire n° TREL2327219C, qui détaille la procédure administrative d’évacuation forcée en cas de squat. Mise en ligne le 16 mai 2024, cette circulaire fournit aux préfets des directives claires sur les conditions et les modalités de mise en œuvre de cette procédure, visant à protéger les droits des propriétaires tout en respectant les droits des occupants illégaux.
Face à l’augmentation des cas de squats et aux difficultés rencontrées par les propriétaires pour récupérer leurs biens, la circulaire TREL2327219C vise à :
Clarifier les Conditions d’Intervention : Définir précisément les situations dans lesquelles les préfets peuvent ordonner une évacuation forcée.
Simplifier les Procédures : Faciliter et accélérer les démarches administratives pour les propriétaires victimes de squats.
Assurer le Respect des Droits : Garantir que les procédures respectent les droits des occupants illégaux, en conformité avec les lois et règlements en vigueur.
Pour initier une procédure d’évacuation forcée, plusieurs conditions doivent être remplies :
Constat de l’Occupation Illégale : La procédure peut être engagée sur la base d’un constat d’occupation illégale établi par les forces de l’ordre.
Propriétaire Légitime : Le propriétaire doit prouver sa légitimité en fournissant les documents de propriété et une plainte déposée pour occupation illégale.
La mise en œuvre de l’évacuation forcée suit un processus structuré :
Instruction des Dossiers : Les préfets doivent traiter les dossiers de manière prioritaire et informer les parties concernées des délais et des étapes de la procédure.
Notification d’Évacuation : Une notification formelle d’évacuation doit être remise aux occupants illégaux, leur accordant un délai raisonnable pour quitter les lieux volontairement.
Intervention des Forces de l’Ordre : En cas de non-respect du délai, les forces de l’ordre sont autorisées à procéder à l’évacuation forcée, en veillant à minimiser les perturbations et à protéger les biens.
Mesures d’Accompagnement
Soutien Social : Collaboration avec les services sociaux pour fournir un soutien aux occupants évacués, incluant des solutions de relogement temporaire si nécessaire.
Protection des Biens : Assurer la sécurisation des biens du propriétaire et des effets personnels des occupants évacués.
Impact Attendu
La circulaire TREL2327219C devrait permettre une réponse plus rapide et efficace aux situations de squat, offrant une meilleure protection aux propriétaires tout en respectant les droits des occupants. Les principaux impacts attendus sont :
Réduction des Délais : Accélération des procédures d’évacuation, réduisant les délais pour récupérer les biens occupés illégalement.
Clarification des Rôles : Meilleure compréhension des responsabilités et des procédures pour les préfets et les forces de l’ordre.
Soutien aux Occupants : Mise en place de mesures pour aider les occupants illégaux à trouver des solutions de logement alternatives, réduisant les risques de récidive.
La publication de la circulaire n° TREL2327219C marque une étape significative dans la gestion des situations de squat en France. En clarifiant les conditions d’intervention et en simplifiant les procédures, le gouvernement cherche à renforcer la protection des propriétaires tout en garantissant un traitement équitable des occupants illégaux.
Environnement : Annonce d’un comité de suivi sur l’application de la loi limitant l’engrillagement dans les espaces naturels
Min. Transition écologique, actualités, 6 mai 2024
Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et le secrétaire d’État chargé de la Mer et de la Biodiversité ont annoncé une loi limitant l’engrillagement dans les espaces naturels.
Le 6 mai 2024, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, ainsi que le secrétaire d’État chargé de la Mer et de la Biodiversité, ont annoncé la mise en place d’un comité de suivi pour superviser l’application de la loi limitant l’engrillagement dans les espaces naturels. Cette annonce marque une étape importante dans la protection des écosystèmes et la promotion de la biodiversité en France.
L’engrillagement des espaces naturels, qui consiste à clôturer de vastes étendues de terres, a des conséquences négatives sur la faune et la flore. En entravant les déplacements des animaux et en fragmentant les habitats, cette pratique nuit gravement à la biodiversité. La loi limitant l’engrillagement vise à préserver la biodiversité, faciliter les déplacements des espèces animales, protéger les écosystèmes, réduire l’impact des clôtures sur les écosystèmes et promouvoir un usage responsable des terres en encourageant des pratiques de gestion respectueuses de l’environnement.
La loi introduit plusieurs mesures clés pour limiter l’engrillagement des espaces naturels. Les clôtures dépassant une certaine hauteur ou utilisant des matériaux empêchant le passage des animaux seront interdites dans les zones écologiquement sensibles. Dans les zones où des clôtures sont nécessaires, les propriétaires doivent installer des passages fauniques pour minimiser l’impact sur la faune. La loi identifie des zones prioritaires pour la biodiversité, incluant les parcs nationaux, les réserves naturelles et d’autres espaces protégés, où les restrictions seront les plus strictes. Des sanctions sont prévues pour les propriétaires qui ne respectent pas les nouvelles règles, incluant des amendes et des obligations de démantèlement des clôtures illégales.
Pour garantir la mise en œuvre efficace de cette loi, un comité de suivi a été institué. Ce comité supervisera que les dispositions de la loi sont correctement appliquées et respectées par les propriétaires fonciers et les gestionnaires d’espaces naturels. Une évaluation régulière des impacts de la loi sur la biodiversité et les écosystèmes sera réalisée pour ajuster les mesures si nécessaire. Le comité assurera la coordination entre les différentes parties prenantes, incluant les administrations locales, les associations de protection de l’environnement, et les propriétaires fonciers. Des campagnes d’information et de sensibilisation seront menées pour informer le public et les propriétaires fonciers des nouvelles obligations et des bonnes pratiques en matière de gestion des clôtures.
La mise en place de cette loi et du comité de suivi aura plusieurs implications pour les différents acteurs concernés. Les propriétaires devront adapter leurs pratiques de clôture pour se conformer aux nouvelles règles et pourraient être amenés à modifier ou à démanteler les clôtures existantes non conformes. Les collectivités locales devront collaborer avec le comité de suivi pour identifier les zones sensibles et s’assurer que les règlements locaux sont en conformité avec la loi nationale. Les associations de protection de l’environnement joueront un rôle dans la surveillance de la mise en œuvre de la loi et dans la sensibilisation du public aux enjeux de la biodiversité. Les citoyens seront informés des mesures et pourront participer aux efforts de protection de la biodiversité, notamment en signalant les clôtures non conformes.
Cette annonce représente un pas en avant significatif dans la protection de la biodiversité en France. En limitant l’engrillagement des espaces naturels, la loi contribue à préserver les écosystèmes et à promouvoir un usage responsable des terres. Les efforts de coordination et de sensibilisation entrepris par le comité de suivi seront essentiels pour assurer la réussite de cette initiative et pour garantir un avenir durable aux espaces naturels français.
Surendettement des particuliers : Renforcement de la coopération entre l’Unaf et la Banque de France pour soutenir les personnes en difficulté financière
Banque de France, communiqué, 7 mai 2024
L’Union nationale des associations familiales (Unaf) et la Banque de France ont renforcé leur coopération en faveur des personnes en difficulté financière.
Le 7 mai 2024, la Banque de France et l’Union nationale des associations familiales (Unaf) ont annoncé un renforcement de leur coopération en faveur des personnes en difficulté financière. Cette initiative vise à améliorer le soutien apporté aux particuliers surendettés, en optimisant les synergies entre les deux institutions et en renforçant les dispositifs existants.
Le surendettement est un problème majeur touchant de nombreuses familles en France. Il se manifeste par l’incapacité persistante de rembourser des dettes contractées, souvent dues à des événements imprévus comme la perte d’emploi, des problèmes de santé, ou des accidents de la vie. La collaboration entre la Banque de France et l’Unaf vise à offrir un accompagnement plus efficace et personnalisé aux personnes concernées.
L’Unaf, forte de son réseau d’associations familiales présentes sur tout le territoire, joue un rôle essentiel dans l’accompagnement des familles en difficulté. Elle offre des conseils juridiques, sociaux et financiers, aidant les familles à naviguer dans des situations complexes de surendettement. La Banque de France, quant à elle, est l’organisme public chargé de gérer les procédures de surendettement, incluant l’instruction des dossiers de surendettement et la mise en place de plans de redressement.
Le renforcement de la coopération entre ces deux entités se traduit par plusieurs mesures concrètes. Tout d’abord, un partage d’informations amélioré permet de mieux identifier les personnes en difficulté et de leur proposer rapidement des solutions adaptées. La Banque de France et l’Unaf s’engagent également à organiser conjointement des formations pour les conseillers et bénévoles des associations familiales, afin de les familiariser avec les procédures de surendettement et les meilleures pratiques pour accompagner les familles.
En outre, des campagnes de sensibilisation seront lancées pour informer le public sur les risques du surendettement et les moyens de le prévenir. Ces campagnes visent à toucher un large public, en utilisant divers canaux de communication tels que les médias sociaux, les sites internet des institutions partenaires, et des événements locaux.
Un autre axe de cette coopération renforcée concerne l’accompagnement des familles après la procédure de surendettement. Il s’agit de leur offrir un soutien continu pour éviter de retomber dans des situations difficiles. Cet accompagnement post-procédure inclut des conseils en gestion budgétaire, des ateliers de réinsertion professionnelle, et des actions visant à renforcer l’éducation financière des familles.
Cette initiative s’inscrit également dans le cadre du plan d’action national contre le surendettement, qui prévoit des mesures pour faciliter l’accès à des services bancaires de base, promouvoir l’inclusion financière et soutenir les initiatives locales de lutte contre le surendettement. La coopération renforcée entre l’Unaf et la Banque de France contribue à ces objectifs en mutualisant les ressources et en optimisant les interventions sur le terrain.
Les premiers résultats de cette coopération renforcée sont attendus dans les prochains mois. Les deux institutions se disent confiantes quant à l’impact positif de ces mesures sur les personnes en difficulté financière. Elles rappellent que la lutte contre le surendettement est un enjeu de société qui nécessite la mobilisation de tous les acteurs concernés, publics et privés.
Le renforcement de la coopération entre l’Unaf et la Banque de France marque une avancée importante dans le soutien aux personnes en difficulté financière en France. Par des actions coordonnées et un accompagnement personnalisé, cette initiative vise à offrir une aide plus efficace et durable aux familles surendettées, contribuant ainsi à leur stabilité financière et à leur bien-être général.
Projets, propositions et rapports
Succession : Frais bancaires sur succession : au tour des sénateurs d’adopter la proposition de loi en première lecture
Sénat, proposition de loi, TA n° 125, 15 mai 2024
Après l’Assemblée nationale le 29 février dernier (V. JCP N 2024, n° 11, act. 410), le Sénat a adopté en première lecture la proposition de loi sur les frais bancaires lors d’une succession.
Une proposition de loi visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession a été présentée, modifiant le code monétaire et financier. Cette initiative vise à alléger le fardeau financier des héritiers lors de la clôture des comptes et produits d’épargne des défunts, souvent grevés de frais importants. Voici une analyse détaillée de cette proposition et de ses implications.
Cette proposition introduit un nouvel article, L. 312-1-4-1, dans le code monétaire et financier. Elle stipule que les opérations liées à la clôture des comptes de dépôt, des comptes de paiement, des comptes sur livret et des produits d’épargne générale à régime fiscal spécifique du défunt ne font l’objet d’aucuns frais de la part des établissements bancaires dans certaines conditions. Les frais sont éliminés si l’héritier justifie de sa qualité par un acte de notoriété ou une attestation signée de tous les héritiers. Cela s’applique à condition que les opérations ne présentent pas de complexité manifeste due à l’absence d’héritiers, au nombre de comptes à clôturer, à la constitution de sûretés, ou à des éléments d’extranéité.
La proposition prévoit également l’absence de frais lorsque le montant total des soldes des comptes et de la valorisation des produits d’épargne du défunt est inférieur à un seuil fixé par un arrêté du ministre de l’Économie. De même, aucun frais ne peut être prélevé si le détenteur des comptes et produits d’épargne était mineur à la date du décès.
Pour les autres cas où des frais peuvent être appliqués, ces derniers sont encadrés et plafonnés. Un décret, pris après avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières, déterminera les conditions d’application et les modalités de plafonnement des frais. Ces frais ne pourront dépasser 1 % du montant total des soldes des comptes et de la valorisation des produits d’épargne, dans la limite d’un montant fixé par le décret.
L’article 1er bis de la proposition confirme ces dispositions, tandis que l’article 2 impose au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement dans un délai d’un an après la publication du décret. Ce rapport devra évaluer l’impact de la loi sur l’évolution des frais bancaires appliqués dans le cadre des opérations de clôture des comptes et produits d’épargne du défunt, en s’appuyant sur les travaux du Comité consultatif du secteur financier.
Cette proposition de loi est une réponse aux critiques récurrentes sur les frais élevés facturés par les établissements bancaires pour la gestion des successions. En encadrant et en réduisant ces frais, la loi vise à protéger les héritiers de charges financières souvent imprévues et lourdes, facilitant ainsi la gestion des successions.
L’impact attendu de cette loi est double. D’une part, elle devrait apporter un soulagement financier significatif aux familles endeuillées, qui n’auront plus à supporter des frais exorbitants pour la simple clôture des comptes et produits d’épargne. D’autre part, elle incitera les établissements bancaires à adopter des pratiques plus transparentes et équitables en matière de gestion des frais sur succession.
Échos et opinions
Logement : Logement pour tous : la Commission consultative des droits de l’homme exprime ses inquiétudes face au projet de loi
CNCDH, communiqué, 7 mai 2024 (Logement)
Dans un avis adopté le 28 mars, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) livre son sentiment sur le projet de loi relatif au logement pour tous.
Entreprise : Accompagnement des entreprises : les médiateurs des entreprises et du crédit vont sonder les entrepreneurs
Minefi, communiqué n° 1848, 14 mai 2024 (médiateur)
Au mois de mars, le médiateur des entreprises et le médiateur national du crédit ont été missionnés pour l’accompagnement des entreprises.
Chiffres et Statistiques
Entreprise : Accès des entreprises au crédit au 1er trimestre 2024
Banque de France, Statinfo, 3 mai 2024
Une majorité d’entreprises indique une stabilisation voire une baisse du coût du crédit. Les demandes de crédit sont stables depuis plusieurs trimestres.
Entreprise : Baisse des créations d’entreprises en mars 2024
INSEE, Inf. rap. n° 103, 26 avr. 2024
En mars 2024, le nombre total de créations d’entreprises, tous types d’entreprises confondus, baisse sur un mois de 1,9 % après – 0,6 % en février.
Entreprise : Défaillances d’entreprises en avril 2024
Banque de France, Statinfo, 16 mai 2024
À fin avril, le nombre cumulé de défaillances retrouve son niveau moyen prépandémique, comme anticipé.
Economie : En avril 2024, le climat des affaires en France est un peu moins favorable mais le climat de l’emploi s’améliore légèrement
INSEE, Inf. rap. n° 101, 25 avr. 2024
En avril 2024, le climat des affaires en France se dégrade un peu par rapport à mars. L’indicateur qui le synthétise, calculé à partir des réponses des chefs d’entreprise.
Famille
Recel : La qualification des parts d’une SCI constituée en cours de divorce par des époux communs en biens
Solution. – Dans un arrêt du 17 janvier 2024, la Cour de cassation a clarifié la qualification des parts d’une Société Civile Immobilière (SCI) constituée en cours de divorce par des époux mariés sous le régime de la communauté universelle. La Cour a statué que les parts sociales d’une SCI naissent à la date de l’immatriculation de la société, et non à la date de la signature des statuts.
Le litige opposait M. [V] [S] à Mme [Z] [Y] dans le cadre de leur divorce. Un jugement du 21 janvier 2013 avait prononcé leur divorce et homologué l’état liquidatif fixant la date des effets du divorce au 27 février 2012. Avant cette date, le 30 janvier 2012, M. [S] avait déposé 450 euros sur un compte au nom de la SCI Le Norvigie, en cours de formation. Les statuts de la SCI avaient été établis le 10 février 2012, et la société avait été immatriculée le 29 février 2012, avec une libération de son capital social le 10 juillet 2012.
Mme [Y] a assigné M. [S] en recel de communauté le 4 juillet 2017, arguant que les parts sociales de la SCI avaient été constituées avant la dissolution de la communauté. La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 27 janvier 2022, avait retenu que la naissance des parts sociales devait être située à la date de la signature des statuts, le 10 février 2012, et non à celle de l’immatriculation, le 29 février 2012. Par conséquent, les parts sociales étaient considérées comme des effets de la communauté.
- [S] a formé un pourvoi en cassation contre cette décision, invoquant que les parts sociales d’une SCI ne naissent qu’à la date de l’immatriculation de la société, conformément aux articles 1477 et 1842 du code civil. L’article 1477 prévoit que l’époux ayant détourné ou recelé des effets de la communauté est privé de sa portion dans ces effets, tandis que l’article 1842 stipule que les sociétés jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 17 janvier 2024, a annulé la décision de la cour d’appel de Versailles, jugeant que les droits sociaux naissent à la date de l’immatriculation de la société, et non lors de la conclusion du contrat de société. La Cour a relevé que l’immatriculation de la SCI Le Norvigie, suivie de la libération de son capital, était intervenue après la dissolution de la communauté, le 27 février 2012. Ainsi, les parts sociales acquises par M. [S] ne constituaient pas un effet de communauté, et l’accusation de recel de communauté était infondée.
Affaires
Cession de contrat : Cession de contrat et information du débiteur cédé
Cass. Com. 24 avril 2024, n°22-15.958
En cas de cession de contrat, l’information du débiteur cédé est requise à peine d’inopposabilité et peut être effectuée par tous moyens.
Dans une décision du 4 mars 2022, la Cour de cassation a apporté des précisions sur les exigences de forme pour la cession de contrats. Ce litige opposait la société Frog Planète, devenue Hipay, à la société Neosurf Cards France, devenue NS Cards France (Neosurf), avec une intervention de la société Mobiyo.
Le 23 juin 2005, Frog Planète avait conclu un contrat avec Neosurf pour proposer et installer des solutions de paiement en ligne auprès de sites marchands partenaires. Le 15 juin 2017, Hipay a transféré ce contrat à Mobiyo dans le cadre d’un apport partiel d’actifs. Cette cession de contrat a été notifiée à Neosurf par une lettre recommandée le 26 juillet 2017.
Mobiyo, invoquant des factures impayées, a assigné Neosurf en référé pour obtenir le paiement d’une provision. Cependant, le tribunal a décidé de renvoyer l’affaire pour un jugement au fond. Par la suite, Neosurf a assigné Hipay en intervention forcée.
En appel, la cour a rejeté la demande de Mobiyo en paiement à l’encontre de Neosurf, estimant que les échanges relatifs à la notification de la cession du contrat ne satisfaisaient pas aux exigences de l’article 1216, alinéa 3, du code civil, qui stipule qu’une cession de contrat doit être constatée par écrit à peine de nullité. Mobiyo a donc formé un pourvoi en cassation contre cette décision.
La Cour de cassation a examiné les moyens invoqués par Mobiyo. Le premier moyen contestait la nécessité d’un écrit ad validitatem pour l’accord du cédé à une cession de contrat. Le second moyen soulignait que les formes exigées pour la preuve ou l’opposabilité d’un contrat n’affectaient pas sa validité intrinsèque.
La Cour de cassation a rappelé que, selon l’article 1216, alinéa 1, du code civil, un contractant peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers avec l’accord du cocontractant (le cédé). Elle a précisé que cet accord peut être donné sans forme, tant qu’il est non équivoque et peut être prouvé par tout moyen. En outre, le défaut d’accord du cédé n’entraîne pas la nullité de la cession mais seulement son inopposabilité au cédé.
En statuant que la cession du contrat devait être annulée en raison de l’absence d’un écrit, la cour d’appel a violé ces principes. La Cour de cassation a donc annulé la décision de la cour d’appel, affirmant que l’absence d’un accord formel écrit ne pouvait entraîner la nullité de la cession du contrat, mais seulement son inopposabilité.
La décision de la Cour de cassation souligne que les exigences de forme doivent être interprétées de manière à ne pas invalider des accords contractuels, tout en respectant les droits des parties impliquées. En conséquence, la société Hipay a été mise hors de cause, et l’affaire a été renvoyée devant une autre cour d’appel pour un nouvel examen.