Textes
Fiscalité immobilière : Mise en œuvre des ajustements apportés par la loi de finances pour 2024 sur les plus-values de cession de locaux professionnels
Le décret n° 2024-495, publié au Journal Officiel le 1er juin 2024, concrétise les ajustements introduits par l’article 51 de la loi de finances pour 2024 concernant la fiscalité des plus-values de cession de locaux professionnels. Ces modifications visent principalement à redéfinir les conditions et les modalités d’imposition des plus-values réalisées lors de la vente de biens immobiliers à usage professionnel.
Les ajustements apportés se focalisent sur plusieurs aspects clés de la taxation des plus-values. Tout d’abord, ils introduisent une révision des abattements applicables en fonction de la durée de détention des biens. Jusqu’à présent, un abattement pour durée de détention était appliqué, réduisant progressivement l’assiette taxable au fur et à mesure que la période de détention s’allongeait. Le nouveau décret ajuste ces taux d’abattement pour les rendre plus avantageux pour les propriétaires ayant détenu leurs biens sur une longue période. Par exemple, les propriétaires détenant un bien depuis plus de 15 ans peuvent bénéficier d’un abattement substantiellement accru, favorisant ainsi les investisseurs à long terme.
Ensuite, le décret clarifie les conditions d’éligibilité pour bénéficier de l’exonération des plus-values lors de la vente de locaux à usage professionnel. Les nouvelles dispositions stipulent que pour être éligibles, les locaux doivent être réaffectés à un usage résidentiel dans les deux ans suivant la transaction. Cette réaffectation doit être attestée par un acte notarié ou un document officiel confirmant le changement de destination. Cette mesure vise à encourager la transformation des bureaux en logements, contribuant à pallier le déficit de logements dans certaines zones urbaines.
Un autre point important du décret concerne l’intégration des améliorations énergétiques dans le calcul des plus-values. Les coûts engagés pour la rénovation énergétique des locaux professionnels seront désormais partiellement déductibles de la base imposable des plus-values. Cette disposition s’inscrit dans la continuité des politiques écologiques du gouvernement, incitant les propriétaires à investir dans l’efficacité énergétique de leurs bâtiments avant leur cession. Les travaux éligibles incluent l’isolation, la modernisation des systèmes de chauffage, et l’installation de dispositifs économes en énergie, sous réserve qu’ils soient réalisés par des entreprises certifiées.
Par ailleurs, le décret précise les modalités de déclaration et de paiement des plus-values. Les vendeurs sont tenus de déclarer la cession et de payer l’impôt sur les plus-values au moment de la transaction, sauf s’ils bénéficient d’un report d’imposition. Ce report peut être accordé dans le cadre de certaines opérations de réinvestissement, à condition que les fonds issus de la vente soient réinvestis dans un délai de deux ans dans des actifs éligibles. Ces actifs peuvent inclure des biens immobiliers à usage professionnel ou résidentiel, ou des investissements dans des entreprises respectant certains critères définis par la loi.
Enfin, le décret n° 2024-495 introduit des pénalités renforcées en cas de non-respect des obligations de déclaration ou de paiement. Les contrevenants s’exposent à des amendes significatives, proportionnelles au montant de l’impôt éludé, ainsi qu’à des intérêts de retard. Ces mesures ont pour objectif de renforcer la discipline fiscale et de s’assurer que les vendeurs se conforment pleinement aux nouvelles régulations.
Ces ajustements apportés par la loi de finances pour 2024 et mis en œuvre par le décret n° 2024-495 illustrent la volonté du législateur de moderniser et d’adapter la fiscalité immobilière aux défis contemporains, tout en encourageant la réaffectation des locaux professionnels et l’investissement dans l’amélioration énergétique des bâtiments.
Jurisprudence
Contrats et obligations Action paulienne : inopposabilité de l’apport d’un immeuble du débiteur à une SCI
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 mai 2024 (n° 22-20.308) aborde la question de l’inopposabilité d’un apport d’immeuble effectué par un débiteur à une Société Civile Immobilière (SCI) dans le cadre de l’action paulienne. Ce cas illustre comment les créanciers peuvent utiliser l’action paulienne pour se protéger contre les actes de leur débiteur visant à réduire la garantie qu’ils représentent.
L’action paulienne, régie par l’article 1341-2 du Code civil, permet à un créancier de rendre inopposable à son égard les actes accomplis par son débiteur en fraude de ses droits. Dans cette affaire, un débiteur avait apporté un immeuble à une SCI, dont il était associé, ce qui avait pour effet de soustraire ce bien du patrimoine directement saisissable par ses créanciers. Ce transfert d’actif, effectué dans un contexte où le débiteur connaissait une situation financière difficile, a été contesté par l’un de ses créanciers, invoquant l’action paulienne.
Les juges du fond avaient initialement rejeté la demande du créancier, estimant que l’apport à la SCI ne pouvait être qualifié de frauduleux car le débiteur conservait indirectement une part de propriété via ses parts dans la SCI. Cependant, la Cour de cassation a infirmé cette décision, en se basant sur des principes établis dans la jurisprudence concernant l’action paulienne.
La Cour a rappelé que pour que l’action paulienne soit recevable, il doit être démontré que l’acte contesté cause un préjudice au créancier et que ce préjudice était connu du débiteur au moment où il a accompli l’acte. En l’espèce, l’apport de l’immeuble à la SCI, bien que n’impliquant pas une perte totale de la propriété pour le débiteur, diminuait la capacité immédiate de saisie du créancier, ce qui constituait un préjudice. La Cour a également souligné que le débiteur, en réalisant cet apport dans un contexte de difficultés financières, ne pouvait ignorer l’impact négatif sur la garantie de ses créanciers.
L’arrêt précise aussi que le caractère frauduleux de l’acte n’implique pas nécessairement une intention malveillante. Il suffit que l’acte ait pour conséquence de rendre plus difficile le recouvrement de la créance. En l’occurrence, en apportant l’immeuble à la SCI, le débiteur avait réduit la capacité du créancier à saisir directement ce bien, le rendant ainsi inopposable au créancier.
En outre, la Cour a rejeté l’argument selon lequel la préservation d’un droit de propriété indirect à travers des parts de la SCI pourrait compenser le préjudice subi par le créancier. La saisie des parts de la SCI par le créancier est souvent plus complexe et moins efficace que la saisie d’un bien immobilier directement détenu par le débiteur.
Cette décision s’inscrit dans une série de jugements où la Cour de cassation a réaffirmé l’importance de l’action paulienne comme moyen de protection des droits des créanciers. Elle démontre que les créanciers peuvent contester efficacement les actes de disposition du débiteur qui nuisent à leur capacité de recouvrement, même lorsque ces actes impliquent des structures complexes comme les SCI.
Cet arrêt illustre aussi la vigilance nécessaire pour les créanciers face aux manœuvres des débiteurs visant à protéger leurs actifs des saisies. Les créanciers doivent être attentifs aux actes de leurs débiteurs qui pourraient, même indirectement, diminuer la garantie que représentent les biens appartenant au débiteur. En recourant à l’action paulienne, ils disposent d’un outil juridique puissant pour défendre leurs droits et assurer le paiement de leurs créances.
L’arrêt du 29 mai 2024 confirme ainsi la position constante de la Cour de cassation : les créanciers ont le droit de contester tout acte du débiteur qui leur porte préjudice, même si cet acte consiste en un apport de biens à une structure dans laquelle le débiteur conserve une certaine participation.
Cautionnement : Responsabilité de la caution au-delà de la durée de l’obligation principale : une obligation persistante en l’absence de stipulation limitative
L’arrêt de la Cour de cassation du 29 mai 2024 (n° 22-21.041) réaffirme la position de la haute juridiction sur la responsabilité des cautions dans le cadre des contrats de cautionnement, en l’absence de stipulation limitative de durée. Cette décision précise que la responsabilité de la caution peut se prolonger au-delà de la durée initiale de l’obligation principale si aucune clause n’en limite expressément la portée.
Dans cette affaire, une société s’était engagée en tant que caution pour garantir les obligations d’une autre entreprise dans le cadre d’un contrat de prêt. Le cautionnement ne comportait pas de clause précisant une durée limitée pour l’engagement de la caution. Lorsque l’obligation principale a été modifiée, prolongée ou renouvelée sans l’accord explicite de la caution, la question de la persistance de sa responsabilité s’est posée.
Les juges du fond avaient initialement décidé que la responsabilité de la caution ne pouvait s’étendre au-delà de la durée initiale du contrat principal sans un accord spécifique et distinct pour chaque prolongation ou renouvellement de l’obligation principale. Cependant, la Cour de cassation a infirmé cette interprétation en s’appuyant sur les principes traditionnels du droit des sûretés.
La Cour a rappelé que, sauf clause contraire, la caution est présumée s’engager non seulement pour la durée initiale de l’obligation principale mais aussi pour toutes ses extensions, tant que l’obligation principale subsiste. Ainsi, en l’absence de stipulation limitative de durée, la caution continue d’être responsable des dettes de l’obligé principal même si celles-ci sont prolongées ou renouvelées au-delà de la période initialement prévue.
Cet arrêt souligne la nécessité pour les cautions de négocier et d’inscrire clairement dans le contrat les limites temporelles de leur engagement. La jurisprudence de la Cour de cassation est constante sur ce point : le silence sur la durée de l’engagement de la caution doit être interprété en défaveur de la caution, celle-ci étant alors engagée jusqu’à l’extinction complète de l’obligation principale.
La décision de la Cour de cassation s’appuie sur une lecture stricte des articles du Code civil relatifs au cautionnement. L’article 2310 du Code civil stipule que le cautionnement ne se présume pas et doit être expressément convenu. Cependant, la jurisprudence interprète que cette nécessité de précision concerne l’engagement lui-même et non la durée de cet engagement, sauf mention contraire dans le contrat. En d’autres termes, l’absence de stipulation limitative entraîne la continuation de la responsabilité de la caution aussi longtemps que dure l’obligation principale.
L’arrêt du 29 mai 2024 s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence antérieure. Par exemple, dans une décision de 2015, la Cour avait déjà jugé que la responsabilité de la caution subsistait tant que l’obligation principale n’était pas éteinte, même si cette obligation était renouvelée ou prolongée au-delà de la durée initialement prévue (Cass. com., 15 septembre 2015, n° 14-11.323).
En pratique, cette jurisprudence impose aux cautions de faire preuve d’une vigilance accrue lors de la conclusion des contrats de cautionnement. Les cautions doivent s’assurer que le contrat précise clairement la durée de leur engagement ou inclut une clause limitative de responsabilité en cas de modification de l’obligation principale. Faute de quoi, elles pourraient se trouver engagées bien au-delà de la période initialement envisagée, ce qui pourrait avoir des conséquences financières importantes.
Cette affaire illustre également l’importance pour les entreprises de bien comprendre les implications juridiques des engagements de cautionnement. Les cautionnements sont souvent considérés comme de simples formalités, mais ils peuvent en réalité engager la responsabilité des cautionnaires de manière significative et prolongée. Les parties à un contrat de cautionnement doivent donc soigneusement examiner et négocier les termes de ces engagements pour éviter des surprises désagréables à l’avenir.
En somme, l’arrêt du 29 mai 2024 de la Cour de cassation renforce la nécessité pour les cautions d’être proactives et précises dans la délimitation de leur engagement temporel dans les contrats de cautionnement. Il rappelle que, sans stipulation limitative claire, la responsabilité de la caution peut s’étendre aussi longtemps que subsiste l’obligation principale, imposant ainsi une charge persistante sur les cautionnaires.
Bail commercial : Suspension de la prescription biennale des actions liées aux baux commerciaux en cas de fraude
L’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 30 mai 2024 (n° 23-10.184) aborde la question de la suspension du délai de prescription biennale applicable aux actions en matière de baux commerciaux en cas de fraude. Cet arrêt marque une étape importante dans la protection des droits des parties en présence de manœuvres frauduleuses.
Dans le cadre des baux commerciaux, la prescription biennale est le délai légal pendant lequel les parties peuvent intenter une action pour faire valoir leurs droits. Selon l’article L.145-60 du Code de commerce, ce délai commence à courir à partir de la connaissance par la partie concernée des faits générateurs de la contestation. Passé ce délai, l’action est prescrite et ne peut plus être légalement poursuivie.
L’affaire jugée par la Cour de cassation concernait un différend entre un locataire et son bailleur commercial. Le locataire avait découvert tardivement des manœuvres frauduleuses de la part du bailleur, qui avaient pour effet de fausser les termes du bail et de causer un préjudice au locataire. Ce dernier avait alors intenté une action en justice pour faire valoir ses droits, bien que le délai de prescription de deux ans soit normalement écoulé.
Les juges du fond avaient estimé que le locataire ne pouvait plus agir en justice, le délai de prescription étant expiré. Cependant, la Cour de cassation a infirmé cette décision en affirmant que la fraude suspend le cours de la prescription. La Cour a ainsi établi que lorsqu’une partie est victime de fraude, le délai de prescription biennale ne court pas tant que la fraude n’est pas découverte. En d’autres termes, la prescription est suspendue jusqu’à ce que la partie lésée ait une connaissance suffisante de la fraude pour pouvoir agir en justice.
Cette décision repose sur le principe selon lequel la fraude ne peut jamais être protégée par la loi. En présence de fraude, il serait injuste de permettre au fautif de bénéficier de l’écoulement du délai de prescription pour échapper à ses responsabilités. La jurisprudence de la Cour de cassation, bien que rare sur ce point précis en matière de baux commerciaux, rejoint une logique générale de droit qui veut que la fraude suspend les délais de prescription dans diverses branches du droit.
L’arrêt du 30 mai 2024 précise aussi que la suspension de la prescription en cas de fraude n’est pas limitée à la simple découverte de l’acte frauduleux, mais s’étend à la période pendant laquelle la partie victime ne pouvait raisonnablement pas découvrir la fraude. Cette extension est essentielle pour protéger les victimes qui, en raison des actions dissimulées ou de la complexité des manœuvres frauduleuses, ne peuvent pas être tenues de découvrir immédiatement les faits en cause.
Dans le contexte des baux commerciaux, cet arrêt a des implications importantes. Il signifie que les locataires et les bailleurs doivent être particulièrement vigilants quant aux actes pouvant être considérés comme frauduleux. Les manœuvres telles que la dissimulation d’informations essentielles, la présentation délibérément trompeuse de conditions de bail ou toute autre action malhonnête peuvent entraîner une suspension de la prescription biennale.
Cette jurisprudence impose également une charge accrue de vigilance et de transparence aux parties engagées dans des baux commerciaux. Les bailleurs, notamment, doivent être conscients que toute tentative de fraude pour induire les locataires en erreur ou pour éviter leurs propres obligations contractuelles peut non seulement être contestée, mais également prolonger le délai pendant lequel les locataires peuvent exercer leurs droits.
En pratique, cet arrêt incite les parties à un bail commercial à examiner attentivement leurs relations contractuelles et à veiller à la conformité de leurs actions avec les principes de bonne foi et de transparence. Les locataires, de leur côté, peuvent se sentir rassurés de savoir que leurs droits ne sont pas nécessairement limités par le délai de prescription s’ils sont confrontés à des actes frauduleux de la part de leur bailleur.
En somme, la décision du 30 mai 2024 de la Cour de cassation est un rappel clair que la fraude suspend la prescription biennale des actions liées aux baux commerciaux. Cela renforce la nécessité pour toutes les parties d’agir avec intégrité et de s’assurer que leurs pratiques contractuelles respectent les normes légales et éthiques.
Bail rural : Point de départ du délai de forclusion de l’action en nullité d’une vente méconnaissant le droit de préemption du preneur
Cass. 3e civ., 30 mai 2024, n° 21-21.366,
L’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 30 mai 2024 (n° 21-21.366) apporte une clarification importante concernant le point de départ du délai de forclusion pour l’action en nullité d’une vente d’un bien rural effectuée en méconnaissance du droit de préemption du preneur. Ce droit, prévu par le Code rural et de la pêche maritime, permet au locataire agricole (ou preneur) d’acquérir en priorité le terrain qu’il exploite en cas de vente par le propriétaire.
Dans cette affaire, un propriétaire avait vendu un bien rural sans en informer le preneur, qui disposait pourtant d’un droit de préemption. Le preneur, apprenant la vente après coup, a intenté une action en nullité de la vente, arguant que son droit de préemption avait été violé. L’enjeu central de l’affaire résidait dans la détermination du point de départ du délai de forclusion pour cette action en nullité.
Le droit de préemption rural, selon l’article L. 412-1 du Code rural et de la pêche maritime, impose au propriétaire vendeur de notifier son intention de vendre au preneur, qui dispose alors d’un délai pour exercer son droit de préemption. En cas de non-respect de cette procédure, le preneur peut engager une action en nullité de la vente. Cependant, cette action est soumise à un délai de forclusion, qui limite dans le temps la possibilité de contester la vente.
Dans son arrêt du 30 mai 2024, la Cour de cassation a précisé que le point de départ de ce délai de forclusion est la date à laquelle le preneur a eu connaissance effective de la vente. La Cour a ainsi rejeté l’idée que le délai commence à courir à partir de la date de l’acte de vente ou de la publication de l’acte au fichier immobilier, ce qui pourrait être le cas si la connaissance par le preneur était présumée.
La Cour a insisté sur le fait que la protection du preneur implique qu’il soit effectivement informé de la vente pour pouvoir exercer ses droits de manière éclairée. Dès lors, le délai de forclusion pour contester la vente ne commence qu’à partir du moment où le preneur est informé de la vente, et non de la date de la vente elle-même. Cette position vise à assurer une protection réelle et effective du droit de préemption du preneur, en évitant que le délai de recours ne s’épuise avant même que le preneur ait pu prendre connaissance de la vente.
Cette décision de la Cour de cassation est en accord avec une jurisprudence constante qui tend à privilégier une interprétation protectrice des droits des preneurs. Par le passé, la Cour avait déjà jugé que le délai de forclusion pour exercer le droit de préemption en cas de vente d’un bien rural commence à courir à compter de la notification régulière de l’intention de vendre au preneur, et non à partir de la seule publication de la vente.
L’arrêt de mai 2024 renforce cette ligne jurisprudentielle en appliquant ces principes au contexte de l’action en nullité pour méconnaissance du droit de préemption. Il souligne que la date de connaissance effective par le preneur est déterminante pour le calcul du délai de forclusion. Cette connaissance peut être établie par divers moyens, tels que la notification officielle ou la découverte fortuite par le preneur.
Ce jugement a des implications importantes pour les propriétaires et les preneurs. Les propriétaires doivent veiller à respecter strictement les procédures de notification prévues par la loi pour éviter que les ventes soient contestées ultérieurement. De leur côté, les preneurs doivent être attentifs et réactifs à toute information concernant la vente de biens qu’ils exploitent pour exercer leur droit de préemption en temps voulu.
La décision du 30 mai 2024 de la Cour de cassation clarifie que le point de départ du délai de forclusion de l’action en nullité d’une vente qui méconnaît le droit de préemption du preneur est la date de connaissance effective de la vente par le preneur. Cela assure une protection adéquate du droit de préemption, garantissant que les preneurs ont une réelle opportunité de faire valoir leurs droits, même en cas de vente non conforme par les propriétaires.
Bail rural : Conditions de forme de la résiliation du bail rural en cas de décès du preneur
Cass. 3e civ., 30 mai 2024, n° 22-22.158
L’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 30 mai 2024 (n° 22-22.158) aborde la question des conditions de forme nécessaires pour la résiliation d’un bail rural en cas de décès du preneur. Ce type de bail, régulé par le Code rural et de la pêche maritime, permet à un propriétaire de louer des terres ou des bâtiments agricoles à un exploitant pour une durée déterminée. Lorsque le preneur décède, des règles spécifiques s’appliquent pour protéger les intérêts de la famille du preneur et pour assurer la continuité de l’exploitation agricole.
Le Code rural, et plus précisément l’article L. 411-35, stipule que le décès du preneur ne met pas automatiquement fin au bail. Ce dernier peut être transféré aux héritiers ou aux ayants droit du preneur, sous certaines conditions. Le bailleur ne peut pas résilier le bail sans avoir suivi les procédures strictes imposées par la loi, qui visent à garantir que les héritiers ont l’opportunité de poursuivre l’exploitation.
Dans le cas examiné, le bailleur avait demandé la résiliation du bail après le décès du preneur, arguant que les formalités nécessaires n’avaient pas été respectées par les héritiers. Les héritiers, de leur côté, contestaient cette demande, affirmant que le bailleur n’avait pas respecté les procédures légales pour initier la résiliation. La Cour de cassation a donc dû examiner si le bailleur avait effectivement suivi les conditions de forme exigées par la loi pour résilier le bail.
La Cour a précisé que plusieurs conditions de forme doivent être rigoureusement respectées pour qu’une demande de résiliation soit recevable. Tout d’abord, le bailleur doit notifier sa demande de résiliation à tous les héritiers ou ayants droit du preneur décédé. Cette notification doit être formelle et explicite, détaillant les motifs de la résiliation et informant les héritiers de leurs droits à reprendre le bail. Sans une telle notification, les héritiers ne sont pas en mesure de prendre des décisions éclairées concernant la reprise du bail.
Ensuite, le respect des délais légaux est fondamental. La loi impose un délai souvent de six mois après le décès du preneur avant que le bailleur ne puisse demander la résiliation. Ce délai permet aux héritiers de se regrouper et de décider s’ils souhaitent reprendre l’exploitation ou non. Toute demande de résiliation faite avant l’expiration de ce délai est considérée comme prématurée et donc irrecevable.
En plus de ces notifications et délais, le bailleur doit consulter les instances agricoles locales, telles que le comité départemental des baux ruraux. Ces instances jouent un rôle consultatif important et peuvent donner un avis sur la légitimité de la résiliation demandée par le bailleur, en tenant compte de l’impact sur l’exploitation agricole.
Enfin, la résiliation ne peut être demandée que pour des motifs légitimes. Cela inclut des situations où les héritiers n’ont pas exprimé leur volonté de reprendre le bail ou n’ont pas respecté les conditions d’exploitation convenues dans le bail initial. La Cour de cassation a souligné que ces motifs doivent être clairement justifiés et documentés pour éviter toute résiliation arbitraire.
Dans cette affaire, la Cour de cassation a jugé que le bailleur n’avait pas correctement respecté les conditions de notification aux héritiers et n’avait pas attendu les délais requis. En conséquence, la procédure de résiliation initiée par le bailleur a été jugée irrégulière et sa demande de résiliation du bail a été rejetée. La Cour a ainsi réaffirmé l’importance du respect des procédures légales dans la gestion des baux ruraux, en particulier en cas de décès du preneur.
Cette décision a des implications significatives pour les bailleurs et les preneurs dans le domaine des baux ruraux. Les bailleurs doivent s’assurer de suivre scrupuleusement les procédures de résiliation pour éviter les litiges et garantir la validité de leurs actions. Pour les preneurs et leurs héritiers, il est essentiel de connaître leurs droits et les formalités que le bailleur doit respecter pour assurer la protection de leurs intérêts.
Construction : Dommages à l’ouvrage existant : conditions de garantie de l’assurance obligatoire
Cass. 3e civ., 30 mai 2024, n° 22-20.711,
L’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 30 mai 2024 (n° 22-20.711) clarifie les conditions sous lesquelles l’assurance obligatoire de construction couvre les dommages causés à un ouvrage existant lors de la construction d’un nouvel ouvrage. En vertu de l’article L. 242-1 du Code des assurances, l’assurance dommages-ouvrage est destinée à garantir la réparation rapide des dommages matériels affectant l’ouvrage neuf après sa réception. Cependant, la couverture des dommages à des structures préexistantes soulève des questions spécifiques.
Dans cette affaire, la construction d’un bâtiment neuf avait endommagé un bâtiment adjacent déjà existant. Le propriétaire du bâtiment endommagé avait réclamé une indemnisation auprès de l’assureur dommages-ouvrage du nouvel ouvrage. L’assureur avait refusé cette demande, arguant que l’assurance ne couvrait pas les dommages aux ouvrages préexistants sauf conditions spécifiques.
La Cour de cassation a confirmé que l’assurance obligatoire de construction ne couvre les dommages causés à des ouvrages existants par la construction d’un nouvel ouvrage que si certaines conditions précises sont remplies. Premièrement, la couverture de tels dommages doit être explicitement incluse dans le contrat d’assurance. Cela signifie que pour que ces dommages soient couverts, le contrat doit stipuler clairement que la garantie s’étend également aux dommages causés aux bâtiments préexistants par la construction du nouvel ouvrage. Sans cette mention explicite, la couverture est généralement limitée aux dommages affectant l’ouvrage neuf.
Deuxièmement, il est nécessaire de prouver un lien de causalité direct entre les travaux de construction et les dommages subis par l’ouvrage existant. La responsabilité de l’assureur ne peut être engagée que si les dommages peuvent être directement attribués aux travaux effectués pour la construction du nouvel ouvrage. Cette preuve implique souvent une expertise technique pour établir que les travaux de construction ont effectivement causé les dommages.
Troisièmement, les dommages à l’ouvrage existant doivent être liés à des manquements aux règles de l’art ou aux normes techniques en vigueur lors de l’exécution des travaux. Si les dommages sont dus à une mauvaise exécution des travaux ou à un non-respect des normes de construction, cela peut justifier la couverture par l’assurance obligatoire. Les constructeurs doivent donc veiller à respecter toutes les normes techniques pour minimiser les risques de dommages aux structures voisines.
Dans le cas examiné, la Cour de cassation a jugé que, en l’absence de mention explicite dans le contrat d’assurance et sans preuve claire de la responsabilité directe des travaux dans les dommages causés, l’assurance obligatoire ne pouvait pas être tenue de couvrir les dommages au bâtiment existant. Cette décision met en évidence l’importance pour les maîtres d’ouvrage et les constructeurs de comprendre les limites de la couverture fournie par leurs polices d’assurance.
Les maîtres d’ouvrage doivent s’assurer que leur contrat d’assurance inclut une clause spécifique pour couvrir les dommages aux ouvrages existants si nécessaire pour leur projet. De plus, les constructeurs doivent prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter de causer des dommages aux structures adjacentes. La décision de la Cour de cassation est alignée avec les principes généraux de l’assurance et de la responsabilité en matière de construction. Elle précise que, sauf stipulation contraire, l’assurance dommages-ouvrage est principalement destinée à couvrir les dommages à l’ouvrage neuf et non aux structures préexistantes.
Cet arrêt souligne l’importance de la clarté contractuelle et de la diligence dans la gestion des projets de construction. Les parties impliquées doivent s’assurer que toutes les dimensions de leur risque sont bien couvertes par leurs polices d’assurance. En conclusion, l’arrêt du 30 mai 2024 de la Cour de cassation stipule que l’assurance obligatoire de construction ne couvre les dommages à un ouvrage existant causés par la construction d’un ouvrage neuf que si ces dommages sont explicitement inclus dans le contrat d’assurance, s’ils sont directement causés par les travaux et s’ils résultent de manquements techniques ou normatifs.
Marché public : Sauf révocation, le mandataire d’un groupement d’entreprises demeure l’interlocuteur unique du maître d’ouvrage
CAA Marseille, 21 mai 2024, n° 22MA02173,
et de la gestion des relations avec le maître d’ouvrage. En pratique, cela signifie que toute communication officielle, modification contractuelle, ou demande d’information doit transiter par le mandataire.
L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille met également en lumière l’importance de la stabilité et de la clarté dans les relations contractuelles dans les marchés publics. En maintenant le mandataire comme unique interlocuteur, le maître d’ouvrage peut traiter avec une seule entité, ce qui simplifie la gestion du marché et assure que les informations sont transmises de manière cohérente et structurée.
Cette position est conforme à une jurisprudence constante visant à renforcer la fonction de représentation du mandataire. La Cour a souligné que la révocation du mandataire ne peut se faire que par une décision explicite et formellement communiquée au maître d’ouvrage. Jusqu’à ce que cette révocation soit officiellement notifiée, le mandataire désigné reste l’unique représentant autorisé du groupement d’entreprises.
Dans l’affaire jugée, la tentative du maître d’ouvrage de contacter directement les membres du groupement sans passer par le mandataire a été jugée non conforme aux règles contractuelles. La Cour a souligné que cette approche crée des risques de malentendus, de confusion sur les responsabilités et d’incohérence dans la gestion du marché.
Cette décision a des implications pratiques importantes pour les groupements d’entreprises dans les marchés publics. Les membres d’un groupement doivent s’assurer que le mandataire est clairement identifié et que tous les membres respectent son rôle de coordination et de communication. Les maîtres d’ouvrage, quant à eux, doivent traiter exclusivement avec le mandataire pour toute question relative au marché, à moins qu’une révocation formelle n’ait été communiquée.
De plus, la désignation du mandataire doit être bien précisée dans les accords internes du groupement et dans les documents de marché pour éviter toute ambiguïté. Les clauses de révocation éventuelle doivent également être clairement définies pour que, le cas échéant, la transition se fasse de manière ordonnée et conforme aux dispositions légales.
L’arrêt du 21 mai 2024 de la Cour administrative d’appel de Marseille réaffirme que, dans un groupement conjoint d’entreprises engagé dans un marché public, le mandataire désigné reste l’interlocuteur unique du maître d’ouvrage sauf révocation explicite. Cela assure une communication centralisée, prévient les conflits et facilite une gestion claire et efficace du marché.
Urbanisme : La relation toujours à préciser entre l’autorisation d’urbanisme et le PLU
CE, 31 mai 2024, n° 467427, SCI du Domaine de la Tour
L’arrêt du 31 mai 2024 rendu par le Conseil d’État (n° 467427) dans l’affaire opposant la SCI du Domaine de la Tour à la commune concernée souligne l’importance de la conformité entre les autorisations d’urbanisme et les documents d’urbanisme en vigueur, notamment le Plan Local d’Urbanisme (PLU). Cette décision montre les exigences rigoureuses que les autorités administratives doivent respecter lors de la délivrance des permis de construire ou autres autorisations d’urbanisme.
Dans cette affaire, la SCI du Domaine de la Tour avait obtenu un permis de construire basé sur un PLU qui, à la date de la délivrance du permis, n’était plus en vigueur. Le document d’urbanisme pertinent avait été révisé, mais l’autorisation mentionnait encore l’ancien PLU. La question soumise au Conseil d’État était de savoir si le simple visa de l’ancien PLU dans l’autorisation d’urbanisme suffisait à invalider cette autorisation.
Le Conseil d’État a statué que le visa d’un document d’urbanisme périmé dans une autorisation d’urbanisme ne suffit pas à rendre cette autorisation invalide, à condition que la conformité de l’autorisation au document en vigueur soit clairement démontrée. En d’autres termes, ce n’est pas le visa d’un document ancien qui importe, mais la conformité effective du projet au PLU ou aux documents d’urbanisme en vigueur au moment de la délivrance de l’autorisation.
Cette décision clarifie que les autorités doivent s’assurer que les autorisations d’urbanisme qu’elles délivrent sont en conformité avec les documents d’urbanisme applicables à la date de leur délivrance. Si une erreur formelle est commise, comme la mention d’un document périmé, cela ne rend pas automatiquement l’autorisation illégale si le contenu du projet respecte les règles en vigueur au moment de son approbation.
Le Conseil d’État a également précisé que, pour vérifier la conformité d’une autorisation d’urbanisme avec le PLU en vigueur, il est essentiel d’examiner le contenu et les prescriptions du document applicable au moment de la décision. L’administration doit s’assurer que toutes les exigences réglementaires et les objectifs fixés par le PLU en vigueur sont respectés par le projet de construction.
Dans le cas spécifique de la SCI du Domaine de la Tour, le permis de construire avait été contesté par des tiers qui arguaient que le PLU mentionné dans l’autorisation n’était plus en vigueur et que cela rendait l’autorisation illégale. Le Conseil d’État a rejeté cet argument, estimant que la conformité du projet avec le PLU en vigueur au moment de la délivrance de l’autorisation avait été correctement établie, même si l’autorisation mentionnait par erreur l’ancien PLU.
Cette décision rappelle l’importance de la rigueur dans la préparation et la vérification des documents d’urbanisme et des autorisations correspondantes. Les autorités délivrantes doivent non seulement vérifier la conformité des projets aux documents d’urbanisme en vigueur, mais aussi veiller à ce que les références aux documents soient exactes et mises à jour.
Par ailleurs, cette décision souligne la responsabilité des pétitionnaires et des autorités compétentes de vérifier systématiquement les documents de référence lors de la préparation et de l’examen des demandes de permis de construire. Les erreurs formelles peuvent être tolérées si elles ne portent pas atteinte à la légalité substantielle de l’autorisation, mais il est préférable de les éviter pour minimiser les risques de contentieux.
En pratique, pour les développeurs immobiliers et les autorités locales, cette jurisprudence implique qu’une attention particulière doit être portée à la mise à jour et à la précision des documents d’urbanisme utilisés dans les procédures d’autorisation. Les services d’urbanisme doivent assurer une vigilance constante pour aligner les autorisations sur les documents en vigueur et éviter toute mention d’anciens documents qui pourraient prêter à confusion.
Enfin, cette décision du Conseil d’État du 31 mai 2024, dans l’affaire de la SCI du Domaine de la Tour, renforce la nécessité de maintenir une relation claire et précise entre les autorisations d’urbanisme et les documents d’urbanisme en vigueur, garantissant ainsi que les décisions prises sont bien fondées sur les règles applicables au moment de leur adoption.
Urbanisme : Précisions sur la délimitation des zones par les PLU
L’arrêt du Conseil d’État du 29 mai 2024 (n° 461648) apporte des précisions importantes sur la manière dont les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) peuvent délimiter les zones et autoriser certaines activités dans des secteurs spécifiques, en l’occurrence les carrières dans une zone agricole. Cet arrêt met en lumière la flexibilité accordée aux PLU dans la régulation de l’utilisation des sols, tout en respectant les dispositions légales en vigueur.
Dans le cas examiné, le règlement du PLU de la commune concernée autorisait l’exploitation de carrières dans un secteur spécifique d’une zone classée « agricole A ». Cette décision avait été contestée par des tiers qui soutenaient que cette autorisation était incompatible avec la vocation agricole de la zone. Le Conseil d’État a dû déterminer si le PLU pouvait légalement permettre une telle activité dans une zone agricole, en s’appuyant notamment sur les dispositions de l’article R. 151-34 du Code de l’urbanisme.
L’article R. 151-34 du Code de l’urbanisme définit les règles applicables aux zones agricoles dans les PLU. Ces zones sont principalement destinées à protéger les terres agricoles et à favoriser les activités agricoles. Cependant, cet article prévoit également la possibilité pour le règlement d’un PLU d’autoriser d’autres activités, sous certaines conditions. Le texte stipule que le PLU peut délimiter des secteurs spécifiques au sein des zones agricoles où des activités non agricoles, comme les carrières, peuvent être autorisées si elles ne compromettent pas la vocation agricole prédominante de la zone.
Le Conseil d’État a confirmé que cette délimitation est légale tant que les activités autorisées respectent le cadre fixé par le PLU et les objectifs de l’article R. 151-34. La Cour a souligné que la réglementation des PLU doit permettre une certaine flexibilité pour répondre aux besoins locaux tout en garantissant la protection des terres agricoles. Ainsi, un PLU peut légalement autoriser l’exploitation de carrières dans une zone agricole, à condition que cette activité soit soigneusement délimitée et justifiée dans le cadre du PLU.
Cette décision reflète une interprétation pragmatique des règles d’urbanisme, permettant aux communes de s’adapter aux spécificités locales tout en respectant les directives générales de l’aménagement du territoire. Le Conseil d’État a reconnu que les PLU doivent équilibrer la protection des terres agricoles avec d’autres besoins d’utilisation du sol, tels que l’exploitation des ressources naturelles.
Dans l’affaire jugée, le Conseil d’État a examiné si le PLU respectait cette balance en autorisant l’exploitation de carrières dans la zone agricole concernée. Il a jugé que le règlement du PLU avait délimité de manière appropriée les secteurs où les carrières pouvaient être exploitées sans porter atteinte à la vocation agricole globale de la zone. La décision souligne que la légalité de telles autorisations dépend de la rigueur avec laquelle les secteurs sont définis et de la justification de leur compatibilité avec l’usage agricole principal.
Cet arrêt a des implications importantes pour les collectivités locales dans la planification de l’utilisation des sols. Les communes doivent veiller à ce que les PLU soient rédigés de manière à permettre une certaine flexibilité tout en protégeant les intérêts agricoles et en respectant les cadres légaux. Les PLU doivent être élaborés avec une attention particulière à la justification des activités autorisées dans les zones agricoles, en démontrant clairement qu’elles ne compromettent pas la vocation agricole dominante.
Pour les exploitants de carrières et autres activités non agricoles, cette décision offre une clarification bienvenue sur les possibilités d’opérer dans des zones agricoles, à condition que les PLU locaux le permettent explicitement. Ils doivent toutefois s’assurer que leurs projets sont conformes aux délimitations spécifiques et aux justifications fournies par le PLU pour éviter toute contestation juridique.
L’arrêt du 29 mai 2024 du Conseil d’État précise que les PLU peuvent légalement autoriser des activités comme l’exploitation de carrières dans des zones agricoles, à condition que ces autorisations soient délimitées de manière précise et justifiée conformément à l’article R. 151-34 du Code de l’urbanisme. Cette flexibilité permet aux communes de s’adapter aux besoins locaux tout en assurant la protection des terres agricoles, reflétant ainsi un équilibre entre développement local et préservation des espaces agricoles.
Droit de préemption : Intérêt à agir en matière de droit de préemption urbain et délai imparti à la collectivité pour l’exercer
CE, 29 mai 2024, n° 489337, Sté Cel Pires
L’arrêt du Conseil d’État du 29 mai 2024 (n° 489337) dans l’affaire de la Société Cel Pires clarifie des aspects essentiels concernant l’exercice du droit de préemption urbain, particulièrement en cas de changement d’acquéreur après l’envoi de la déclaration d’intention d’aliéner (DIA). Ce droit permet à une collectivité locale d’acquérir en priorité un bien immobilier mis en vente dans une zone définie, afin de réaliser des projets d’intérêt général. Lorsqu’un propriétaire souhaite vendre un bien situé dans une zone de préemption, il doit notifier cette intention à la collectivité en envoyant une DIA. La collectivité dispose alors d’un délai pour décider si elle souhaite exercer son droit de préemption.
Dans cette affaire, la Société Cel Pires avait envoyé une DIA à la collectivité pour informer de son intention de vendre un bien immobilier. Après l’envoi de cette déclaration, l’acquéreur initialement prévu a été remplacé par un autre. La collectivité a contesté ce changement d’acquéreur, arguant que cette modification après réception de la DIA influait sur son droit de préemption et nécessitait une réévaluation des conditions de vente. Le Conseil d’État a dû déterminer si ce changement justifiait un nouvel examen par la collectivité et si cela affectait le délai pour exercer son droit de préemption.
Le Conseil d’État a statué que la collectivité locale a un intérêt légitime à être informée de tout changement d’acquéreur après l’envoi de la DIA. Ce changement constitue une modification significative des conditions de la vente et peut affecter la décision de la collectivité d’exercer ou non son droit de préemption. La cour a précisé que la collectivité doit être pleinement informée des conditions de l’aliénation pour évaluer correctement l’opportunité de préempter le bien. Un changement d’acquéreur après l’envoi de la DIA modifie les paramètres de la transaction, justifiant ainsi que la collectivité réévalue son intérêt à exercer son droit.
Le Conseil d’État a également précisé que le délai imparti à la collectivité pour exercer son droit de préemption recommence à courir à partir de la date à laquelle elle est informée de manière formelle du changement d’acquéreur. Cette interprétation repose sur le principe que chaque modification substantielle des conditions de vente doit être portée à la connaissance de la collectivité, lui permettant ainsi de disposer du délai complet pour examiner cette nouvelle situation. La collectivité doit donc recevoir une notification officielle du changement d’acquéreur, et ce n’est qu’à partir de cette notification que le délai recommence à courir.
Cet arrêt a des implications importantes pour les propriétaires de biens immobiliers, les collectivités locales et les acquéreurs potentiels. Pour les propriétaires, il est crucial de notifier toute modification de l’acquéreur initialement désigné dans la DIA à la collectivité. En l’absence de cette notification, la vente pourrait être contestée ou retardée. Les collectivités locales bénéficient d’une protection renforcée, car elles peuvent réévaluer leur intérêt à préempter un bien chaque fois que les conditions de la vente changent de manière significative après l’envoi de la DIA. Cela leur offre une meilleure capacité à adapter leur stratégie d’acquisition de biens en fonction des nouveaux éléments qui peuvent émerger au cours du processus de vente.
Les acquéreurs potentiels doivent également être conscients que leur substitution en tant qu’acheteur doit être traitée avec transparence vis-à-vis de la collectivité. Le changement d’acquéreur peut déclencher une nouvelle période d’évaluation pour la collectivité, prolongeant potentiellement le processus de vente et compliquant les négociations. Cette décision du Conseil d’État garantit que les collectivités locales disposent de toutes les informations nécessaires pour exercer leur droit de préemption de manière éclairée et équitable. Elle renforce les principes de transparence et d’équité dans l’exercice du droit de préemption urbain, en assurant que les décisions de préemption sont basées sur les conditions réelles et actuelles de la vente.
L’arrêt du 29 mai 2024 du Conseil d’État clarifie que toute modification de l’acquéreur après l’envoi de la DIA justifie que la collectivité soit informée de ce changement et que le délai pour exercer son droit de préemption soit recalculé à partir de cette notification. Cela permet aux collectivités de réévaluer de manière adéquate l’opportunité d’exercer leur droit en tenant compte des nouvelles conditions de vente.
Société (en général) : Assemblée générale : la nullité des résolutions pas si simple à obtenir !
Cass. com., 29 mai 2024, n° 22-13.710,
L’arrêt du 29 mai 2024 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation (n° 22-13.710) clarifie les conditions strictes pour obtenir la nullité des résolutions adoptées lors des assemblées générales des sociétés. Dans cette affaire, des actionnaires avaient contesté plusieurs résolutions de l’assemblée générale, invoquant des irrégularités dans les procédures de convocation et de vote. Les résolutions portaient sur des sujets cruciaux, tels que la nomination des administrateurs et l’approbation des comptes annuels. Les actionnaires plaignants demandaient l’annulation de ces résolutions, affirmant que les violations des règles de convocation et de vote avaient entaché le processus.
La Cour de cassation a réaffirmé que la nullité des résolutions ne peut être prononcée que dans des circonstances spécifiques, encadrées par le droit des sociétés. Elle a souligné que les irrégularités formelles, comme des erreurs dans les convocations ou des défauts mineurs dans le déroulement de l’assemblée, ne suffisent pas à elles seules à justifier la nullité des résolutions. Les juges doivent évaluer si ces irrégularités ont eu une incidence significative sur le résultat des votes ou sur la prise de décision. En d’autres termes, il faut prouver que ces irrégularités ont affecté de manière substantielle les droits des actionnaires ou faussé la procédure de décision.
Les actionnaires demandant la nullité doivent démontrer que les irrégularités ont causé un préjudice réel et sérieux. Cette preuve est souvent difficile à établir, car elle nécessite de montrer que l’issue de l’assemblée aurait pu être différente sans les irrégularités alléguées. La Cour a insisté sur le fait que la simple présence d’irrégularités formelles ne suffit pas. Il faut prouver que ces irrégularités ont influencé de manière décisive le vote ou la décision prise par l’assemblée. Les juges doivent donc analyser si les irrégularités ont eu un impact substantiel sur la décision finale.
La Cour a également évoqué le principe de proportionnalité dans l’évaluation des demandes de nullité. Ce principe implique que la sanction de nullité ne doit être prononcée que si elle est proportionnée à la gravité de l’irrégularité et à ses conséquences sur les droits des actionnaires et la validité des décisions. Des irrégularités mineures qui n’ont pas eu d’impact significatif sur les résultats des délibérations ne devraient pas conduire à l’annulation des résolutions. La Cour a donc mis l’accent sur la nécessité d’une évaluation équilibrée et raisonnable de l’impact des irrégularités.
En outre, la Cour a précisé que certaines irrégularités peuvent entraîner la nullité des résolutions si elles contreviennent aux bonnes mœurs ou à l’ordre public. Par exemple, une résolution adoptée en violation manifeste des droits fondamentaux des actionnaires, ou qui serait contraire aux règles impératives du droit des sociétés, pourrait être annulée sans besoin de démontrer un préjudice particulier. Cette perspective renforce l’idée que certaines violations sont si graves qu’elles justifient à elles seules l’annulation des résolutions concernées.
Dans l’affaire jugée, les actionnaires avaient invoqué plusieurs irrégularités dans le processus de convocation et le déroulement de l’assemblée. Toutefois, la Cour de cassation a jugé que ces irrégularités n’étaient pas suffisamment graves pour justifier la nullité des résolutions adoptées. La Cour a estimé que les erreurs de convocation n’avaient pas eu d’impact substantiel sur le résultat des votes et que les plaignants n’avaient pas réussi à prouver un préjudice réel et sérieux. Cette décision reflète une tendance jurisprudentielle visant à limiter les annulations de résolutions aux cas où des irrégularités importantes et préjudiciables sont clairement établies.
Pour les sociétés, cet arrêt souligne l’importance de suivre scrupuleusement les procédures légales et statutaires lors des assemblées générales, afin de minimiser les risques de contestation. Bien que des erreurs mineures ne conduisent généralement pas à l’annulation des résolutions, il est toujours préférable de respecter strictement les règles de convocation, de délibération et de vote pour éviter les litiges. Cette rigueur procédurale est essentielle pour garantir la validité des décisions prises par les assemblées générales.
En somme, l’arrêt du 29 mai 2024 de la Cour de cassation réaffirme que la nullité des résolutions d’assemblée générale n’est pas aisée à obtenir et exige la démonstration d’irrégularités graves ayant causé un préjudice réel et sérieux. Cette décision souligne l’importance de la rigueur procédurale dans les assemblées générales des sociétés et la nécessité pour les actionnaires contestataires de prouver concrètement l’impact des irrégularités sur les décisions contestées.
Société (en général) : Invalidité de la clause statutaire ayant pour objet ou pour effet de priver l’associé de voter sur sa propre exclusion
Cass. com., 29 mai 2024, n° 22-13.158,
L’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 29 mai 2024 (n° 22-13.158) aborde la question délicate de la validité des clauses statutaires qui privent un associé de son droit de vote dans une décision concernant sa propre exclusion de la société. Cet arrêt souligne les principes fondamentaux de l’équité et des droits des associés dans la gouvernance des sociétés.
Dans cette affaire, les statuts d’une société prévoyaient que l’exclusion d’un associé devait être décidée par les associés réunis en assemblée générale. Cependant, les mêmes statuts incluaient une clause stipulant que l’associé visé par la procédure d’exclusion ne pouvait pas participer au vote concernant sa propre exclusion. L’associé exclu avait contesté cette clause, arguant qu’elle portait atteinte à ses droits fondamentaux d’associé, notamment son droit de vote.
La Cour de cassation a jugé que la clause statutaire privant un associé de son droit de vote sur sa propre exclusion est invalide. La décision repose sur plusieurs principes essentiels du droit des sociétés et de la jurisprudence en matière de gouvernance d’entreprise.
Premièrement, la Cour a souligné que le droit de vote des associés est un droit fondamental qui ne peut être limité que dans des cas très spécifiques et justifiés. En effet, chaque associé a le droit de participer à la prise de décision au sein de l’assemblée générale, ce qui inclut la participation au vote sur toutes les résolutions, y compris celles qui concernent sa propre exclusion. La privation de ce droit de vote est considérée comme une atteinte grave à l’équité et à l’équilibre des droits entre les associés.
Deuxièmement, la Cour a rappelé que les clauses statutaires doivent respecter les principes généraux de transparence et d’équité dans la gestion des sociétés. Une clause qui exclut un associé de la décision relative à son propre sort ne respecte pas ces principes, car elle empêche l’associé concerné de défendre ses intérêts et de participer de manière équitable au processus décisionnel. La participation de l’associé visé au vote est essentielle pour garantir que la procédure d’exclusion soit juste et impartiale.
Troisièmement, la Cour a précisé que même en présence d’un conflit d’intérêts potentiel, le droit de l’associé de voter sur sa propre exclusion ne peut être automatiquement retiré. Le droit des sociétés prévoit des mécanismes pour gérer les conflits d’intérêts sans pour autant priver les associés de leurs droits fondamentaux. Par exemple, la jurisprudence permet de tenir compte du vote de l’associé concerné pour atteindre les majorités requises, tout en assurant que ce vote ne fausse pas de manière déloyale le résultat global.
Dans cette affaire, l’associé exclu avait fait valoir que sa participation au vote n’aurait pas changé l’issue de la décision d’exclusion, mais la Cour de cassation a jugé que le simple fait de priver un associé de son droit de vote sur sa propre exclusion constitue une violation de ses droits. Cette décision établit que l’intégrité du processus décisionnel doit être préservée et que tous les associés doivent pouvoir exercer pleinement leurs droits de vote, même dans des situations où ils sont directement concernés par la décision.
En conséquence, la clause statutaire qui prive un associé de son droit de vote sur sa propre exclusion est déclarée nulle et sans effet. Cela signifie que dans toutes les situations futures, les sociétés doivent veiller à ce que leurs statuts respectent le droit des associés à participer à toutes les décisions, y compris celles concernant leur propre exclusion. Les statuts de la société doivent être révisés pour supprimer ou modifier toute clause qui limiterait injustement les droits de vote des associés.
Cet arrêt de la Cour de cassation a des implications importantes pour la gouvernance des sociétés. Il rappelle que les droits fondamentaux des associés, y compris le droit de vote, doivent être protégés et que toute limitation de ces droits doit être justifiée par des motifs sérieux et proportionnés. Les sociétés doivent veiller à ce que leurs statuts respectent ces principes pour éviter des contestations juridiques et des litiges entre associés.
Pour les praticiens du droit des sociétés, cette décision renforce l’importance de rédiger des statuts qui garantissent une gouvernance équitable et transparente. Les avocats et les conseillers en entreprise doivent être particulièrement vigilants lors de la rédaction ou de la révision des statuts pour s’assurer que les droits des associés sont pleinement respectés et protégés.
En somme, l’arrêt du 29 mai 2024 de la Cour de cassation établit clairement que toute clause statutaire visant à priver un associé de son droit de vote sur sa propre exclusion est invalide. Cette décision souligne la nécessité de respecter les droits fondamentaux des associés dans la gestion des sociétés et d’assurer que tous les processus décisionnels sont menés de manière équitable et transparente.
Défiscalisation immobilière : Responsabilité de l’intermédiaire à l’opération de défiscalisation en cas de rectification fiscale
Cass. 2e civ., 30 mai 2024, n° 22-16.275,
L’arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 30 mai 2024 (n° 22-16.275) traite de la responsabilité des intermédiaires en matière de défiscalisation immobilière en cas de rectification fiscale. Cet arrêt précise les conditions dans lesquelles les sociétés en charge de l’opération de défiscalisation peuvent être tenues responsables des conséquences d’une rectification fiscale pour les investisseurs.
Dans cette affaire, des investisseurs avaient participé à une opération de défiscalisation immobilière orchestrée par des sociétés spécialisées. Suite à une rectification fiscale, les avantages fiscaux attendus par les investisseurs ont été remis en cause, entraînant des pertes financières substantielles pour ces derniers. Les investisseurs ont alors cherché à engager la responsabilité des sociétés intermédiaires, les accusant de fautes dans la gestion de l’opération de défiscalisation.
La Cour de cassation a statué que la responsabilité des intermédiaires peut être engagée, sauf à démontrer que, sans leur faute, la rectification fiscale n’aurait pas eu lieu. Cela signifie que les sociétés en charge de l’opération doivent prouver que leur conduite a été irréprochable et que la rectification fiscale est due à des facteurs indépendants de leur action.
Premièrement, la Cour a souligné que les intermédiaires en défiscalisation ont une obligation de conseil et de diligence envers leurs clients. Ils doivent s’assurer que les opérations de défiscalisation proposées respectent strictement les dispositions fiscales en vigueur et que les investisseurs sont correctement informés des risques associés. Toute négligence dans cette obligation de conseil peut entraîner leur responsabilité en cas de rectification fiscale.
Deuxièmement, la Cour a précisé que les sociétés intermédiaires doivent démontrer qu’elles ont pris toutes les mesures nécessaires pour sécuriser l’opération de défiscalisation. Cela inclut la vérification de la conformité des montages fiscaux, la transparence des informations fournies aux investisseurs et le respect des procédures administratives requises. En l’absence de preuves de telles diligences, la responsabilité des intermédiaires peut être engagée.
Troisièmement, la Cour a affirmé que les investisseurs doivent prouver le lien de causalité entre la faute des intermédiaires et la rectification fiscale. Cela implique de démontrer que la rectification est directement imputable aux actions ou omissions fautives des sociétés en charge de l’opération. Si les investisseurs ne parviennent pas à établir ce lien de causalité, la responsabilité des intermédiaires ne peut être retenue.
Dans cette affaire, la Cour de cassation a jugé que les sociétés intermédiaires n’avaient pas fourni suffisamment de preuves démontrant qu’elles avaient respecté leurs obligations de conseil et de diligence. Par conséquent, leur responsabilité a été retenue, les obligeant à indemniser les investisseurs pour les pertes subies en raison de la rectification fiscale.
Cet arrêt a des implications importantes pour les professionnels de la défiscalisation immobilière. Il rappelle la nécessité pour les intermédiaires de veiller à la rigueur et à la transparence dans la conduite des opérations de défiscalisation. Les sociétés doivent s’assurer que leurs clients sont pleinement informés des risques et des conditions associées aux avantages fiscaux proposés. De plus, elles doivent documenter de manière exhaustive leurs démarches de conseil et de vérification pour se prémunir contre d’éventuelles accusations de négligence.
Pour les investisseurs, cet arrêt souligne l’importance de choisir des intermédiaires compétents et diligents, capables de garantir la conformité des opérations de défiscalisation aux dispositions fiscales en vigueur. En cas de rectification fiscale, les investisseurs disposent d’un recours contre les intermédiaires fautifs, à condition de prouver que les pertes subies résultent directement de leurs manquements.
Fiscalité : Exonération de droits de mutation à titre gratuit : parts de société holding
CA Paris, pôle 5, ch. 10, 13 mai 2024, n° 22/02881
L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 13 mai 2024 (n° 22/02881) clarifie les conditions dans lesquelles les parts de société holding peuvent bénéficier de l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit, conformément à l’article 787 B du Code général des impôts (CGI). Cette exonération vise à faciliter la transmission des entreprises en allégeant la charge fiscale sur les héritiers ou les bénéficiaires d’une donation. Pour qu’une société holding puisse prétendre à cette exonération, elle doit non seulement détenir des participations, mais aussi justifier d’une activité animatrice effective de ses filiales.
Dans l’affaire jugée, les héritiers d’un défunt cherchaient à bénéficier de l’exonération partielle pour les parts détenues dans une société holding. L’administration fiscale avait contesté cette demande, estimant que la holding ne remplissait pas les critères nécessaires pour être qualifiée d’animatrice. La Cour d’appel a examiné si la société en question exerçait effectivement un rôle actif dans la gestion de ses filiales, au-delà de la simple détention de participations.
Pour bénéficier de l’exonération, les parts doivent être détenues dans le cadre d’un engagement collectif de conservation, souvent appelé « pacte Dutreil ». Cet engagement exige que les associés conservent les parts pour une durée minimale de deux ans avant la transmission, et que les héritiers ou bénéficiaires poursuivent cet engagement pour quatre ans supplémentaires après la transmission. De plus, l’un des associés doit exercer une fonction de direction pendant toute la durée de l’engagement collectif et les trois années suivant la transmission des parts.
La Cour d’appel a précisé que pour être qualifiée de holding animatrice, une société doit participer activement à la conduite de la politique de ses filiales et au contrôle de leurs activités. Cela implique que la holding doit fournir des services de gestion ou de support aux filiales et être impliquée de manière substantielle dans leurs décisions stratégiques et opérationnelles. Les héritiers devaient prouver que la holding remplissait ce rôle pour bénéficier de l’exonération.
En l’espèce, la Cour a examiné les preuves fournies par les héritiers pour démontrer que la holding animait effectivement ses filiales. Cela incluait des documents montrant que la holding participait activement à la gestion des filiales, tels que des comptes rendus de réunions, des contrats de prestation de services, et des rapports de gestion illustrant son implication dans les décisions clés des filiales. La Cour a conclu que la holding remplissait les critères requis pour être considérée comme une animatrice, ce qui permettait aux parts de bénéficier de l’exonération partielle prévue par l’article 787 B du CGI.
Cette décision a des implications importantes pour les sociétés holding et leurs conseillers fiscaux. Elle souligne l’importance de documenter et de prouver l’activité d’animation pour les holdings souhaitant profiter des avantages fiscaux liés à la transmission d’entreprises. Les sociétés holding doivent s’assurer qu’elles jouent un rôle actif et documenté dans la gestion de leurs filiales, et que cette activité est clairement démontrée.
Pour les familles possédant des sociétés holding, cette clarification juridique est essentielle pour planifier efficacement la transmission des parts avec une charge fiscale réduite. Les héritiers et bénéficiaires doivent être prêts à fournir des preuves concrètes de l’activité animatrice de la holding pour se prévaloir de l’exonération partielle des droits de mutation.
L’arrêt du 13 mai 2024 de la Cour d’appel de Paris confirme que les parts de société holding peuvent ouvrir droit à une exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit, à condition que la société soit effectivement animatrice de ses filiales. Cette décision met en lumière l’importance de la documentation et de la preuve de l’activité d’animation pour bénéficier des régimes fiscaux favorables à la transmission d’entreprises.
Bail commercial : fixation du loyer du bail renouvelé avec un prix fixé en fonction du chiffre d’affaires
Cass. 3e civ., 30 mai 2024, n° 22-16.447
L’article R. 145-23 du Code de commerce joue un rôle central dans la régulation des baux commerciaux, particulièrement en matière de fixation du loyer lors du renouvellement du bail. Cet article stipule que toute demande visant à fixer le prix d’un bail renouvelé doit être examinée, sans exclusion pour les baux dont le loyer comprend une part variable. Cela inclut les situations où le loyer est constitué d’une partie fixe et d’une partie indexée sur le chiffre d’affaires, ou tout autre indicateur de performance économique.
Dans ce contexte, il est essentiel de comprendre comment les parties peuvent s’opposer à une demande de fixation du loyer à la valeur locative, surtout lorsque le bail initialement convenu inclut une composante variable dans le loyer. Traditionnellement, si le loyer est en partie variable, cela peut signifier que les parties préfèrent une flexibilité liée à la performance plutôt qu’un loyer fixe.
Lorsque l’une des parties s’oppose à une demande de fixation du loyer à la valeur locative, en argumentant que le bail inclut une part variable et n’a pas prévu de recours au juge des loyers commerciaux pour ajuster la partie fixe ou le minimum garanti à cette valeur locative, cette opposition est qualifiée de défense au fond. En effet, une défense au fond conteste la validité des prétentions de l’autre partie sur le fond du droit, plutôt que de contester la recevabilité de l’action elle-même, ce qui serait une fin de non-recevoir.
La jurisprudence a confirmé que ce type de contestation ne constitue pas une fin de non-recevoir, mais bien une défense au fond. Cela signifie que le juge des loyers commerciaux, lorsqu’il est saisi d’une telle demande, doit examiner les éléments contractuels et extrinsèques pour déterminer la volonté commune des parties. Si le contrat ou d’autres preuves révèlent que les parties avaient effectivement l’intention de permettre une fixation judiciaire du loyer à la valeur locative, alors cette demande peut être recevable et examinée par le juge.
Selon l’interprétation combinée des articles 1134, alinéa 1 du Code civil (dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016) et L. 145-33 à L. 145-36 du Code de commerce, la présence d’une clause de loyer variable dans un bail commercial indique généralement que les parties souhaitent éviter une fixation judiciaire du loyer à la valeur locative lors du renouvellement du bail. Toutefois, si les parties expriment clairement une volonté commune contraire, que ce soit dans le contrat ou à travers des éléments extrinsèques, le juge doit respecter cette volonté et peut alors intervenir pour fixer le loyer à la valeur locative.
La jurisprudence récente de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 30 mai 2024, n° 22-16.447) confirme cette approche. Dans ce cas précis, la Cour a examiné si les parties avaient, par leur comportement ou d’autres éléments, manifesté une volonté contraire à l’exclusion d’une intervention judiciaire pour fixer le loyer. Elle a ainsi établi que le juge des loyers commerciaux devait rechercher cette volonté commune, même en l’absence de clause explicite dans le contrat permettant une telle fixation judiciaire.
Ce principe de respect de l’autonomie de la volonté des parties est également en accord avec l’article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit le droit d’accès au tribunal. La Cour a souligné que le fait de résoudre les contestations sur le prix d’un bail renouvelé par le maintien du loyer antérieur, sans recourir automatiquement à une fixation judiciaire à la valeur locative, ne constitue pas une violation de ce droit. Il s’agit plutôt d’une application de l’autonomie contractuelle des parties, qui est un principe fondateur du droit des obligations.
En pratique, cela implique que les parties à un bail commercial doivent être précises et claires dans leurs stipulations contractuelles concernant le loyer lors du renouvellement. S’il y a une part variable dans le loyer, elles doivent explicitement prévoir si et comment cette composante sera révisée ou maintenue à la valeur locative, et si elles souhaitent que le juge des loyers commerciaux intervienne en cas de désaccord.
Ainsi, cet arrêt du 30 mai 2024 réaffirme l’importance de la clarté contractuelle et de la recherche de la volonté commune des parties dans les litiges relatifs aux baux commerciaux. Les parties doivent veiller à exprimer explicitement leurs intentions et à inclure des clauses détaillées sur la fixation du loyer lors du renouvellement du bail pour éviter toute ambiguïté juridique.
Doctrine Administrative
Fiscalité : Pacte Dutreil : précision du champ des activités éligibles à l’exonération
BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, 30 mai 2024.
L’administration fiscale a publié de nouvelles instructions le 30 mai 2024 (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 et BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40) pour préciser et assouplir le champ des activités éligibles à l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit dans le cadre du pacte Dutreil. Ces modifications sont le résultat des assouplissements introduits par la loi de finances pour 2024, visant à faciliter la transmission des entreprises familiales tout en renforçant leur pérennité.
Les nouvelles instructions apportent des clarifications essentielles sur les types d’activités qui peuvent bénéficier de l’exonération partielle prévue par l’article 787 B du Code général des impôts (CGI). Cette exonération permet une réduction significative des droits de mutation lors de la transmission d’une entreprise familiale, à condition que certaines conditions soient respectées.
L’administration fiscale a élargi le champ des activités pouvant être considérées comme éligibles. Traditionnellement, seules les activités industrielles, commerciales, artisanales, agricoles ou libérales étaient directement admissibles. Avec les nouvelles instructions, certaines activités de gestion de patrimoine et de conseil, qui étaient auparavant ambiguës ou exclues, sont maintenant incluses sous certaines conditions. Cela permet à un plus grand nombre de sociétés, y compris certaines holdings animatrices, de bénéficier du régime favorable du pacte Dutreil.
Pour que l’activité d’une société soit éligible à l’exonération partielle des droits de mutation, plusieurs critères doivent être remplis. Tout d’abord, l’activité principale de la société doit être une activité économique exercée de manière régulière, avec une organisation propre et des moyens distincts, et dans un but lucratif. Les activités purement civiles, comme la gestion passive de patrimoine, restent exclues de cette exonération.
Ensuite, les associés de la société doivent prendre un engagement collectif de conservation des parts pour une durée minimale de deux ans avant la transmission. Cet engagement, souvent appelé « pacte Dutreil », est crucial car il assure que la propriété de l’entreprise reste stable pendant une période significative, ce qui est censé favoriser la continuité de l’activité. Après la transmission, les héritiers ou bénéficiaires doivent poursuivre cet engagement de conservation pour une durée supplémentaire de quatre ans.
L’un des signataires de l’engagement collectif doit également exercer une fonction de direction au sein de la société pendant toute la durée de l’engagement collectif et pendant au moins trois ans après la transmission. Cette condition est destinée à garantir que la direction de l’entreprise reste impliquée activement dans sa gestion, assurant ainsi une continuité effective des opérations.
Les nouvelles directives précisent aussi que les sociétés holding, pour être considérées comme éligibles à l’exonération, doivent démontrer qu’elles jouent un rôle actif dans la gestion de leurs filiales, en fournissant des services de gestion ou de support, et en participant de manière substantielle à leurs décisions stratégiques et opérationnelles. Cette démonstration nécessite des preuves concrètes telles que des contrats de service, des rapports de gestion ou des comptes rendus de réunions illustrant l’implication de la holding dans la conduite des affaires des filiales.
Ces assouplissements permettent aux entreprises de bénéficier plus facilement des avantages fiscaux offerts par le pacte Dutreil, tout en respectant les objectifs de continuité et de stabilité économique que ce régime vise à promouvoir. Ils offrent aux familles détenant des sociétés une plus grande flexibilité dans la planification de la transmission de leurs entreprises, en réduisant la charge fiscale et en assurant la pérennité des activités familiales.
Pour les conseillers en entreprise et les familles concernées, ces nouvelles instructions soulignent l’importance de bien documenter les activités de la société et de prouver leur éligibilité à l’exonération. Les entreprises doivent être préparées à fournir des preuves détaillées de leurs activités économiques et de leur conformité avec les conditions requises par le pacte Dutreil pour s’assurer qu’elles peuvent bénéficier de ces avantages fiscaux.
En conclusion, les instructions fiscales du 30 mai 2024 élargissent le champ des activités éligibles à l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit dans le cadre du pacte Dutreil. Ces clarifications et assouplissements visent à faciliter la transmission des entreprises familiales, en permettant à un plus grand nombre de sociétés de bénéficier de ce régime fiscal avantageux, tout en garantissant que les objectifs de continuité et de stabilité des activités économiques sont respectés.
Fiscalité : Instruction sur place des demandes de remboursement de crédit de TVA
BOI-CTX-PREA-20, 15 mai 2024, § 1 à 210
L’administration fiscale a mis à jour le 15 mai 2024 la base BOFIP-Impôts (BOI-CTX-PREA-20, § 1 à 210) concernant l’instruction sur place des demandes de remboursement de crédit de TVA. Cette procédure permet aux agents des impôts de se rendre directement dans les locaux des entreprises pour vérifier la validité des demandes de remboursement lorsque le montant de la TVA déductible excède celui de la TVA collectée. L’objectif est de s’assurer que les crédits de TVA réclamés sont justifiés et conformes aux transactions enregistrées. L’instruction sur place inclut une série d’étapes, de la notification préalable à l’entreprise à la rédaction d’un rapport détaillant les constatations. Les entreprises doivent préparer les documents comptables pertinents et coopérer pleinement avec les agents fiscaux pour faciliter la vérification. Cette procédure vise à améliorer la précision et l’efficacité du processus de remboursement tout en renforçant la transparence fiscale.
Fiscalité immobilière : Plafonds 2024 de loyers et de ressources des locataires pour certains dispositifs en faveur de l’investissement outre-mer
BOI-BAREME-000019, 15 mai 2024
Le 15 mai 2024, l’administration fiscale a mis à jour les plafonds annuels de loyers et de ressources des locataires applicables pour certains dispositifs en faveur de l’investissement immobilier outre-mer, comme précisé dans la base BOFIP-Impôts (BOI-BAREME-000019). Ces plafonds sont essentiels pour les investisseurs qui souhaitent bénéficier des avantages fiscaux liés à ces dispositifs, tels que la réduction d’impôt pour les investissements locatifs en zones éligibles. En 2024, les plafonds de loyers et de ressources varient selon la localisation géographique et le type de dispositif. Ces seuils garantissent que les avantages fiscaux profitent aux locataires aux revenus modestes et modérés. Par exemple, les investissements locatifs en outre-mer doivent respecter des plafonds de loyers spécifiques pour chaque mètre carré de surface habitable, adaptés aux conditions locales. De même, les ressources des locataires ne doivent pas dépasser des limites fixées pour pouvoir louer sous ces régimes préférentiels. Ces ajustements annuels permettent de maintenir l’équité et l’efficacité des incitations fiscales tout en s’adaptant aux évolutions économiques et sociales des régions concernées.
Fiscalité : France Ruralités Revitalisation : entrée en vigueur de la réforme le 1er juillet 2024
Min. Cohésion des territoires, actualités, 4 juin 2024 (Rural)
La réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR), adoptée dans la loi de finances pour 2024, entrera en vigueur le 1er juillet 2024. Annoncée par le ministère de la Cohésion des territoires le 4 juin 2024, cette réforme vise à stimuler le développement économique et social des zones rurales en difficulté. Les nouvelles mesures incluent des exonérations fiscales accrues pour les entreprises s’installant dans les ZRR, des aides à l’investissement pour les PME, ainsi que des incitations pour les professions libérales et les commerces de proximité. En parallèle, le dispositif élargit les critères d’éligibilité des communes pour bénéficier du statut de ZRR, permettant à un plus grand nombre de territoires ruraux de profiter de ces avantages. La réforme prévoit également un soutien renforcé pour les projets locaux innovants, favorisant l’emploi et la revitalisation des centres-villes ruraux. Ces mesures ont pour objectif de réduire les disparités territoriales et de favoriser une croissance inclusive et durable dans les zones rurales de France.
Bail commercial : Conclusion d’un accord pour la mise en place de la mensualisation des loyers et l’accélération du recouvrement des impayés
Minefi, communiqué n° 1907, 3 juin 2024 (Loyers)
Un accord a été signé entre différentes fédérations représentant les bailleurs, les investisseurs en immobilier de commerce et les commerçants , comme annoncé dans le communiqué n° 1907 du ministère de l’Économie et des Finances. Cet accord vise à instaurer la mensualisation des loyers pour les baux commerciaux, simplifiant ainsi la gestion financière des locataires. La mensualisation permettra aux commerçants de mieux aligner leurs paiements de loyer avec leurs flux de trésorerie, réduisant ainsi la pression financière et facilitant une gestion plus fluide des paiements. En parallèle, l’accord prévoit des mesures pour accélérer le recouvrement des loyers impayés, offrant aux bailleurs une sécurité accrue en cas de défaut de paiement. Ces mesures incluent la mise en place de procédures simplifiées pour traiter rapidement les cas d’impayés, ainsi qu’un soutien renforcé pour les bailleurs dans la récupération des sommes dues. Cet accord reflète un effort concerté pour équilibrer les intérêts des bailleurs et des locataires, promouvant ainsi une stabilité et une prévisibilité accrues dans les relations commerciales. Il est également conçu pour s’adapter aux défis économiques contemporains, en offrant des solutions pratiques pour la gestion des loyers dans un contexte commercial souvent marqué par des variations saisonnières et économiques.
Projets, propositions et rapports
Entreprise : Simplification de la vie des entreprises : le Sénat remanie le projet de loi
Sénat, actualités, 5 juin 2024
Le Sénat a terminé le 5 juin dernier l’examen des amendements sur le projet de loi de simplification de la vie économique. Ce projet de loi, qui vise à alléger les contraintes administratives et à faciliter les opérations quotidiennes des entreprises en France, a été profondément remanié par les sénateurs. Les débats ont porté sur une série d’amendements destinés à rendre le cadre réglementaire plus flexible et moins contraignant pour les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE).
Parmi les modifications notables, le Sénat a inclus des mesures pour simplifier les procédures de création d’entreprises, réduire les formalités administratives récurrentes et améliorer l’accès aux financements. Un des amendements adoptés prévoit la simplification des démarches pour l’obtention des licences et autorisations nécessaires à l’exercice de certaines activités commerciales. De plus, le projet de loi propose de rationaliser les obligations comptables pour les PME, permettant une réduction des coûts de conformité.
Le texte comprend également des dispositions pour digitaliser davantage les interactions entre les entreprises et les administrations, avec l’objectif de réduire les délais de traitement et d’accroître l’efficacité des services publics. Des mesures visant à faciliter le recrutement et à alléger les obligations sociales ont aussi été intégrées, offrant aux entreprises une plus grande flexibilité dans la gestion de leurs ressources humaines.
Le vote solennel sur le projet de loi a eu lieu le 11 juin 2024, marquant une étape importante vers l’adoption de ces réformes. Si ce projet de loi est définitivement adopté, il pourrait transformer de manière significative l’environnement des affaires en France, rendant les entreprises plus agiles et mieux préparées à affronter les défis économiques contemporains. Les réformes proposées sont saluées par de nombreux acteurs économiques qui espèrent qu’elles contribueront à stimuler la croissance et la compétitivité des entreprises françaises.
Banque : Rapport 2023 du médiateur AMF : stabilité des saisines mais forte hausse des litiges sur les SCPI, le crowdfunding immobilier et les crypto-actifs
Le 4 juin 2024, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié son rapport annuel pour 2023 sur l’activité du médiateur. Ce rapport révèle une stabilité générale du nombre de saisines, mais met en lumière une augmentation significative des litiges liés à certains produits financiers spécifiques. Parmi ces produits, les Sociétés Civiles de Placement Immobilier (SCPI), le crowdfunding immobilier et les crypto-actifs ont enregistré une forte hausse des différends.
Les SCPI, qui permettent aux investisseurs d’acquérir indirectement un patrimoine immobilier locatif, ont vu une augmentation des plaintes concernant principalement les frais de gestion, la liquidité des parts et la performance des investissements. Les investisseurs ont souvent exprimé des inquiétudes sur la transparence des informations fournies par les sociétés de gestion et sur la difficulté de revendre leurs parts dans un marché parfois peu liquide.
Le secteur du crowdfunding immobilier, qui permet de financer des projets immobiliers via des plateformes en ligne, a également connu une montée en flèche des litiges. Les plaintes dans ce domaine se concentrent souvent sur des retards dans la réalisation des projets, des rendements inférieurs aux prévisions initiales, et des questions de conformité réglementaire des plateformes. Les investisseurs ont été particulièrement préoccupés par le risque accru lié à ces investissements et par les difficultés à obtenir des informations claires et précises sur l’état des projets financés.
En parallèle, les crypto-actifs ont suscité une augmentation notable des conflits. Les litiges dans ce domaine couvrent une gamme de problématiques, incluant les pertes financières dues à la volatilité extrême des marchés de crypto-monnaies, les fraudes, les piratages de portefeuilles numériques, et la compréhension des risques associés à ces actifs. Le rapport du médiateur de l’AMF souligne que de nombreux investisseurs dans les crypto-actifs manquent de connaissances approfondies sur ces produits complexes et sont souvent attirés par des promesses de rendements élevés sans pleinement comprendre les risques.
Le rapport indique que le médiateur a traité un volume stable de saisines par rapport aux années précédentes, mais la nature des litiges évolue, reflétant les tendances émergentes et les nouveaux défis dans le paysage financier. Les résolutions de ces litiges ont souvent nécessité une médiation approfondie et une clarification des obligations d’information et de transparence des acteurs financiers concernés.
L’AMF met en garde les investisseurs sur la nécessité de bien comprendre les caractéristiques et les risques des produits financiers avant d’investir, particulièrement dans des secteurs en forte croissance comme les SCPI, le crowdfunding immobilier et les crypto-actifs. Le rapport du médiateur insiste sur l’importance pour les acteurs du marché de renforcer la qualité de l’information fournie aux investisseurs et de veiller à la conformité avec les réglementations en vigueur pour protéger les investisseurs.
Le rapport 2023 du médiateur de l’AMF montre une stabilité dans le nombre global de saisines, mais révèle une forte hausse des litiges liés aux SCPI, au crowdfunding immobilier et aux crypto-actifs. Ces tendances soulignent l’importance de la transparence, de l’information claire et de la protection des investisseurs dans un environnement financier de plus en plus diversifié et complexe.
Banque : L’AMF publie les résultats d’une étude sur les frais des fonds d’investissement français
Le 31 mai 2024, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié les résultats d’une étude approfondie sur les frais des fonds d’investissement français. Cette analyse, rendue possible grâce au développement d’un outil informatique innovant, permet de mieux comprendre la structure et l’impact des frais sur les rendements des fonds proposés aux investisseurs en France.
L’étude a été réalisée à l’aide d’un nouveau logiciel développé par l’AMF, capable de traiter et d’analyser de vastes quantités de données financières. Cet outil a permis de décortiquer les frais associés à une large gamme de fonds d’investissement, y compris les fonds communs de placement (FCP) et les sociétés d’investissement à capital variable (SICAV). L’analyse a porté sur divers types de frais, tels que les frais de gestion, les frais de performance, les frais d’entrée et de sortie, et d’autres coûts récurrents.
Les résultats de l’étude montrent que les frais de gestion représentent la part la plus importante des coûts supportés par les investisseurs. Ces frais varient significativement d’un fonds à l’autre, en fonction de la politique de gestion, du type de fonds et de la stratégie d’investissement. Par exemple, les fonds actions tendent à avoir des frais de gestion plus élevés que les fonds obligataires ou les fonds monétaires, en raison des coûts associés à la recherche et à la gestion active des portefeuilles.
Les frais de performance, bien que moins fréquents, ont également été analysés. Ces frais sont souvent appliqués aux fonds qui promettent de battre un indice de référence ou d’atteindre un certain niveau de performance. L’étude a révélé que, dans certains cas, ces frais peuvent réduire de manière significative les gains des investisseurs, surtout si les objectifs de performance ne sont pas atteints de manière régulière.
Les frais d’entrée et de sortie, qui sont payés lors de l’achat ou de la vente de parts de fonds, ont été examinés en détail. L’étude a montré que ces frais peuvent varier considérablement et influencer les décisions d’investissement des particuliers, notamment en limitant la liquidité et la flexibilité de leurs placements. Certains fonds appliquent des frais d’entrée élevés pour compenser les coûts de marketing et de distribution, tandis que d’autres favorisent des frais de sortie pour encourager les investisseurs à rester plus longtemps.
L’étude de l’AMF souligne également l’importance de la transparence et de l’information fournie aux investisseurs sur les frais. Elle met en évidence que les frais moins visibles, tels que les frais de transaction ou les coûts d’opportunité liés aux structures de commission, peuvent avoir un impact significatif sur les rendements nets des fonds. L’AMF insiste sur la nécessité pour les gestionnaires de fonds de fournir des informations claires et détaillées sur tous les frais associés, afin de permettre aux investisseurs de prendre des décisions éclairées.
Cette étude de l’AMF sur les frais des fonds d’investissement français, rendue possible par un outil informatique avancé, offre une vision détaillée des coûts supportés par les investisseurs. Elle met en lumière l’importance de la transparence et de la communication sur les frais dans le choix des produits d’investissement, et souligne l’impact potentiellement significatif de ces frais sur les rendements à long terme.
International
Europe : Paquet LBC-FT : feu vert du Conseil pour les nouvelles règles
Cons. UE, communiqué, 30 mai 2024 (LBC-FT)
Le 30 mai 2024, le Conseil de l’Union européenne a donné son feu vert définitif au paquet de réformes sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT). Ce nouvel ensemble de règles vise à renforcer la protection du système financier européen contre les activités illicites. Les réformes incluent des mesures plus strictes pour la vérification de l’identité des clients, l’obligation pour les entités financières de signaler toute transaction suspecte et l’amélioration de la coopération entre les autorités nationales et européennes. Le paquet prévoit également la création d’une autorité européenne dédiée à la lutte contre le blanchiment de capitaux, dotée de pouvoirs renforcés pour surveiller et coordonner les efforts des États membres. Ces nouvelles règles sont conçues pour combler les lacunes du cadre actuel, en rendant les systèmes de détection et de prévention des activités criminelles plus robustes et efficaces. L’adoption de ce paquet marque une étape clé dans l’effort continu de l’UE pour sécuriser ses marchés financiers et protéger l’économie européenne contre les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
Chiffres et Statistiques
Construction : Construction de logements : résultats à fin avril 2024
En avril 2024, le secteur de la construction de logements en France a enregistré une hausse notable des autorisations de construction, atteignant 29 200 unités, soit une augmentation de 4 % par rapport à mars 2024, selon le Statinfo n° 641 publié le 30 mai 2024. Cependant, malgré cette reprise mensuelle, le nombre total de logements autorisés reste 24 % en dessous des niveaux observés à la même période l’année précédente. Ce déclin annuel souligne les défis persistants que le secteur continue de rencontrer, tels que les tensions sur les chaînes d’approvisionnement et les coûts élevés des matériaux. Les logements commencés ont également montré une tendance à la baisse, avec une diminution de 8 % sur un an, impactant le volume global des chantiers en cours. Le dynamisme du marché reste hétérogène, avec une croissance plus marquée dans certaines régions urbaines, tandis que les zones rurales et les petites agglomérations peinent à suivre ce rythme. Les professionnels du secteur espèrent que les mesures récentes du gouvernement pour stimuler la construction et simplifier les démarches administratives contribueront à inverser cette tendance.
Autres
Urbanisme : Constitutionnalité de la démolition fondée sur l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme malgré une autorisation d’exploiter
25 avril 2024, Cour de cassation Pourvoi n° 24-10.256
Dans un arrêt du 25 avril 2024, la Cour de cassation a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme. Cet article permet d’ordonner la démolition d’un ouvrage construit sans permis ou en violation des règles d’urbanisme, même si une autorisation d’exploiter a été obtenue. Les requérants avaient contesté la constitutionnalité de cette disposition, arguant qu’elle portait atteinte à l’exigence de sécurité juridique en permettant la démolition d’ouvrages pour lesquels une autorisation administrative avait été délivrée.
La Cour de cassation a jugé que l’article L. 480-13 n’était pas contraire aux principes constitutionnels de sécurité juridique et de protection des droits acquis. La décision précise que l’existence d’une autorisation d’exploiter ne légitime pas une construction réalisée en infraction avec les règles d’urbanisme en vigueur. En effet, l’objectif de cet article est de garantir le respect des normes d’urbanisme, indispensables pour l’aménagement harmonieux du territoire et la préservation de l’intérêt général.
Le raisonnement de la Cour repose sur le fait que les autorisations d’exploiter et les permis de construire relèvent de régimes juridiques distincts. L’obtention d’une autorisation d’exploiter, souvent délivrée pour des activités commerciales ou industrielles, ne dispense pas le bénéficiaire de se conformer aux exigences de l’urbanisme. Ainsi, la démolition d’une construction illégale peut être ordonnée même si l’exploitant détient une autorisation administrative pour l’activité qui y est exercée.
Cette décision réaffirme l’importance du respect des règles d’urbanisme, indépendamment des autres autorisations administratives obtenues. La Cour de cassation a estimé que la possibilité de démolition, même après l’obtention d’une autorisation d’exploiter, n’entraîne pas d’insécurité juridique excessive pour les propriétaires et exploitants. Au contraire, elle vise à maintenir l’ordre public en matière d’aménagement du territoire.
La Cour a conclu que l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme est conforme aux exigences constitutionnelles. Cette décision met en avant la priorité accordée au respect des règles d’urbanisme et l’importance de la coordination entre les différents régimes d’autorisations administratives. Les propriétaires et exploitants sont ainsi rappelés à leur obligation de veiller à la conformité de leurs constructions avec les normes d’urbanisme, sous peine de sanctions sévères, y compris la démolition.
Dissolution de la communauté : La remise au clair entre biens propres et biens communs
2 mai 2024, Cour de cassation, Pourvoi n° 22-15.238
La distinction entre biens propres et biens communs est un point central lors de la dissolution d’une communauté conjugale. Cette question est souvent délicate, notamment lorsqu’il s’agit de reprendre des fonds propres. La Cour de cassation, dans une décision récente, a apporté des précisions importantes sur les conditions requises pour qu’un époux puisse revendiquer la reprise de ses fonds propres lors de la liquidation de la communauté.
Selon l’article 1467 du Code civil, pour qu’un époux puisse récupérer ses biens propres, il doit prouver non seulement l’origine propre des fonds, mais aussi qu’ils existent encore dans le patrimoine commun au moment de la dissolution. En d’autres termes, il ne suffit pas de démontrer que les fonds étaient à l’origine propres à l’époux demandeur ; il faut également prouver que ces fonds n’ont pas été mêlés aux biens communs de manière à perdre leur caractère propre.
La Cour de cassation a souligné que cette preuve peut être complexe à fournir, surtout lorsque les fonds ont été investis dans des biens ou des actifs qui, au fil du temps, ont été transformés ou mélangés avec d’autres biens. Par exemple, si des fonds propres ont été utilisés pour acquérir un bien immobilier qui a ensuite été amélioré ou entretenu avec des fonds communs, il devient difficile de prouver que les fonds propres initialement investis n’ont pas perdu leur caractère propre.
En pratique, cette exigence implique que l’époux demandeur doit fournir des preuves comptables ou documentaires précises et détaillées pour établir la traçabilité des fonds. Cela peut inclure des relevés bancaires, des contrats de vente, des actes notariés, ou tout autre document pouvant montrer que les fonds propres ont été conservés ou réinvestis de manière identifiable et séparée des biens communs.
La jurisprudence récente a insisté sur l’importance de la transparence et de la documentation rigoureuse dans la gestion des biens propres. En l’absence de preuves claires, les fonds sont présumés avoir été intégrés dans la communauté, ce qui peut priver l’époux demandeur de la possibilité de récupérer ces fonds lors de la dissolution de la communauté.
En conséquence, pour que la revendication de reprise de fonds propres soit acceptée, l’époux doit démontrer de manière convaincante que les fonds sont restés propres et n’ont pas été assimilés aux biens communs. Cela rappelle l’importance d’une gestion séparée et bien documentée des biens propres tout au long du mariage pour éviter des litiges complexes lors de la dissolution de la communauté.
Cette clarification de la Cour de cassation offre une meilleure compréhension des obligations des époux concernant la gestion des fonds propres et met en évidence la nécessité de maintenir une distinction claire entre les biens propres et communs pour protéger les intérêts individuels de chaque époux.